Le tribunal de commerce de Bamako a décidé ce 16 juin 2025 de placer « sous administration provisoire » pour six mois la plus grande mine d’or du Mali, majoritairement détenue par le géant canadien Barrick Mining, dernier épisode en date d’un bras de fer que se livrent l’industriel et l’Etat malien.
La Transition malienne avait réclamé cette mesure pour relancer les activités d’extractions à l’arrêt depuis janvier 2025 sur le site de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du pays, un des plus importants gisements aurifères au monde, détenu à 80% par le groupe minier et à 20% par le Mali. Zoumana Makadji, nommé administrateur provisoire, aura la tâche « d’ouvrir la mine dans les plus brefs délais », a dit à l’AFP un magistrat du Tribunal de commerce.

– Arbitrage international –
Dans un communiqué, Barrick a confirmé avoir perdu le « contrôle opérationnel » de la mine et rappelle que l’entreprise a entamé une procédure d’arbitrage auprès du CIRDI (Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements), une organisation de la Banque mondiale basée à Washington.
Une source représentant les intérêts de l’Etat malien au procès a indiqué à l’AFP que cette mesure permet de « protéger les intérêts économiques nationaux » et évite « la fermeture brutale de la mine en l’absence d’un accord révisé ». « Au bout de six mois, le juge constatera l’évolution des négociations et ou d’un accord et avisera », a expliqué à l’AFP le magistrat du Tribunal du commerce.
Barrick s’était dite « contrainte » de devoir arrêter ses opérations à Loulo-Gounkoto après la saisie le 11 janvier 2025 de trois tonnes d’or sur le site par des soldats venus en hélicoptère. Le pouvoir Goïta empêchait déjà Barrick d’exporter l’or du site et quatre employés maliens de la compagnie sont en détention depuis novembre 2024. Ces actions « injustifiées (…) ont menées à la suspension temporaire des opérations », a rappelé ce 16 juin Barrick dans son communiqué, qui affirme toutefois vouloir trouver « une solution constructive et mutuellement acceptable ».
– Souveraineté économique –
Au nom de la souveraineté économique du pays, le Mali a réformé son Code minier en 2024 et réclame des centaines de millions de dollars d’arriérés d’impôts à Barrick. Les militaires arrivés au pouvoir en 2020 cherchent à obtenir une part plus importante des revenus générés par les activités extractives, y compris celles du complexe souterrain et à ciel ouvert de Loulo-Gounkoto.
Invoquant le « non-paiement d’impôts », les services fiscaux maliens ont fermé les bureaux du groupe minier à Bamako en avril 2025. Selon Barrick, 85 millions de dollars ont déjà été versés à l’Etat malien en octobre 2025 « dans le cadre des négociations ». Le 8 mai, le Gouvernement malien avait introduit devant le Tribunal du commerce de Bamako une requête en vue d’imposer une administration provisoire sur le site de Loulo-Gounkoto.

« Depuis 2024, l’Etat est dans un bras de fer avec les majors qui produisent l’or au Mali. Barrick, comme les autres, sont accusés d’avoir ouvert des comptes offshores, ce que la législation permet », avait expliqué à l’AFP une source proche de Barrick. L’or contribue à un quart du budget national de ce pays d’Afrique de l’Ouest.
La Transition malienne a fait de la lutte contre la corruption et de la restauration de la souveraineté nationale sur les ressources naturelles ses mantras. Elle accorde une attention toute particulière aux revenus juteux de l’industrie minière.
© Afriquinfos & Agence France-Presse