RCA: Nouvel embrouillamini autour des faits et gestes d’une mission onusienne

Afriquinfos
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Genève (© 2016 Afriquinfos)- L’ONU a versé plus d’un demi-million de dollars à une société ayant alimenté le conflit en République centrafricaine par la vente des «diamants du sang» et figurant sur sa propre liste de sanctions, selon une enquête d’IRIN (Réseaux onusiens d’information régionaux intégrés). Le Bureau d’Achat de Diamant en Centrafrique (Badica) a été placé sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies en août 2015 pour son rôle dans le commerce du diamant en RCA.

L’ONU accuse l’entreprise de financer une des deux principales milices en RCA, connu sous le nom Séléka, en achetant des diamants provenant des mines contrôlées par Séléka, qui ont ensuite été passés en contrebande hors du pays par la société sœur de Badica Kardiam, à Anvers, en Belgique.

Et pourtant, la mission de stabilisation de l’ONU en RCA, dont le mandat inclut le désarmement et la démobilisation des combattants, a une base sur des terres appartenant à Badica.

Dans une réponse officielle à IRIN, le département de maintien de la paix des Nations Unies a confirmé qu’il est titulaire d’un contrat de location avec Badica pour les locaux dans la capitale Bangui. Dans une réponse écrite, un porte-parole a dit que tout loyer payé à Badica va dans un compte bloqué, qui est contrôlé par les autorités de la RCA. Un paiement d’arriérés de loyer sur le compte Badica Ecobank ONU a été autorisé en Juin, ce qui suggère que des paiements ont été retenus pendant plusieurs mois.

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Badica conteste la liste des sanctions et a lancé une contestation judiciaire à son exécution dans l’Union européenne, qui est tenue de mettre en œuvre des sanctions des décisions des Nations Unies. Une personne qui répond au téléphone au bureau de KARDIAM en Belgique a refusé de commenter et les efforts pour contacter Badica en RCA ont été infructueux.

« Aucun autre site à Bangui répond aux besoins de la mission, » le porte-parole de l’ONU a dit à IRIN. «Les locaux de Badica sont uniques dans leur taille et leur capacité à accueillir le BJTF (Joint Task Force Bangui). »

La mission de l’ONU, connue sous le nom Minusca, se compose actuellement de près de 13.000 personnels en uniforme. Il a été créé en 2014 après le renversement du président François Bozizé par les rebelles Séléka en 2013 avec un mandat pour protéger les civils, promouvoir les droits de l’homme et de soutenir le processus de transition politique.

Les sanctions, autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies, interdisent le commerce et les transactions internationales et ont force mondiale. Tous les actifs financiers de l’entreprise et les ressources économiques sont gelés et aucun autre fonds ne peut être transféré à la société par des individus ou entités. Les règles de passation des marchés de l’ONU excluent spécifiquement les entreprises figurant sur la liste des sanctions.

Les contrats préexistants avec des entreprises sanctionnées peuvent toutefois continuer dans certaines circonstances, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Le département de maintien de la paix de l’ONU a informé le Comité des sanctions du Conseil de sécurité et un groupe d’experts qui conseille sur les questions liées aux sanctions pour la République centrafricaine.

L’ONU a modifié deux fois son contrat avec Badica initialement signé le 1er Novembre 2013. L’extension actuelle se poursuit jusqu’à fin octobre 2016, et les paiements mensuels ont augmenté 5.600.000 FCFA (10.200 $) par mois, selon une déclaration de l’ONU à IRIN.

«La mission continue de faire tous les efforts pour explorer et identifier d’autres locaux», poursuit la déclaration.

L’ONU perd sa crédibilité pour une fois encore

« Ces découvertes récentes qui révèlent des transactions financières effectuées entre la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RCA et Badica, et autorisées par le Conseil de sécurité de l’ONU, reflètent l’échec de la communauté internationale pour régler le financement des conflits armés en RCA», décrit Nathalia Dukhan du «projet Enough», une campagne qui vise à mettre fin au génocide et des atrocités de masse en Afrique.

Un nouveau rapport du Conseil de sécurité de l’ONU sur le conflit en RCA dresse un tableau de la poursuite de la contrebande d’armes, l’activité des milices, l’exploitation illicite des ressources naturelles et une recrudescence des conflits ainsi que les abus et les déplacements de civils.

La mission de l’ONU pour stabiliser la RCA a été accablée par des révélations d’abus sexuels commis par des soldats de la paix. Un haut officiel des Nations Unies aux droits de l’homme a récemment démissionné sur la mauvaise gestion des rapports d’abus sexuels commis par des troupes étrangères de l’ONU. Le budget annuel de la Minusca se situe à 816 millions dollars.

Bella EDITH