Les yan daudu sont des hommes qui s’habillent, se maquillent et agissent comme des femmes. Aucune grande différence avec les travestis du monde entier ; à part qu’au Nigéria, ils constituent depuis plus d’un siècle une communauté culturelle à part entière, une frange marginale mais reconnue de la population du pays qui jouissait jusqu’à présent d’une acceptation générale à faire pâlir d’envie les pays où la tolérance est supposée aller de soi.
Mais depuis peu, des jours plus sombres s’annoncent. La montée des mouvements religieux au Nigéria tend à générer une atmosphère de réprobation et de menace sur ces gens qui assument leur différence au grand jour, aboutissant parfois à de véritables persécutions. Pour ceux qui ne souffrent pas directement de violences ou d’insultes, la peur se fait tout de même sentir, les incitant à se cacher et à faire profil bas. Une attitude qui, il y a quelques années, ne leur serait même pas venue à l’esprit.
Le débat sociétal devient particulièrement houleux en terrain religieux. D’un côté, la morale religieuse les perçoit comme « de simples homosexuels, le mauvais caractère en plus » et considère qu’il leur faut réformer leur mode de vie, en totale inadéquation avec la vie de famille et la foi en Allah.
Pourtant, nombreux sont les yan daudu qui ont une épouse, voire plusieurs, des enfants et une vie spirituelle épanouie. « Tout jugement revient à Allah. Si nous sommes différents, c’est qu’Allah nous a fait différents », plaide-t-on.
Ces accusations qui pèsent tant et plus sur la communauté des yan daudu sont d’une violence d’autant plus marquée qu’elles n’avaient pas droit de cité jusqu’à présent. La société évolue indéniablement mais, cette fois-ci, cette évolution est vécue comme une régression.
Ces événements ont de quoi faire réfléchir quant aux questions de tolérance et de liberté d’expression. Plus encore, ils portent un enseignement qui semble valable pour toutes les civilisations au monde : mieux vaut ne pas se reposer sur ses acquis sociaux. Le vent peut toujours tourner.