En le désignant pour la représenter dans la gestion des affaires publiques en qualité de chef du gouvernement doté de "pleins pouvoirs" aux côtés du président François Bozizé, l'opposition dite démocratique de la République centrafricaine (RCA) se savait rassurée par les capacités de Me Tiangaye pour conduire avec conviction cette mission au profit du peuple centrafricain.
Du coup, le nouveau Premier ministre centrafricain s'impose comme un homme de consensus accueilli avec enthousiasme par une population meurtrie par une instabilité sociopolitique chronique qui attend de lui d'œuvrer au retour de la paix et, en conséquence, de favoriser des actions pour sortir du sous-développement et de la pauvreté qui frappe la majorité des 4,5 millions de Centrafricains.
Ce natif de Bocaranga (Ouest) le 13 septembre 1956 s'était déjà révélé à l'opinion publique en tant que membre du collectif d'avocats constitué pour la défense de Jean Bedel Bokassa, alias empereur Bokassa Ier, lors du procès, en première instance puis en cassation, dans les années 1980s, du défunt dirigeant accusé de trahison, meurtre, cannibalisme et détournement de fonds, condamné à la peine capitale avant d'être gracié.
Fondateur de la Ligue centrafricaine des droits de l'homme qu'il dirigera 13 ans durant, de 1991 à 2004, Nicolas Tiangaye, par ailleurs bâtonnier de l'Ordre des avocats centrafricain de 1994 à 1998, a été en outre sous les projecteurs pour la défense de la cause du Rwandais Akyesu (condamné à perpétuité), premier dossier de génocide traité par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha en Tanzanie. Le juriste doublé de responsable politique se souvient également d'avoir défendu en 1989 "le général François Bozizé (l'actuel président, NDLR) quand le pouvoir d'André Kolingba avait obtenu qu'il soit arrêté au Bénin et transféré en RCA".
Poursuivi pour atteinte à la sûreté de l'Etat après des accusations de tentative de putsch, Bozizé, ex-chef d'état-major des Forces armées centrafricaines (FACA), sera finalement acquitté par la Haute Cour de justice. A cette époque, rien ne pouvait présager que la prise de pouvoir le 15 mars 2003 par coup d'Etat contre Ange-Félix Patassé, réélu démocratiquement quatre ans auparavant, donnerait l'occasion à Nicolas Tiangaye d'être propulsé sur le devant de la scène politique en étant désigné pour diriger le Conseil national de transition (Parlement provisoire) pendant deux ans.
C'est que, en RCA, ce diplômé de droit privé de l'université d'Etat Jean Bedel Bokassa de Bangui (licence) et de l'Institut d'études judiciaires d'Orléans en France (maîtrise, DEA et certificat d'aptitude à la profession d'avocat), jouit d'une bonne réputation due à sa rectitude morale. Sa désignation au poste de Premier ministre est bien accueillie par les rebelles de Séléka pour qui "on était tous d'accord pour M. Tiangaye", à en croire le porte-parole militaire, le colonel Michel Narkoyo.
Père de dix enfants, Nicolas Tiangaye s'est forgé au cours des dernières années une image de meneur de troupes, en conduisant tour à tour la Concertation des forces démocratiques (CFD) créée dans la perspective des élections présidentielle et législatives de janvier 2011, puis le Front pour l'annulation et la reprise des élections (FARE 2011) mis en place à la suite de ce double scrutin pour contester la victoire attribuée par les résultats officiels au président sortant. C'est cette coalition d'opposition de cinq formations à l'origine et à laquelle avait fait partie aussi le défunt président Patassé qui a été élargie aujourd'hui à la Coordination de l'opposition démocratique, également coordonnée par le nouveau Premier ministre.
Ce nouveau regroupement sorti des fonts baptismaux en juin 2012 se compose de neuf partis dont le Mouvement pour la libération du peuple centrafricain (MLPC) de l'ex-Premier ministre Martin Ziguelé et le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC), ex-parti unique fondé par André Kolingba et aujourd’hui dirigé par Louis Pierre Gamba.
Deuxième d'une famille de deux garçons nés de parents pauvres, Nicolas Tiangaye, c'est le moins que l'on puisse dire, prend sa revanche sur la vie grâce à son ascension politique. Futur président de la République ? Malgré un si minable score (moins de 2%) à la présidentielle de janvier 2011, mais honoré du titre grand officier de l'ordre du mérite centrafricain, même grade dans l'ordre de la reconnaissance, il caresse bien le rêve.