Sida : Le Cameroun sous observation parmi 22 pays les plus concernés dans le monde (PAPIER GENERAL)

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Annoncés en début de semaine à Yaoundé par le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, les nouveaux chiffres compilés en marge de la quatrième enquête nationale démographique et de santé (EDS) réalisée en 2011 ne font aucune allusion aux nouvelles infections qui, de l'avis du Dr Mamadou Lamine Sakho, coordonnateur pays de l'Onusida, sont pourtant un indicateur déterminant dans l'appréciation de l'évolution de la maladie.

Pour ce spécialiste des diagnostics épidémiologiques, "le rapport avait comme but de voir malheureusement la prévalence dans ce que nous appelons les enquêtes démographiques de grande taille au niveau national. C'est pour cela qu'à partir de ces enquêtes on ne peut pas estimer l'incidence".

Or, comme pour la plupart des pays africains, il est notoirement établi que le Cameroun est un pays à épidémie généralisée, avec des prévalences importantes au niveau des groupes à risque.

"On parle d'épidémie généralisée quand la prévalence dépasse de faon globale 1%. Dès lors, on considère l'incidence de voir comment se distribue le virus au niveau des groupes dont les comportements sont à risque", a expliqué Dr. Sakho jeudi à Yaoundé dans un entretien à Xinhua.

Pour les groupes à risque, sont concernés les travailleurs du sexe, les camionneurs routiers, les militaires, les homosexuels, etc. "Tous ces groupes, nous les analysons de très près, tel que même le groupe des femmes enceintes qui tourne autour de 6,9 à 7%. Nous analysons également l'épidémie au niveau des régions, des grandes villes pour bien comprendre l'épidémie", éclaire le représentant de l'Onusida précisant que l'épidémie n'est pas encore totalement inversée.

Après la République centrafricaine (RCA) établie à une prévalence de 6,2% par les dernières estimations couvrant la période 2001-2008, le Cameroun est le pays le plus touché par l'épidémie de Sida au sein de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) qui regroupe en outre le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad.

Il figure parmi 22 pays prioritaires des Nations Unies, ce qui lui a valu pour son programme des cinq prochaines années (2012- 2017) un nouveau financement, après ceux des années antérieures, de 128 millions USD (64 milliards de francs CFA) du Fonds mondial de lutte le Sida, la tuberculose et la paludisme dont les décaissements sont annoncés dès début avril.

Le même statut lui a favorisé, grâce à l'appui de l'Onusida, l'admission Pepfar ou Fonds du président américain en faveur de la lutte contre le Sida pour un financement initial de 24 millions USD (11,3 milliards de francs CFA) dont 14 millions USD (6,6 milliards de francs CFA) en 2011 en particulier pour la réduction de la transmission de la mère à l'enfant.

"Pour moi, le Cameroun c'est un pays qu'il faut surveiller pendant cinq à dix ans pour pouvoir obtenir des résultats plus appréciables dans sa lutte contre le Sida", avise Mamadou Lamine Sakho selon qui "il ne faut pas considérer le taux de 4,3% comme un chiffre magique qui est tombé alors que les défis sont multipliés par dix".

Au rang des défis évoqués, affirme le responsable de l'Onusida, il s'agit de "maintenir la pression, les besoins de financement, le plaidoyer et le leadership des autorités nationales pour qu'en 2015 on pense réduire ou inverser le cours de l'épidémie du Sida en Afrique". "On n'a pas encore une lisibilité de façon certaine, ajoute-t-il, que les nouvelles infections ne vont pas se développer".

Déjà, plus de 100.000 à l'heure actuelle, "le nombre de malades sous antirétroviraux (ARV) augmente et grève les budgets du ministère de la Santé. C'est un défi qui va grandissant, puisque le nombre de malades augmente de jour en jour. C'est l'un des chiffres les plus importants de la sous-région".

De même, objectif majeur du millénaire d'ici 2015, la transmission de la mère à l'enfant, au lieu de diminuer, "devient problématique. On ne l'a pas encore éliminée, alors qu'en Europe ça n'existe plus. Donc, les mères sont infectées et continuent d'infecter les enfants", déplore encore le Dr. Sakho.

La même observation est faite au sujet de l'absence de chiffres sur l'intervalle de confiance, c'est-à-dire les chiffres minima et les chiffres maxima de la prévalence, ce qui ne permet pas d'avoir une description détaillée et plus exacte sur la maladie.

"Les conditions de risque et de vulnérabilité importantes telles que les viols et les violences faites chez les jeunes filles, les risques importants chez les jeunes de 15 à 24 ans qui pensent que l'usage du préservatif n'est pas souvent systématique, c'est des défis importants. D'autres facteurs de propagation de l'épidémie tels que la pauvreté, le manque d'emploi chez l'homme comme chez la femme, c'est aussi des questions réelles dans nos pays", poursuit-il.

Un rapport de la Banque mondiale publié le 14 mars à Washington aux Etats-Unis invite les gouvernements africains à mettre l'accent sur la prévention Vih/Sida pour pouvoir faire face aux besoins de traitement et à une charge budgétaire insoutenable.

D'après le document, le financement à long terme de la lutte contre la pandémie constitue une question complexe, parce que le coût du traitement des nouvelles infections s'étend sur plusieurs années.