Alger (© 2024 Afriquinfos)- Moult fois reportées, la visite du président algérien en France n’aura finalement pas lieu. « Je n’irai pas à Canossa », a lancé, ce samedi 5 octobre 2024, Abdelmadjid Tebboune sachant que l’expression « aller à Canossa » signifie aller supplier un pardon. Popularisée par le chancelier allemand Bismarck à la fin du XIXe siècle, elle fait référence à la démarche qu’avait été forcé d’entreprendre au XIe siècle l’empereur germanique Henri IV, qui s’était rendu dans la ville italienne de Canossa pour y implorer le pape Grégoire VII de lever l’excommunication dont celui-ci l’avait frappé.
Réélu il y a un mois avec 84,3% des voix, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a lors d’une interview télévisée ce samedi 5 octobre, accusé la France d’avoir commis un « génocide » sur le territoire algérien, mettant en place un « premier grand remplacement » dont la population a été victime, au moment de la colonisation française. Il a évoqué un sentiment de malaise et d’humiliation.
« Je n’accepte pas les mensonges sur l’Algérie. Nous étions une population d’environ quatre millions, et 132 ans plus tard nous étions à peine neuf millions. Il y a eu un génocide », a asséné le président, qui « demande la vérité historique » pour son peuple. Selon lui, une « minorité haineuse » en France empêche l’avancée de ce dossier de devoir de mémoire.
Le passé colonial algérien – et notamment celui de la guerre d’Algérie – ne cesse de peser sur les relations franco-algériennes, et ce, malgré la mise sur pied, il y a deux ans, d’une commission d’historiens des deux pays pour tenter de clore cette crise diplomatique.
Samedi soir, le président algérien est également revenu sur la question des essais nucléaires français en Algérie dans les années 1960 : « Si vous voulez qu’on soit amis », a-t-il lancé, « venez nettoyer les sites des essais nucléaires. »
Entre 1960 et 1966, la France a procédé à dix-sept essais nucléaires sur plusieurs sites dans le Sahara algérien. Des documents déclassifiés en 2013 ont révélé des retombées radioactives encore importantes, s’étendant de l’Afrique de l’Ouest au sud de l’Europe.
L’annonce, en juillet 2024, de l’appui de Paris au plan d’autonomie marocain sur la question du Sahara occidental a aussi contribué à une nouvelle détérioration des relations entre les deux pays. Cette annonce d’appui a jeté un froid entre Paris et Alger. L’Algérie a d’ailleurs rappelé son ambassadeur en France.
De l’avis de plusieurs analystes, s’ajoute la situation politique française, le score de l’extrême droite aux dernières législatives et la composition du nouveau gouvernement.
Dans son entretien à la télévision samedi, le président algérien a évoqué l’accord franco-algérien de 1968 qui donne un statut particulier aux Algériens en France.
Il y a moins d’un an, l’Assemblée nationale française avait rejeté un texte qui demandait sa dénonciation. Cet accord, selon le président algérien, est « devenu un étendard derrière lequel marche l’armée des extrémistes » de droite en France.
Signé en 1968, alors que la France avait besoin de bras pour son économie, l’accord en question écarte les Algériens du droit commun en matière d’immigration. Ils n’ont, depuis, pas de carte de séjour en France, mais des « certificats de résidence ». Ils peuvent s’établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante, et ils accèdent plus rapidement que les ressortissants d’autres pays à un titre de séjour de dix ans.
Cette visite attendue depuis le printemps 2023, mais avortée définitivement dégrade encore plus les relations diplomatiques entre les deux pays.
Afriquinfos