Médicaments : Prix élevés au Cameroun à cause de l’influence des laboratoires sur les prescripteurs

Afriquinfos Editeur
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D'après une étude publiée dans un document intitulé « La boussole médicale » par le Dr. Luc Meilo, pharmacien, environ 1. 800 références commercialisées étaient recensées au 1er janvier auprès des grossistes répartiteurs contre 5.300 références au total homologuées, selon le ministère de la Santé publique.

Officiellement, comme ailleurs dans le monde, l'essentiel de ces médicaments (les trois quarts, d'après les statistiques) est constitué de génériques. Mais de sources des opérateurs de la filière mêmes, la commercialisation des spécialités prédomine, précisément dans le circuit privé.

« Beaucoup de médicaments sont génériqués. Le problème : ça reste une activité qui est une activité commerciale. Le ratio aujourd'hui des spécialités par rapport aux médicaments génériques, quand vous voyez les ventes globales de tous les grossistes réunis, les génériques sont entre 15 et 20% », a confié à Xinhua le Dr. Prosper Hiag, président de l'Association des grossistes et des prescripteurs du Cameroun (AGPC) et vice-président de l'Ordre national des pharmaciens.

« Nous n'avons pas encore dans nos gammes suffisamment de médicaments génériques. Les prescripteurs sont encore otage des laboratoires. Ce sont les laboratoires qui les informent généralement des nouveautés et ce sont eux aussi d'ailleurs qui les forment. Cette information est orientée vers les produits que les laboratoires fabriquent et quand ce sont des spécialités, ils leur parlent de ces spécialités-là qui coûtent plus cher que les génériques », a-t-il ajouté.

Là réside fondamentalement l'explication des prix élevés des médicaments dans ce pays d'Afrique centrale, où des milliers de citoyens, faute d'une bourse à la hauteur de leurs besoins de santé, peinent à se soigner, même si les pouvoirs publics clament à répétition leur détermination à rendre les coûts accessibles.

C'est essentiellement dans les formations sanitaires publiques que les patients doivent se tourner pour pouvoir obtenir, à des prix abordables et sous forme de génériques, les traitements destinés à les soulager de leurs maladies.

« La Cename (Centrale nationale d'achat des médicaments, organisme sous tutelle du ministère de la Santé publique, ndlr) a plus de médicaments génériques, une gamme de plus de 300 références. En pharmacie, vous ne retrouvez pas toutes ces références-là. Vous en avez, mais en spécialités », rapporte Hiag.

Chaque jour pourtant, 50.000 personnes environ se rendent en pharmacie au Cameroun, note le pharmacien Luc Meilo dans sa « Boussole médicale ». Les 1.800 présentations de médicaments contenues dans ce document se rapportent, explique l'auteur, à des produits comportant dans leur composition quatre principes actifs au maximum.

Il s'agit de médicaments d'origines diverses qui révèlent un autre problème lié au fait que « le personnel soignant jusqu'à ce jour ne pouvait compter que sur son expérience et l'information permanente des visiteurs médicaux. Le continent asiatique distribue de plus en plus des médicaments au Cameroun or les prescripteurs sont formés en grande majorité sur le modèle européen ».

Le marché se dispute entre, d'une part, un secteur privé commercial constitué de six grossistes répartiteurs agréés et 380 officines fonctionnelles, d'autre part, un secteur privé industriel avec treize entreprises de fabrication locale dont huit opérationnelles, et enfin un secteur confessionnel à but non lucratif. Il est encadré par une loi qui exempte les importations de droits de douane.

Les bénéfices sont incitatifs. Sur les spécialités importées, la marge globale est de 53,1% du prix de revient dont 14,17% destinés aux grossistes et 38,94% aux détaillants, tandis que les médicaments essentiels génériques accordent une marge bénéficiaire de 20% du prix de revient au profit des grossistes et 80% aux détaillants, a décrit Prosper Hiag lors d'une conférence scientifique jeudi à Yaoundé sous le thème « le médicament générique : enjeu de santé en Afrique ».

Rapportées à la fabrication locale, ces marges de bénéfice sont plutôt établies à 11,32% du prix de revient hors taxe pour les fabricants, 10,37% du prix de cession industriel pour les grossistes et 34,10% du prix de cession grossiste pour les détaillants.

Incidemment, cette organisation du marché favorise des pratiques commerciales non avantageuses pour le consommateur. « Le grossiste vend parce qu'un laboratoire est venu, a obtenu l'autorisation de mise sur le marché et a fait la mise en place sous le grossiste. Au niveau des dispensateurs, très souvent le dispensateur veut gagner plus. Donc, il aura tendance à vendre le médicament qui rapporte plus de marge », confirme le Dr. Hiag.

En pharmacie, les différences de prix sont aussi fonction des différentes déclinaisons des médicaments. Par exemple, le Paracétamol se vend 16.445 francs CFA pour une boîte de comprimés 50×4 sous la dénomination de Fébrilex, contre 1.905 francs une boite de 16 d'Efferalgan codéine, 1.655 francs pour Dafalgan codéine et 565 francs pour 20 comprimés d'Antidol 500 mg.

Métronidazole vaut 2.005 francs sous la dénomination de Nidazol 250 mg pour une boîte de 20 comprimés, 2.195 francs pour Nidazol 500 mg, 3.215 francs pour 100 comprimés de Cintazole 250 mg, 2.340 francs une boîte de 20 comprimés de Flagyl 250 mg et 2. 230 francs une même boîte de Supplin.

Découragés par le coût pour eux hors de portée des soins en pharmacie, un grand nombre de Camerounais prennent le maquis en dépit des risques encourus. C'est une étude rapportée par Porsper Hiag qui le révèle : plus de 30% des patients déclarent aller au marché illicite, qui concentre plus de 80% de médicaments non homologués.

« Il y a là un problème que nous devons régler. Nous devons tous nous investir dans la promotion du médicament générique », suggère le pharmacien, précisant qu'un médicament qui vaut 2.000 francs, sous forme de générique, est parfois de même qualité que celui qui coûte 9.000 francs en tant que spécialité.