Mali: Les contre-pouvoirs s’effacent avec la suppression de la Charte des partis ce 13 mai

Afriquinfos Editeur
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Un panneau proclamant que "le général Assimi est pour le Mali ce que le général de Gaulle était pour la France" dans une rue de Bamako le 1er novembre 2024.

La Transition au Mali a promulgué ce 13 mai 2025 la loi supprimant la charte des partis politiques, renforçant l’inquiétude de ces derniers qui craignent que cela n’ouvre la voie à leur dissolution.

Cette Charte, inscrite dans la loi en août 2005, fixait le cadre moral et juridique des partis, leur fonctionnement, leur formation, leur création et leur mode de financement. « Toutes (les) dispositions » de la loi portant Charte des partis politiques « sont et demeurent abrogées », indique le décret du général Assimi Goïta, publié mardi 13 mai au Journal officiel, nécessaire pour l’entrée en vigueur du texte.

Le projet de loi d’abrogation avait été adopté mardi 06 mai par l’organe législatif créé par la Transition, le CNT (Conseil national de transition) dont les membres ont été nommés par les militaires. Fin avril 2025, une Concertation nationale organisée par la Transition avait préconisé la dissolution des partis et le durcissement de leur création.

Cette rencontre – marquée par la présence des soutiens du régime mais boycottée par la plupart des formations politiques – avait également proposé la proclamation sans élection cette année du général Assimi Goïta comme Président pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le multipartisme, ainsi que les libertés d’expression et d’association, ont été consacrés au Mali par la Constitution de 1992, année du début d’ancrage de la démocratisation.

Par cette abrogation de la Charte des partis, la Transition « a signé l’acte de décès du pluralisme politique au Mali », a dénoncé dans une tribune publiée lundi 12 mai l’ancien ministre de la Justice, Mamadou Ismaïla Konaté, après l’adoption du projet de loi par le CNT. Il y voit une « opération de mise au pas, une tentative de démolition systématique des contre-pouvoirs politiques » au Mali. La junte a déjà suspendu la semaine dernière les activités des partis politiques et des associations, invoquant une « raison d’ordre public ».

– Rare protestation –

Le Gouvernement avait annoncé fin avril 2025 l’abrogation de la Charte des partis, une décision interprétée par des juristes comme une étape vers leur dissolution. « L’abrogation de cette loi ne met pas en cause l’existence des formations politiques », avait alors expliqué le Directeur général de l’administration du territoire, Abdou Salam Diepkile, sur la chaîne publique ORTM. Selon lui, cette décision s’inscrit dans une volonté d' »arrêter la prolifération des partis politiques » dans le pays.

Le chef de la Transition militaire au pouvoir au Mali, le général Assimi Goita, au centre, lors d’une cérémonie à Bamako, le 7 juin 2021.

Craignant une dissolution, une coalition d’une centaine de partis s’est récemment formée pour « exiger la fin effective de la Transition politico-militaire au plus tard le 31 décembre 2025 », et appeler « à la mise en place d’un calendrier de retour rapide à l’ordre constitutionnel ».

Dans un acte de protestation rare depuis l’arrivée au pouvoir des militaires, cette nouvelle coalition a réussi à mobiliser plusieurs centaines de personnes lors d’une manifestation début mai 2025 à Bamako. Elle a aussi « catégoriquement » rejetée la décision de la junte de suspendre les activités des partis politiques et des associations. Les militaires au pouvoir au Mali ont manqué à leur engagement de céder la place à des civils élus en mars 2024.

L’opposition dans le pays a déjà été visée par des mises en cause judiciaires, des dissolutions d’organisations, ainsi que par la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour d’Assimi Goïta dans un pays confronté depuis 2012 au jihadisme et à une grave crise économique.

Le Mali comme ses voisins du Niger et du Burkina Faso sont dirigés par des militaires arrivés au pouvoir entre aout 2020 et juillet 2023, qui se sont associés au sein de l’AES (Alliance des Etats du Sahel). Des organisations locales et étrangères de défense des droits humains accusent régulièrement les trois régimes de réprimer les voix dissidentes au nom de la guerre contre les jihadistes.

Des militants de partis d’opposition maliens manifestent pour dénoncer les restrictions démocratiques imposées par la junte au pouvoir, à Bamako le 3 mai 2025.

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