Sida : "Trouver autre chose pour agir sur les autres formes réservoirs du virus", préconise Luc Montagnier

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Panéliste au premier New York Forum Africa, une plateforme de réflexion économique tenue du 8 au 10 juin dans la capitale gabonaise, le chercheur a également conseillé de s'orienter vers les médicaments traditionnels en Afrique, étant donné que "des médicaments trop purifiés ne réduisent plus rapidement des résistances".

Question : Vous préconisez de s'orienter vers les médicaments traditionnels en Afrique comme alternative pour le continent de résoudre le problème des coûts élevés des médicaments importés et offrir des accès de soins de santé à des prix abordables à ses populations. Vous n'y voyez pas une menace pour l'industrie pharmaceutique du Nord qui y verrait une grande part de son marché lui échapper ?

Réponse : Peut-être pas, je crois qu'il faut ajouter et non pas remplacer. Il y a des grands médicaments du Nord qui sont utiles à tout le monde et qui ne peuvent pas être remplacés. Mais il y a effectivement d'autres produits qui viennent de l'expérience africaine ou asiatique qui ont droit effectivement aussi à avoir une part de ce que vous appelez un marché. Ce n'est pas forcément les mêmes maladies d'ailleurs. Certaines maladies, on a déjà des médicaments très actifs et par contre, comme on le voit pour la malaria, il est clair que c'est une course entre des traitements et l'évolution du germe qui est extrêmement importante, parce qu' il varie tout le temps. Donc, on s'aperçoit que parfois des médicaments trop purifiés ne réduisent plus rapidement des résistances. Donc, il vaut mieux des extraits naturels.

 

Q : L'ONUSIDA à travers son directeur exécutif a lancé un projet de construction en Afrique de médicaments du Sida avec le partenariat chinois. Est-ce que c'est un projet que vous soutenez ?

R : Je pense que vous faites allusion à des génériques qui peuvent être fabriqués en Afrique. Ces génériques sont déjà très peu chers. Ils sont fabriqués en Inde, au Brésil. Donc, peut-être que leurs prix peuvent encore baisser. Le problème, c'est que malheureusement ces génériques induisent des résistances et en ce moment-là on a des médicaments qu'on appelle de deuxième génération ou de deuxième ligne ou bien de troisième ligne qui sont encore extrêmement chers. Parce qu'il y a des brevets, etc. Donc, ça ne résout pas le problème.

 

Q : Vous voulez dire que c'est une voie que l'Afrique ne doit pas prendre ?

R : Je ne sais pas, mais il y a d'autres voies. Je répète que tous ces médicaments ne guérissent pas, ils diminuent la multiplication du risque, mais ils ne guérissent pas. Donc, il faut trouver autre chose qui agit sur les autres formes réservoirs du virus.

 

Q : Pour le grand public, le Sida, c'est une affaire de business. Vous pensez que les gros intérêts qui y sont en jeu vont laisser l'Afrique avancer sur le terrain de la recherche où il s' observe aujourd'hui beaucoup de controverses ?

R : Je l'espère. D'ailleurs, nous-mêmes nous avons des centres de recherches en Afrique. Il faut travailler là où le Sida est le plus important et c'est en Afrique. Ce n'est pas un grand problème dans les pays du Nord, comme vous le savez. Il y a très peu maintenant de campagnes de prévention dans les pays européens. Par contre, c'est un très grand problème encore pour l'Afrique.

 

Q : Vous dites que de grandes innovations en matière de santé peuvent venir d'Afrique. Lesquelles ?

R : Je pense qu'il faut prendre en compte dans le Sida pas seulement le virus, l'agent principal, mais il y a les co- infections, donc il faut aussi lutter contre les co-infections.