Présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire/Djè Bi Djè Olivier Vamy: “Il ne suffit pas de rendre l’école obligatoire” (Partie 2/2)

Cet entretien exclusif accordé à Afriquinfos.com, est la seconde et dernière partie d’une serie de deux. « Le blanc de Zuenoula » y aborde les grands enjeux économiques, sociaux et institutionnels du pays. Il plaide pour une gouvernance fondée sur la compétence, la proximité et la responsabilité.

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Dje Bi Djè Olivier Vamy, Député de Zuenoula, Candidat déclaré à l'élection Présidentielle d'octobre 2025 en Côte d'Ivoire
Dje Bi Djè Olivier Vamy, Député de Zuenoula, Candidat déclaré à l'élection Présidentielle d'octobre 2025 en Côte d'Ivoire

ABIDJAN (© 2025 Afriquinfos)- Candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020 en Côte d’Ivoire, Djè Bi Djè Olivier Vamy revient sur son parcours, sa vision pour la Côte d’Ivoire, et les piliers de son programme politique. Ancien maire et actuel député de Zuénoula, il se présente comme un homme de conviction et de terrain. Le concepteur de l’«ivoiroyauté» est porté par une volonté de rupture constructive. Dans la seconde partie de cet entretien exclusif accordé à Afriquinfos.com (lire la première partie ici), «le blanc de Zuenoula» aborde les grands enjeux économiques, sociaux et institutionnels du pays. Et plaide pour une gouvernance fondée sur la compétence, la proximité et la responsabilité. Il appelle les ‘Ivoirois’ à faire un choix éclairé, au-delà des appartenances ethniques ou partisanes, pour bâtir une nation prospère et souveraine.

Quelle est votre vision pour la Côte d’Ivoire des cinq prochaines années ?

Notre ambition est claire : faire de la Côte d’Ivoire la locomotive du développement africain. Nous voulons que l’« Ivoirois » soit un modèle, non seulement pour l’Afrique, mais pour l’humanité toute entière, en cohérence avec la mission que nous nous sommes assignée à travers nos armoiries nationales.

Pour y parvenir, il nous faut un sursaut collectif. Nous devons nous remettre résolument au travail. La souveraineté ne se décrète pas dans les discours : elle se construit par des actes concrets. Et la première des souverainetés, c’est la souveraineté économique.

Tant que nous ne serons pas autosuffisants sur les plans alimentaire et industriel, nous ne pourrons pas prétendre à une véritable indépendance. Il est impératif que nous reprenions en main notre économie, que nous produisions ce que nous consommons, et que nous valorisions nos ressources localement.

D’ici 2030, je souhaite que la Côte d’Ivoire fasse partie des grandes nations émergentes. Mon ambition est de hisser notre pays au rang de la 21ᵉ nation du G20 — ce que j’appelle le G21 — et qu’elle intègre le groupe des BRICS, aux côtés de pays comme l’Afrique du Sud.

Nous en avons les moyens. Nous avons le potentiel, les ressources humaines, les talents. Trop souvent, on mesure la richesse d’un pays à son sous-sol. Mais pour moi, un pays est d’abord riche par la compétence, la créativité et l’engagement de sa population.

Ma vision pour les cinq prochaines années, c’est de redonner aux Ivoirois la fierté d’être eux-mêmes, en revalorisant le travail, l’innovation et l’excellence.

Quels sont les trois grands axes de votre programme politique ?

Notre programme repose sur une vision claire : le développement durable de la Côte d’Ivoire, par les Ivoirois et pour les Ivoirois. Il s’agit d’un développement participatif, ancré dans les réalités de notre peuple et structuré autour de trois piliers fondamentaux: l’éducation, la santé et l’économie.

1. L’Éducation

Aujourd’hui, notre système éducatif forme trop souvent des diplômés sans débouchés. Nous produisons des diplômés « de bureau », alors que le marché du travail a besoin de profils techniques, opérationnels et adaptés à nos ambitions de développement.

