Mali: Les auteurs des putschs de 2020 et de 2021 couverts d’immunité par le Parlement de transition

Afriquinfos Editeur
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Bamako (© 2021 Afriquinfos)- La transition malienne a adopté deux lois d’amnistie au profit de la junte, pour les coups d’Etat qui ont conduit au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020 et à la mise à l’écart du président de transition Bah Ndaw en mai 2021. Ces projets de lois ont été votés par le CNT, qui tient lieu de Parlement, par « 99 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions », a annoncé le ministère de la Justice dans un communiqué.

Concrètement, cela signifie que les putschistes de la junte, en premier lieu Assimi Goïta, ne peuvent plus être poursuivis par la justice pour leurs actions contre les autorités en place à ces deux périodes. Pourtant, dans l’article 121 de la Constitution malienne, il est bien stipulé que tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien.

Un obstacle balayé par Souleymane Dé, le président de la commission des lois du Conseil national de la transition, qui fait actuellement office d’organe législatif : « Ce qui est inédit et ce qu’il faudra que tout le monde comprenne, c’est que ce n’était pas un coup d’État. Il n’y a pas eu de coup d’État, parce que la Constitution n’a pas été suspendue et que le président a volontairement démissionné. Il n’y a pas eu de démission sous pression, il n’y a pas de démission forcée, ça n’existe pas. Vraiment, en Guinée, il y a un coup d’État. Mais au Mali, il n’y a pas eu de coup d’État. »

« Aucune poursuite judiciaire ne peut être engagée contre les auteurs des infractions. On ne peut pas poursuivre des responsables pour des infractions comme complot militaire, insoumission, etc. », a précisé le président de la commission des Lois du CNT, Souleymane Dé.

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Ces nouvelles lois mettent donc à l’abri Assimi Goïta, président de transition, et les membres de l’ex-Comité national pour le salut du peuple (CNSP), la junte qui tient une partie du pouvoir à Bamako, contre toute action judiciaire future qui pourrait être engagée contre elle, pour toute une série de crimes et délits commis pendant les deux coups de force.

Le premier coup d’Etat a renversé le président Keïta le 18 août 2020; tandis que la deuxième a conduit à l’arrestation du président de transition et son Premier ministre Moctar Ouane, le 24 mai 2021, après leur décision de former un nouveau gouvernement dans lequel ne figuraient pas les putschistes.

« Le fait de gouvernements faibles »

Le Dr Bouréma Kansaye, maître de conférences à l’Université des sciences juridiques et politiques, cité par Jeune Afrique, estime que de telles amnisties sont « le fait de gouvernements faibles » et peuvent être vues, au sein de l’opinion publique, comme « une prime à l’impunité, car on pardonne a priori des faits qui sont jugés impardonnables ».

Cette mesure d’amnistie était prévue par la Charte de la transition. « Les membres du Conseil national pour le salut du peuple et tous les acteurs ayant participé aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du président de transition bénéficient de l’immunité juridictionnelle [et] ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour des actes posés lors desdits évènements », affirmait la charte.

Une habitude ?  

Ce n’est pas la première fois que des auteurs d’un coup d’Etat au Mali bénéficient d’une amnistie. Les auteurs du coup d’État du 22 mars 2012 contre Amadou Toumani Touré en avaient bénéficié, nonobstant les protestations des organisations de défense des droits humains contre le « projet de loi d’entente nationale » prévoyant l’amnistie pour des auteurs de crimes (dont enlèvement, assassinat et complicité d’enlèvement et d’assassinat) commis pendant le conflit armé de 2012 .

Cette amnistie concernait les faits commis « entre la période allant du 21 mars, date du début de la mutinerie » de militaires ayant débouché, le 22 mars, sur le renversement d’ATT, jusqu' »au 12 avril 2012, date de la prestation de serment du Président de la République » par intérim.

V.A.