Présidentielle 2024: Un « Sénégal souverain, de justice, et de prospérité » promis par Sonko et Bassirou Faye à leurs sympathisants durant leur entrée en campagne

Afriquinfos Editeur
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Un partisan brandit une affiche avec le candidat présidentiel sénégalais Bassirou Diomaye Faye et le leader de l'opposition Ousmane Sonko lors d'un rassemblement à Dakar le 10 mars 2024.

L’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son second et candidat à la présidentielle du 24 mars Bassirou Diomaye Faye ont fait campagne samedi 16 mars en Casamance (sud), deux jours après leur libération de prison.

Le chef de l’opposition Ousmane Sonko, libéré de prison la veille, salue ses partisans alors qu’il arrive à une conférence de presse à Dakar le 15 mars 2024.

Sonko et Faye ont, à leur descente d’avion au Cap Skiring, aussitôt pris place dans un véhicule 4X4 noir aux vitres teintées, acclamés par des centaines de personnes à l’aéroport de cette station balnéaire parmi les plus importantes destinations touristiques du pays. Le candidat Faye, 43 ans, en boubou et casquette blancs, a été le premier à apparaître, suivi de M. Sonko, 49 ans, en chemise vert-pâle et également en casquette, tous les deux les bras levés en signe de victoire, devant une foule majoritairement jeune qui scandait « Diomaye Président« .

Un convoi de plusieurs dizaines de véhicules est ensuite parti de Cap-Skiring, à quelque 80 km de Ziguinchor, principale ville de Casamance dont M. Sonko est le maire, dans une région qui est son fief. En Casamance, « je suis dans mon domaine. Cet accueil sera unique » pendant la campagne électorale, a déclaré M. Faye à l’étape de Oussouye, près du Cap Skiring. S’il est élu, il ferait des problèmes de cette région, enclavée et minée depuis plus de 40 ans par une rébellion indépendantiste armée, « une urgence à régler« . La Casamance « aurait dû être la capitale économique et culturelle du Sénégal en raison de ses nombreuses potentialités » agricoles, forestières et touristiques notamment, a-t-il ajouté.

D. Faye a fait part de son « projet d’un Sénégal souverain, un Sénégal de justice, un Sénégal de prospérité« , à l’étape de Ziguinchor où le convoi est arrivé alors que la nuit était complètement tombée. « Il reste une semaine avant la présidentielle. Dimanche prochain (24 mars), à pareille heure, nous serons en train de célébrer la victoire de Bassirou Diomaye Faye comme cinquième Président du Sénégal« , a déclaré Ousmane Sonko à Ziguinchor.

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« Voter Bassirou Diomaye Faye, c’est voter deux fois pour Ousmane Sonko« , a-t-il poursuivi, réitérant le tandem avec le candidat qu’il a choisi. La caravane, qui devait sillonner la région, a attiré plusieurs milliers de personnes le long des localités traversées. Les deux opposants Sonko et Faye, emprisonnés depuis 2023, ont été libérés jeudi soir, 14 mars, après des mois de détention, en vertu d’une loi d’amnistie à l’instigation du Président Macky Sall, qui ne se présente pas au scrutin présidentiel après deux mandats de sept et cinq ans.

Ce premier déplacement des deux hommes hors de Dakar a lieu alors que la campagne électorale a été écourtée par le report surprise du scrutin par le Président Sall, initialement prévu le 25 février 2024. Sortis de prison, MM. Sonko et Faye, président et secrétaire général du parti Pastef dissout, peuvent désormais participer à la campagne, qui met aux prises 18 hommes et une femme. Ousmane Sonko a été disqualifié de la présidentielle en janvier 2024, le Pastef désignant alors M. Faye.

-« Diffamations et calomnies »-

Lors d’une conférence de presse commune vendredi 15 mars, les deux hommes s’en sont pris au candidat du pouvoir, l’ex-Premier ministre Amadou Ba. « S’il est élu, il sera le Président des pays étrangers« , a dit M. Sonko, accusant M. Ba d’avoir couvert des malversations. M. Sonko « récidive en consacrant toute une conférence de presse à des diffamations et calomnies insipides« , a rétorqué, dans un communiqué, le camp de M. Ba, en campagne samedi dans le nord et l’est du pays.

Le programme de M. Faye le présente comme le « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche« , qui promet de restituer au Sénégal sa souveraineté et renégociera, s’il est élu, les contrats d’exploitation du gaz et du pétrole ainsi que les accords de défense. Cette plateforme décline les thèmes caractéristiques de M. Sonko, dont les diatribes contre la corruption, les élites, les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française ont fait le succès du Pastef.

La mise en cause de M. Sonko par la Justice, conjuguée aux tensions économiques et sociales et au flou longtemps maintenu par le Président Sall sur un troisième mandat, a donné lieu entre 2021 et 2023 à différents épisodes d’émeutes, pillages et saccages. Le report de la présidentielle a causé de nouveaux heurts.

Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021, au cours de troubles qui ont fortement ébranlé un pays considéré comme l’un des plus stables d’une Afrique de l’Ouest secouée par des coups de force.

Bénéficiaires de l’amnistie pour faire autrement la politique?

Des Dakarois célèbrent la libération de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko et du candidat à la présidentielle Bassirou Diomaye Faye, à Dakar le 15 mars 2024.

L’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle, sont sortis de prison jeudi soir, 14 mars, dix jours avant l’élection, provoquant la liesse de milliers de Dakarois descendus spontanément dans les rues de la capitale. « Ils sont sortis devant nous. Ça y est », a dit un de leurs avocats Me Cheikh Koureyssi Ba.

Un journaliste a vu un 4 X 4 s’éloigner en cortège de la prison du Cap Manuel à travers une foule considérable drainée par la nouvelle de la libération, peu avant minuit (locales et GMT).

Deux heures plus tard, alors que le cortège progressait lentement dans Dakar, des journalistes ont vu Bassirou Diomaye Faye, tunique bleu ciel et casquette blanche, saluer la foule en souriant depuis le toit ouvrant de sa voiture qui entourait son cortège. « On a vu votre soutien et votre solidarité. Nous sommes très contents« , a-t-il lancé, avant d’ajouter « Sonko est libre« .

Ousmane Sonko n’était pas visible dans le convoi de D. Faye. Acteur principal d’un bras de fer meurtrier avec le pouvoir depuis 2021, M. Sonko a été disqualifié de la présidentielle par le Conseil constitutionnel en janvier 2024. Son camp, avec son assentiment, a désigné M. Faye comme candidat à sa place. La candidature de M. Faye fait partie des 19 retenues pour le scrutin du 24 mars. La sortie de la prison du Cap Manuel, énième rebondissement de la saga Sonko, injecte un nouveau réactif aux effets inconnus dans la campagne électorale en cours.

Le pouvoir d’entraînement communément prêté à O. Sonko et sa popularité auprès des jeunes sont susceptibles d’influencer les dynamiques. Avant même la sortie de prison dont la nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, des foules de Dakarois sont descendus dans les rues pour célébrer, chanter et danser.

Voitures et piétons agitant des drapeaux sénégalais ont investi la route d’accès à la prison du Cap Manuel, au sud de la capitale, où les deux opposants étaient détenus. « Gnoune Sonko lanou beug« , (« Nous, c’est Sonko que nous aimons« ), ont scandé leurs supporters en ouolof près de la prison.

-« C’est incroyable »-

Des Dakarois brandissent un portrait de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, libéré de prison, le 15 mars 2024 à Dakar.

Une foule compacte s’est pressée à proximité du domicile d’Ousmane Sonko, dans un autre quartier de la capitale à quelques kilomètres. « C’est de la joie. C’est incroyable. Ils ont libéré Ousmane Sonko!« , exultait Mamadou Mballo Mané, 31 ans.

Sonko, 49 ans, fondateur et président du parti Pastef, était détenu depuis le 28 juillet 2023. Son arrestation parachevait plus de deux ans de rapport de force avec le Gouvernement et la Justice, qui a donné lieu à différents épisodes de heurts, de pillages et de saccages. La libération de M. Sonko et de M. Faye, qui incarnent pour beaucoup la rupture avec la Présidence Macky Sall et des années économiquement éprouvantes, était anticipée comme un évènement majeur depuis plusieurs jours après l’adoption, le 6 mars 2024, d’une loi d’amnistie votée à l’instigation du Président Macky Sall.

Le Sénégal traversait alors une grave crise provoquée par le report de la présidentielle et le Chef de l’Etat disait rechercher l’apaisement autour de l’élection, après trois années d’agitation politique. On ignore si MM. Sonko et Faye ont été relâchés en vertu de la loi d’amnistie. Mais leur libération coïncide avec les délais de mise en application de la loi.

M. Sonko a endossé la candidature de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye. Le secrétaire général du Pastef était lui-même détenu depuis avril 2023. Il a été inculpé « d’outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique« , selon un de ses avocats, après la diffusion d’un message critique contre la Justice dans le dossier Sonko. Bien que beaucoup moins populaire, M. Faye, bénéficiant de l’effet Sonko, passe pour l’un des favoris de la présidentielle la plus ouverte depuis l’Indépendance en 1960.

Son camp a fait campagne sous le mot d’ordre: « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye » en ouolof). Il réclamait la libération de M. Faye au nom de l’égalité des chances entre candidats. M. Faye a été empêché jusqu’alors d’enregistrer ses messages de campagne pour la télévision publique, à la différence des autres concurrents.

Le programme de M. Faye décline les thèmes du discours souverainiste et panafricaniste de M. Sonko, qui, avec ses diatribes contre « la mafia d’Etat », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française, ont fait le succès du Pastef.

Ousmane Sonko lors d’une conférence de presse à Dakar le 15 mars 2024.