Nous devons restructurer l’offre de formation pour l’aligner sur les besoins réels de notre économie. Par exemple, avec les investissements massifs dans les infrastructures, nous manquons cruellement de staffeurs, d’ingénieurs, de charpentiers… Dans le secteur minier ou pétrolier, malgré les importantes découvertes, ce sont rarement des Ivoirois qui réalisent l’exploration faute de compétences locales. Résultat : la Côte d’Ivoire détient à peine 10 % de parts dans ces contrats. C’est une perte énorme pour le pays.

Je veux investir massivement dans la formation professionnelle et technique, et faire de la Côte d’Ivoire un pays bilingue. Aujourd’hui, la moitié de la planète parle anglais, et notre dépendance exclusive au français limite notre rayonnement international. Comme au Rwanda, nous devons faire ce saut linguistique.

Enfin, il ne suffit pas de rendre l’école obligatoire. Je veux rendre une école de qualité obligatoire pour tous. Trop d’élèves scolarisés sortent sans savoir lire ou écrire : c’est inacceptable.

2. La Santé

Mon approche repose sur la prévention avant tout. Le paludisme, par exemple, reste une cause majeure de morbidité dans nos hôpitaux. Or, nous savons que son vecteur, le moustique anophèle, prolifère dans les eaux stagnantes. Il faut des politiques de salubrité publique claires.

La prévention passe aussi par l’accès à l’eau potable, la qualité de l’alimentation, la promotion du sport, et la lutte contre la pollution. Aujourd’hui, de nombreux enfants souffrent d’asthme, notamment à cause de l’environnement urbain malsain.

Nous devons également repenser la répartition géographique des infrastructures sanitaires. On construit parfois des hôpitaux dans des zones peu peuplées, tandis que les grandes zones urbaines manquent cruellement de centres de santé.

Je prendrai aussi des mesures fermes contre les détournements de patients vers des cliniques privées. Quand l’État finance la formation des médecins, ces derniers ont le devoir de servir dans le public pendant un certain temps. S’ils choisissent d’aller dans le privé, leurs employeurs devront compenser l’État.

Enfin, nous allons revaloriser les salaires et renforcer la conscience professionnelle des personnels de santé. Le salaire seul ne suffit pas à prévenir la corruption, mais il crée un socle favorable à l’éthique et à la vocation.

3. L’Économie

Nous devons assainir nos finances publiques. De nombreuses institutions consomment les ressources de l’État sans réelle utilité. Il y a beaucoup de gabegie, beaucoup d’organes redondants. Nous allons supprimer les structures inutiles et réaffecter ces fonds à des secteurs stratégiques.

La dette publique est également un enjeu majeur. Nous devons adopter une politique budgétaire responsable, en privilégiant les investissements productifs. Par exemple, le ferroviaire est une priorité stratégique : un bon réseau ferroviaire permettrait de désengorger Abidjan, de mieux relier l’intérieur du pays aux ports, et de renforcer la compétitivité logistique de notre économie.

Autre levier sous-exploité : le tourisme. La Côte d’Ivoire regorge de sites naturels, culturels et historiques. Pourtant, notre politique touristique est inefficace, principalement à cause d’un manque de vision et de compétence dans le secteur. Des pays comme le Sénégal font mieux que nous, alors que nous avons un potentiel bien plus vaste.

Ces trois piliers — éducation, santé, économie — sont interconnectés et essentiels pour construire une nation forte, souveraine et prospère. Notre vision, c’est une Côte d’Ivoire debout, instruite, en bonne santé et économiquement rayonnante.

Comment vous situez-vous sur l’échiquier politique ivoirien? Êtes-vous un homme de rupture ou de continuité ?

Je ne me positionne ni exclusivement dans la rupture, ni dans une continuité aveugle. Je suis un homme de progrès, un homme de transition vers une nouvelle étape pour la Côte d’Ivoire, où l’on bâtit sur les acquis tout en corrigeant les carences.

Il est important de reconnaître ce qui a été bien fait par nos prédécesseurs. Le Président Félix Houphouët-Boigny a lancé le développement du pays dans les années 70. À cette époque, nous étions au même niveau que des pays comme la Corée du Sud. Ensuite, la crise des matières premières a ralenti notre élan.

Le Président Henri Konan Bédié a œuvré au désendettement du pays et a impulsé la modernisation dans des secteurs clés comme les télécommunications. Le Général Robert Guéï, avec son fameux slogan de « balayer la maison », a ouvert une transition.

