Mozambique/Elections du 09 octobre: Attention à la rancoeur accumulée depuis 50 ans par les défaites de la Remano

Afriquinfos Editeur
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Des drapeaux du Front de libération du Mozambique (Frelimo) au pouvoir accrochés au toit du marché Janet à Maputo, le 5 octobre 2024.

Partout des drapeaux rouges transpercés d’un soleil cru et des murs défraîchis entièrement tapissés d’affiches du Frelimo, le parti au pouvoir au Mozambique depuis un demi-siècle: à Maputo, capitale de ce pays lusophone d’Afrique australe, l’absence de suspense est palpable mais agite les esprits.

Des affiches électorales du candidat présidentiel du Front de libération du Mozambique (Frelimo) au pouvoir, Daniel Chapo, à l’extérieur du marché municipal de Maputo, le 4 octobre 2024.

Les élections prévues mercredi 09 octobre 2024 pour élire le prochain Président et le Parlement laissent peu de place au doute: elles devraient assurer la continuité. « La Commission électorale va annoncer, comme à chaque fois, la victoire du Frelimo. Il n’y a jamais de transparence« , assure Jorge 33 ans, qui vend des données mobiles dans la rue et ne souhaite pas donner son nom. Les résultats « seront manipulés » mais « si on veut du changement« , il faut se déplacer. Le pays pauvre, aux fortes inégalités, « s’enfonce et manque de tout, surtout à la campagne: écoles, hôpitaux, infrastructures, eau, électricité« , opine José, 29 ans, un garde de sécurité qui passe un moment avec ses copains vendeurs de rue.

Le reflet de passants sur la vitrine d’un magasin vendant des ornements floraux sur un trottoir d’un marché à Maputo, le 5 octobre 2024.

« Moi je veux que le Frelimo perde« , ajoute-t-il. « Mais on sait qu’ils vont voler le scrutin, ils l’ont fait par le passé et vont le refaire. Le Frelimo passe toujours en force« . A chaque carrefour, des panneaux géants affichent le visage de Daniel Chapo, candidat du parti au pouvoir, en chemise blanche ouverte au col sur fond rouge, et les slogans « Pour aller de l’avant » et « Au travail!« .

Dans un modeste restaurant du centre, une jeune fille entre un drapeau du Frelimo noué au-dessus de son jean. « Ils nous proposent de l’argent pour les porter« , confie-t-elle. L’équivalent de quatre euros, soit de quoi manger un jour ou deux en faisant attention. Les serveurs d’un café de la rue voisine, connue pour ses soirées DJ endiablées, portent des T-shirts à l’effigie du futur Président et des casquettes assorties. Ils n’ont rien à dire, ils ne font « pas de politique« .

– « On veut du riz! » –

Le soleil tenace décolle les affiches dans le quartier du Marché central, les faisant flotter au vent. Le Frelimo, ancien mouvement rebelle marxiste dont le logo présente un épi de maïs et un tambour à l’esthétique soviétisante, monopolise l’espace, face aux opposants de la Renamo, le parti Podemos ou encore le MDM. Une femme, qui marche une bassine d’oranges en équilibre sur la tête, croise un pick-up du Frelimo qui crache un air entraînant à l’aide de deux immenses enceintes à l’arrière. « Votez Chapo! Votez pour le Frelimo!« , reprend en boucle le refrain.

Un homme parle à son téléphone portable alors qu’il transporte des sacs de barbe à Papa à Maputo, le 5 octobre 2024.

« On veut du riz!« , beugle à son passage, en langue locale changane, un vendeur d’accessoires pour téléphones portables, barbichette courte et crâne rasé, installé sur une petite table posée sur le trottoir. « Voleurs! Voleurs!« , lancent un peu plus loin, un petit groupe devant une charrette pleine de noix de coco fraîches. La camionnette s’arrête devant le marché où des militants du Frelimo installent une petite estrade, esquissant distraitement quelques pas chaloupés. « Ils vont boire et manger pendant quelques heures et rentrer chez eux« , commente un passant désabusé.

Un homme transporte des bouteilles d’eau vides à Maputo, le 5 octobre 2024.

De nombreux policiers, certains en gilets pare-balles et uniforme kaki, sillonnent le centre où l’avenue Karl Marx, parallèle à l’avenue Vladimir Lénine un peu plus loin, rejoint l’artère Mao Tse Tung, côtoyant des héros de guerres d’indépendance de tout le continent. Dans le marché Janet, entre stands de légumes et coiffeuses qui tressent patiemment leurs clientes, une sono fait irruption avec un groupe d’une vingtaine de jeunes militants d’un petit parti confidentiel, habillés de blanc. Le Frelimo peut-il un jour être détrôné? « Je n’en sais rien, beaucoup de partis veulent gagner« , avance prudemment leur aîné Carlos Mahisso, 47 ans, casquette vissée sur le front. « Si nous obtenons des sièges au Parlement, nous pourrons au moins discuter des règles au Mozambique« , veut-il croire.

Des femmes portent des couvre-chefs imprimés aux couleurs du parti au pouvoir, le Front de libération du Mozambique (Frelimo), assises dans un salon de coiffure du marché Janet à Maputo, le 5 octobre 2024.

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