Les manifestants dénoncent particulièrement les dépenses exorbitantes du président Jacob Zuma et de son gouvernement sur le dos du contribuable sud africain.Depuis plusieurs mois, le président Jacob Zuma est empêtré dans des scandales financiers qui ont suscité indignation et révolte au sein de la société civile. C’est avant tout le scandale de la rénovation de sa résidence de campagne privée sous couvert de travaux de sécurité, qui a fait naître la polémique. Des travaux dont la facture s’est élevée à près de 20 millions d’euros.
A cette accusation, vient se greffer celle de l’augmentation de salaire du directeur de la télévision publique qui ne fait pas l’unanimité des Sud-africains. Puis, il y a cette affaire du gendarme boursier américain (SEC) qui aurait reçu de l’argent illégalement de la part du groupe japonais Hitachi pour la construction de turbines, à la fin des années 2000 qui a alimenté les débats ces derniers jours…
Frustrations et mécontentements
Pour la société sud-africaine, il était temps de réagir. A l’appel de dizaines d’organisations de la société civile notamment ONG, syndicats, Eglises, des manifestants se sont dirigés vers le siège du Gouvernement tandis qu’une marche similaire se déroulait simultanément au Cap, siège du Parlement.
Au Cap, environ 2.000 manifestants étaient rassemblés brandissant des banderoles et pancartes sur lesquels on pouvait lire entre autres : «L’apartheid nous a volé notre passé. La corruption nous vole notre avenir».
Dans un communiqué publié par sa Fondation, l’archevêque Desmond Tutu a également dénoncé les pratiques du gouvernement de Jacob Zuma. «Une société qui répartit ses ressources en fonction de la proximité des gens avec le pouvoir n’est pas moins coupable qu’une société qui répartit ses ressources en fonction de la couleur de la peau», a sévèrement lâché l’archevêque anglican.
De leur côté, les organisateurs ont remis un mémorandum au ministre de la Justice Jeff Radebe, devant le palais présidentiel dans la capitale sud-africaine. «Nous, citoyens et résidents d’Afrique du Sud, sommes réunis ici pour dire au Gouvernement que nous en avons assez de la corruption qui affecte notre économie, détruit nos emplois, spolie les pauvres et mine les bases de notre démocratie», a indiqué l’ONG Unite Against Corruption, organisatrice de l’évènement, dans un communiqué. Le ministre de la Justice a tenté de prendre la parole devant le Palais présidentiel, mais il a été interrompu par les huées des manifestants.
«Nous reviendrons le 14 octobre, l’été va être très chaud», a lancé Zwelinzima Vavi, l’ex-secrétaire général de la centrale syndicale Cosatu faisant ainsi référence à une nouvelle marche prévue par les syndicats dans deux semaines.
Une récidive jugée nécessaire par les organisateurs puisque l’affluence de cette marche contre la corruption n’a pas atteint les 10.000 personnes espérées par ces derniers. Prévue de très longue date, cette marche contre la corruption, a subi un revers majeur ces derniers jours, lorsque le gouvernement a refusé aux syndicats impliqués la possibilité de déposer un préavis de grève, pour que leurs adhérents puissent manifester. La manœuvre a été qualifiée par certains critiques de méthode digne de l’apartheid, le régime raciste aboli en 1994.
«On dénie le droit de manifester à un grand nombre de gens. Ils nous ont rendu les choses plus difficiles, mais je ne pense pas qu’ils en tireront un bénéfice. Nous sommes en démocratie, et en démocratie lorsque les gens parlent, ils veulent être entendus, sinon ils parlent plus fort», a dénoncé David Lewis, directeur de l’ONG Corruption Watch. Pour d’autres observateurs, toutes ces défaillances notoires dans la vie publique sud-africaine, prouvent que la démocratie chèrement acquise en 1994 avec Nelson Mandela, a surtout servi à enrichir une petite classe dirigeante, alors que le pays, encore peuplé de bidonvilles, se débat avec un taux de chômage des plus élevés en Afrique et une économie qui tourne au ralenti.
Larissa AGBENOU