Le Président Laurent Gbagbo, malgré les difficultés de gouvernance, a renforcé les acquis démocratiques et le pluralisme politique. Il ne faut pas ignorer ces apports.

Quant au Président Alassane Ouattara, il a mis l’accent sur le développement des infrastructures et a repositionné la Côte d’Ivoire sur la scène internationale.

Tous ces efforts sont à saluer. Mais malgré ces acquis, il subsiste des carences majeures : les inégalités sociales, le chômage des jeunes, le manque d’accès aux services de base pour une grande partie de la population.

Notre ambition est d’apporter un supplément d’âme, une nouvelle dynamique pour que les Ivoirois bénéficient pleinement de la richesse de leur pays. Il ne s’agit pas de détruire ce qui a été fait, mais d’optimiser, corriger, innover.

Je suis donc l’homme de la continuité dans les progrès, et de la rupture avec les injustices, la mauvaise gouvernance et la politique spectacle. Il est temps que les Ivoirois deviennent les premiers bénéficiaires de l’essor de leur nation.

Envisagez-vous des alliances avec d’autres partis ou personnalités politiques ?

Oui, bien sûr. Si je suis resté indépendant, c’est justement parce que je souhaite rassembler tous les Ivoirois, au-delà des clivages partisans. La Côte d’Ivoire est à un tournant décisif de son histoire. Elle fait face à de grands défis qui nécessitent l’union et la mobilisation de toutes ses forces vives.

Nous sommes donc ouverts à tous ceux qui partagent notre vision d’une Côte d’Ivoire prospère, juste et unie, quelle que soit leur appartenance politique. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas l’étiquette, mais la volonté, les compétences et l’engagement au service du pays.

Il est vrai que nous ne dévoilons pas encore toutes nos cartes, mais sachez que des discussions existent. Et nous sommes prêts à travailler avec toutes les bonnes volontés qui souhaitent s’engager pour le bien commun.

La priorité aujourd’hui, c’est l’unité nationale. Malheureusement, notre pays est devenu profondément divisé, souvent à cause des antagonismes politiques. Il faut restaurer la confiance et le dialogue entre les fils et filles de la nation. C’est ce à quoi je m’emploierai.

Monsieur Vamy Olivier, pourquoi avez-vous décidé de vous porter à nouveau candidat à l’élection présidentielle, cinq ans après votre première tentative en 2020. Quel est votre principal message pour convaincre les électeurs ?

J’ai décidé de me porter à nouveau candidat parce que je crois profondément que la Côte d’Ivoire a besoin d’un souffle nouveau, d’une vision claire et audacieuse, portée par des hommes et des femmes intègres. Ma candidature s’inscrit dans une logique de continuité d’engagement au service du peuple, avec la ferme volonté d’apporter des réponses concrètes aux défis actuels.

Mon principal message aux électeurs est simple : faites un choix éclairé et responsable. Ne vous laissez pas influencer par des billets de 1 000 francs, des tee-shirts, ou des considérations ethniques. Ce sont des pratiques qui affaiblissent notre démocratie. Le vote ne doit pas être un acte émotionnel ou tribal, mais une décision fondée sur l’analyse des projets de société.

Je demande à chaque citoyen de prendre le temps de comparer les programmes, de réfléchir aux intentions réelles des candidats, et de voter pour l’avenir du pays, et non pour des intérêts immédiats ou personnels.

Je suis convaincu que notre projet est le plus structuré, le plus cohérent et le plus ambitieux pour garantir une alternance pacifique et réussie. Il ne s’agit pas simplement de changer un individu au sommet de l’État, mais de changer de cap, de méthode, et de vision pour la Côte d’Ivoire.

Si vous êtes élu Président, quelles seront vos premières mesures dans les 100 premiers jours de mandat ?

Les 100 premiers jours de mon mandat seront marqués par des actions fortes, structurantes et symboliques, car ils donnent le ton de la gouvernance à venir.

Faire un état des lieux approfondi
Avant toute chose, il est crucial de disposer d’une évaluation claire et rigoureuse de la situation du pays, notamment sur les plans sécuritaire, économique, social, environnemental et institutionnel. Cela permettra de prioriser les urgences de manière réaliste et responsable.

