"Centre de santé Bon plaisir", "Cabinet Santé assurée", " Cabinet international", etc. Les propriétaires de ces centres de santé de fortune rivalisent d'ingéniosité. Ils sont logés dans des studios, kiosques, hangars ou simples baraques, dans plusieurs arrondissements de N'Djaména, la capitale du Tchad.
Généralement, ces centres de santé n'ont pas de clôture. A l'intérieur, on trouve juste une vielle table ou une sorte d'étagère contenant quelques médicaments génériques exposés à la poussière et à la chaleur, un vieux lit en bois ou une natte en plastique étalée à même le sol et deux ou trois agents de santé. Dans ces cabinets de soins, on effectue des consultations, procède à des soins voire à des hospitalisons. "Moi, je ne fais pas d'hospitalisation, je retiens mes patients juste le temps de terminer une perfusion puis je les libère", se défend Albert Ngaba qui officie dans un cabinet à Gassi, dans la périphérie sud de N'Djaména.
Dépourvus de couverture sanitaire et pauvres, certains habitants de la capitale tchadienne n'ont guère de choix que de recourir à ces formations médicales peu fiables. Ils mettent en avant la proximité de ces centres de santé de fortune et les prix abordables qui y sont pratiqués. "Lorsqu'un de mes enfants tombe malade de palu, par exemple, 2. 000 F CFA (4 USD, Ndlr) suffissent pour le soigner. Or, avec la même somme, on ne peut même pas avoir accès à la consultation dans un grand centre, qu'il soit public ou privé", explique Charles Balyam, menuisier. Les propriétaires de ces lieux ont-ils une autorisation de fonctionner? Certains répondent par l'affirmative sans la moindre preuve. D'autres préfèrent garder le silence. Au niveau du ministère tchadien de la Santé publique, l'on se dit conscient du problème, mais semble à la fois impuissant. "Nous ne nions pas que les cabinets de soins et les pharmacies clandestins puissent exister, mais nous ne sommes pas tout de même en mesure de vous dire avec exactitude quels sont ceux qui sont dans l'illégalité et quels sont ceux qui ne le sont pas", répond Dr Abdéramane Mbodou Choukou, inspecteur général du ministère tchadien de la Santé publique.
Selon lui, l'ouverture d'une pharmacie ou d'un cabinet est soumise à des conditions déterminées par les textes de la République. Ainsi, seul un médecin est habilité à ouvrir une pharmacie ou un cabinet médical. Les infirmiers diplômés d'Etat à la retraite ou mis à disponibilité peuvent également ouvrir des cabinets des soins infirmiers.
Sur le terrain, l'on constate que les agents techniques de santé, des sages-femmes ou infirmiers diplômés d'Etat en fonction ou en instance d'intégration à la Fonction publique se lancent dans cette aventure.
"Par un simple stage dans un centre similaire, chacun peut déjà en ce moment ouvrir un cabinet de soins et parfois clandestinement pourvu qu'il ait un peu de moyens financiers", note Dr Djoudoungeougou Djounfoune, président national de l'Ordre des médecins du Tchad. Il déplore que les détenteurs de ces centres se permettent l'hospitalisation des malades, compliquant ainsi certains cas.
Tous les cabinets de soin qui exercent aux mépris des conditions sus mentionnées et qui n'ont aucune autorisation de fonctionner seront débusqués y compris ceux des charlatans, promet Dr Mbodou Choukou. Car la santé de la population est en danger. Il explique qu'il se posait entre temps un problème de moyens en personnels et en matériels pour commencer une mission de vérification. "Nous avons adressé des termes de référence au ministre de la Santé qui nous a déjà donné le feu vert. Maintenant tout est fin prêt", affirme-t-il.
Selon l'inspecteur général de la Santé publique, ses services viennent d'être dotés de véhicules. De nouveaux inspecteurs viennent également d'y être affectés. "D'ici deux semaines, nous descendrons sur terrain par arrondissement pour une inspection générale. La presse sera conviée pour la circonstance", conclut Dr Mbodou Choukou. Il y a une semaine, le secrétaire général du ministère de la Santé publique, Mahamat Annour Wadak, a débusqué un jeune homme de Matadi qui se faisait appeler "médecin" dans un centre de santé dans le VIIème arrondissement de N'Djaména et prétendait diagnostiquer une douzaine de maladies grâce à une machine. Il a promis que la traque sera poursuivie dans tous les districts sanitaires de la capitale et du pays.