Nord-Nigeria/Ramadan 2025: Parade équestre de l’émir de Jigawa, trésor culturel pour changer la perception négative du pays

Afriquinfos Editeur
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Des cavaliers posent pour une photo près de la résidence de l'Émir de Dutse avant la procession équestre du Durbar, une tradition colorée célébrée deux fois par an au nord du Nigeria lors des fêtes de l'Aïd el-Fitr et de l'Aïd el-Adha.

Les cris de joie des femmes, dans un tonnerre de trompettes et de tirs de fusils de chasse, annoncent l’arrivée prochaine d’un important émir dans une immense procession de cavaliers. A Dutse, dans le nord du Nigeria, on fête la fin du Ramadan lors de festivités hautes en couleur.

Inscrit début décembre 2024 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, le Durbar est une parade équestre de l’émir Hameem Nuhu Sunusi, de la capitale de l’État de Jigawa (nord), Dutse, et de ses cavaliers, célébrant l’Aïd el-Fitr et l’Aïd el-Kebir. Trempées de sueur, les participants ont dansé frénétiquement lundi 31 mars au rythme des tambours, tandis que les gardes royaux vêtus de leurs robes rouges et vertes encadraient l’émir, assis sur un étalon blanc, avec un parasol bleu pour se protéger du soleil brûlant d’Afrique de l’Ouest.

Un cavalier pose pour une photo près de la résidence de l’Émir de Dutse avant la procession du Durbar, une tradition équestre célébrée lors des fêtes de l’Aïd au nord du Nigeria.

Mardi 1er avril, les festivités marquant la fin de la période du Ramadan se poursuivent, l’émir effectuant une tournée dans la ville pour rencontrer les habitants. Cet événement, originaire de Kano, se déroule depuis le XVe siècle dans plusieurs villes du nord. « C’est un événement qui se produit principalement dans le nord du Nigeria. C’est une culture très riche et nous, en tant que dépositaires, nous nous efforçons de ne pas la laisser disparaître« , a indiqué l’émir lors d’un entretien avec l’AFP. 

– Tourisme –

« Le durbar est quelque chose que nous prenons vraiment au sérieux, car c’est l’une des choses dont nous sommes fiers. C’est quelque chose qui attire les touristes dans la partie nord du Nigeria et, comme chacun sait, de nombreux pays survivent grâce au tourisme« , a-t-il ajouté. Mais le riche patrimoine culturel du Nigeria est souvent éclipsé par les nombreux conflits armés déchirant le nord du pays le plus peuplé d’Afrique (plus de 220 millions d’habitants).

Majoritairement musulman, le nord du Nigeria est depuis des années sous la coupe de gangs criminels qui procèdent à des enlèvements massifs contre rançon, notamment dans des écoles, et à des pillages et tueries dans les villages. Le groupe Boko Haram et sa faction rivale, ISWAP (Etat islamique en Afrique de l’Ouest) s’attaquent par ailleurs aux militaires, mais également régulièrement aux populations civiles.

Depuis le début de l’insurrection jihadiste en 2009 dans le nord et le centre du Nigeria, le conflit a fait plus de 40.000 morts et deux millions de déplacés dans le pays, et déclenché une grave crise humanitaire, selon l’ONU. « Dans de nombreux endroits, quand on parle du Nigeria, ce sont des choses négatives qui viennent à l’esprit« , a regretté l’émir âgé de 46 ans. « Je pense que nous ne sommes pas jugés équitablement« .

Il espère que le Durbar changera la perception négative du Nigeria à l’étranger, et aidera à attirer plus de touristes qui pourront voir les « bonnes personnes, les gens amoureux de la paix, les personnes honnêtes » du nord du pays. Et cette année 2025, la ville de Dutse a volé la vedette à Kano, qui a annulé son Durbar pour la deuxième fois consécutive en raison d’un litige entre deux rois rivaux contestant le trône de l’émir.

Traditionnellement, des milliers de Nigérians, ainsi que quelques touristes étrangers, se rassemblent à Kano pour assister aux festivités et admirer les talents équestres, les tenues traditionnelles de l’émir et de son entourage, défilant dans les rues de la deuxième plus grande ville du pays.

Un membre de la garde royale aide un autre à ajuster son costume avant la procession du Durbar à Dutse, une tradition équestre célébrée lors des fêtes de l’Aïd au nord du Nigeria.

Les dirigeants traditionnels du Nigeria n’ont aucun pouvoir constitutionnel mais ont un rôle culturel important, exerçant une influence cruciale pour les hommes politiques souhaitant être élus au Gouvernement fédéral laïc du pays. Le défilé de lundi s’est ainsi terminé avec le Gouverneur Umar Namadi recevant l’émir et son entourage à l’extérieur de son bureau.

Assis à côté du Gouverneur, l’émir Sunusi a reçu l’hommage de ses 26 chefs de district qui l’ont salué à tour de rôle. Lors des festivités, chaque contingent dirigé par les chefs de district « a son propre système de décoration pour les chevaux et les cavaliers« , commente Wada Alhaji, le chef de cabinet de l’émir à l’AFP. Cela « montre la riche diversité au sein de l’émirat« . Mais le Durbar n’est pas qu’un festival culturel, c’est aussi une occasion pour l’émir de présenter les doléances de son peuple au Gouvernement.

L’émir a informé le Gouverneur du fléau de l’érosion et des inondations affectant certaines zones, et a relayé l’appel des habitants au Gouvernement pour accélérer les travaux d’un nouveau collège de formation de la Police.

© Afriquinfos & Agence France-Presse