Renforcer la sécurité nationale
Dans un contexte régional instable, marqué par des tensions à nos frontières, en particulier avec certains pays de l’AES, la stabilisation de notre territoire sera une priorité absolue. Nous mettrons en place un dispositif de veille stratégique et de coopération renforcée pour sécuriser nos frontières et prévenir toute forme d’infiltration ou de menace.

Lancer un plan d’urgence pour le logement
Aujourd’hui, le logement est devenu un luxe inaccessible pour de nombreux Ivoirois. Nous mettrons en œuvre un plan national de logements sociaux et amorcerons le transfert progressif de la capitale politique à Yamoussoukro, afin de désengorger Abidjan, créer de nouveaux pôles de développement et rééquilibrer le territoire.

Moderniser l’administration publique
Nous engagerons une réforme administrative profonde, basée sur la digitalisation des services publics, la réduction des lenteurs bureaucratiques et la promotion de la transparence. L’administration doit être au service du citoyen, pas l’inverse.

Aligner l’éducation sur le marché de l’emploi
Une priorité immédiate sera de réformer les filières de formation pour qu’elles correspondent aux besoins du marché ivoirien. Il faut former pour créer des emplois, pas des chômeurs diplômés. Cela inclura un accent mis sur la formation professionnelle et l’apprentissage des langues étrangères.

Lancer une politique environnementale et de salubrité
La question de l’environnement et de l’insalubrité sera aussi traitée avec sérieux. Nous mettrons en place une stratégie nationale de salubrité publique, incluant la collecte et le traitement des déchets, la sensibilisation des populations et le développement d’une économie circulaire.

Changer les mentalités, restaurer la confiance
Enfin, nous initierons une vaste campagne nationale de sensibilisation sur la citoyenneté, les valeurs républicaines et la responsabilité collective. Il faut restaurer la confiance entre les citoyens et les institutions, et redonner foi en la politique comme outil de transformation sociale.

Quel héritage aimeriez-vous laisser à la Côte d’Ivoire au terme de votre mandat, si vous êtes élu ?

Je souhaite qu’on retienne de moi que j’ai été le Président qui a redonné espoir et dignité aux Ivoirois. Celui qui a permis à chaque citoyen, où qu’il se trouve, d’avoir accès à un logement décent, à une vie prospère, et à un avenir meilleur.

Je veux laisser à la Côte d’Ivoire un héritage de prospérité partagée, où le fruit du travail profite d’abord aux Ivoirois eux-mêmes, et où chacun peut réaliser son potentiel dans un environnement de paix, de justice et d’opportunités.

Je veux qu’à la fin de mon mandat, on dise : « Sous son leadership, les Ivoirois sont devenus maîtres de leur destin. Ils sont devenus heureux et fiers de leur pays. »

C’est cette Côte d’Ivoire réconciliée avec elle-même, forte de ses compétences et de ses valeurs, que je veux bâtir et transmettre aux générations futures.

Toh bi Irié Vincent, l’ex-Préfet d’Abidjan, votre frère de la même Région de la Marahoué, a lui aussi récemment déclaré sa candidature. Ne serait-il pas plus pratique d’aller en rangs serrés à ce scrutin?

L’élection présidentielle, avant tout, est un engagement entre un citoyen et la Nation. Si une personne estime sincèrement avoir des solutions concrètes pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, alors elle est parfaitement légitime à se porter candidate.

Pour ma part, je respecte toute ambition fondée sur la conviction, la compétence et le sens de l’intérêt général. Si un candidat partage ma vision et propose un projet solide pour la Côte d’Ivoire, je peux tout à fait envisager de le soutenir. Et je pense que cette ouverture devrait être réciproque.

Nous devons sortir des logiques de rivalité personnelle ou régionale. Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est pas l’origine ou le poste occupé hier, mais la vision, la capacité à rassembler et à répondre aux défis du pays.

Je ne suis pas dans une démarche d’exclusion ou de confrontation, mais dans une dynamique de construction et de responsabilité. Chacun est libre de faire valoir ses idées. Et c’est le peuple souverain qui décidera.

Interview réalisée par DOH Bi Tah Augustin