The Conversation –Un accord de paix a été signé, le 20 avril à Bardai, chef-lieu de la province du Tibesti, entre le gouvernement tchadien et le comité d’autodéfense de Miski. Il marque une nouvelle étape dans la résolution d’un conflit né en 2018 autour de l’exploitation des ressources minières. Un comité constitué par les habitants de Miski, localité enclavée du massif du Tibesti, s’est formé pour défendre les droits des communautés locales face à l’exploitation jugée illégale et anarchique des mines d’or par des acteurs extérieurs et l’armée tchadienne.
Dans une climat régional marqué par la persistance des conflits armés, notamment la guerre civile au Soudan voisin, le Tchad cherche ainsi à stabiliser ses propres foyers de tension. Tchoudiba Bourdjorbo, qui a étudié de la gouvernance sécuritaire et l’évolution politique du Tchad analyse,, dans cet entretien avec The Conversation Africa, la portée réelle de cet accord, ses conséquences et les conditions d’une paix durable.
Quels sont les enjeux de cet accord pour la stabilité du Tibesti ?
Le récent accord de paix signé le 20 avril 2025 entre le gouvernement tchadien et le comité d’autodéfense de Miski, à Bardai, chef-lieu de la province du Tibesti, intervient dans un contexte de crise sécuritaire et de guerre civile soudanaise dont le gouvernement du Tchad est accusé d’ingérence.
Un conflit susceptible de se généraliser au Tchad, via des velléités internes entre les communautés Zaghawa du Tchad et du Soudan qui reprochent au régime tchadien son ingérence dans ce conflit en soutien aux Forces de soutien rapide (FSR), une force paramilitaire soudanaise. Une conflictualité qui peut facilement tendre la brèche au conflit qui oppose le comité d’autodéfense de Miski contre le gouvernement tchadien sur la question de l’exploitation des gisements d’or.
Il est important de mentionner le fait que la région du Tibesti où sont localisées les mines d’or de Miski échappe au contrôle de l’État depuis des années. C’est une zone de grands trafics illégaux de la drogue, des migrants, des armes, d’or, etc. Bastion de plusieurs groupes armées, elle est au centre des convoitises des puissances d’où la lutte pour son contrôle.
Outre les dimensions sécuritaires et géostratégiques, cet accord soulève également des enjeux politiques, de gouvernance, environnementaux, financiers et, surtout, socio-économiques. Car les différends opposant le gouvernement et la population de cette localité de Miski, regroupée au sein d’un groupe d’autodéfense, sont nés autour de la question des modalités d’exploitation des ressources minières et de leurs retombées.
La région du Tibesti, austère par son environnement désertique, difficile à vivre, fait l’objet de convoitises tant pour sa position stratégique à la lisière de la Libye, dans une zone dont le contrôle par les puissances et les États limitrophes, constitue un enjeu majeur. La lutte pour le contrôle et l’exploitation de son sous-sol riche en ressources minières (or, uranium, pétrole, etc.) constitue également un autre enjeu.
Quelles pourraient être les principales conséquences de cet accord ?
Cet accord de paix acclamé par les institutions de l’État, les organisations de la société civile, la population, etc. constitue un instrument de stabilité et de réconciliation nationale après plusieurs années de conflit meurtrier dont il est difficile d’estimer le nombre des victimes par manque d’informations lié à l’inaccessibilité de cette région.
Cette hypothèse peut tenir si est seulement si cet accord est respecté. En revanche, il peut constituer un facteur de multiplication de conflits communautaires au cas où d’autres communautés qui se retrouvent dans la même situation, décident d’utiliser la même méthode de revendication armée.
Quelles sont les conditions pour qu’un tel accord soit bien respecté ?
Il est bien beau de pondre des accords et de les faire signer en grande pompe par les différentes parties, mais le défi principal demeure le respect de l’accord par tous les acteurs. C’est d’ailleurs ce qui manque dans le processus de résolution de conflits et de gestion de crises au Tchad.
Parmi les conditions clés figurent la transparence dans la réinsertion des ex-combattants et l’implication des autochtones dans l’exploitation des ressources.
La sécurisation du Tibesti par l’armée, le respect des droits humains et le développement socioéconomique de la région sont également essentiels.
Enfin, la participation des organisations internationales est souhaitée pour garantir l’application effective de l’accord.
Cet accord peut-il servir de modèle pour d’autres conflits communautaires au Tchad ?
Le Tchad fait face à plusieurs conflits communautaires parmi lesquels, celui opposant depuis quelques années le groupe d’autodéfense de Miski au gouvernement. De pareils accords ont été signés par le passé, sans être mis en œuvre à cause du manque de volonté politique de l’État à respecter ses engagements, des ingérences externes et du manque de mécanisme de suivi-évalution.
Cet accord à travers son modèle atypique peut servir d’exemple pour la résolution d’autres conflits communautaires à condition que les parties prenantes honorent leurs engagements.
Le bien-fondé de cet accord s’explique par la recherche d’une paix durable dans un pays déchiré par des conflits armés. Par ailleurs, la question de la légalité et de la légitimité de cet accord se pose et risque d’entacher son effectivité.
Quels risques pourraient compromettre la mise en œuvre de cet accord ?
L’accord de Miski constitue un vrai outil de réconciliation et de consolidation de la paix dans une zone en proie à des violences intercommunautaures depuis plusieurs décennies. En revanche, plusieurs risques peuvent compromettre sa mise en oeuvre. Parmi ceux-ci, il y a le contexte d’insécurité et conflictuel actuel de la sous-région qui peut facilement faire basculer les choses.
On lève l’équivoque ici sur les activités d’autres mouvements armés et la guerre civile au Soudan voisin constitue également un risque pour la mise en oeuvre de cet accord. Quand on sait que les Toubous, groupe éthnique majoritaire du Tibesti, sont actifs dans cette guerre civile.
L’autre risque pourrait être provoqué par les ingérences externes et les rivalités grandissantes autour du contrôle et de l’exploitation des ressources minières. Mais aussi et surtout pour le contrôle du Tibesti.
L’échec de l’accord de Miski pourrait découler d’une mauvaise gestion de l’exploitation des ressources minières et du non-respect des engagements liés à la réinsertion des ex-combattants dans les secteurs administratif et militaire de l’État. Il pourrait également résulter de l’absence de développement économique et du non-aboutissement des projets d’infrastructures socio-professionnelles.
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