Le PDCI embrouille son électorat à travers les va-et-vient de Tidjane Thiam à la tête du parti

Afriquinfos Editeur
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Un homme tient dans ses mains le bulletin de Tidjane Thiam lors d'une élection interne du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) à Abidjan le 16 avril 2025.

Tidjane Thiam a été élu ce 14 mai 2025 à la tête du PDCI (principal parti d’opposition ivoirien) dans une élection où il était seul candidat, deux jours après avoir démissionné de ce poste pour se représenter et mettre fin à une saga judiciaire contestant sa légitimité. Un feuilleton de trop dans la classe politique ivoirienne avant la présidentielle d’octobre 2025.

Cette élection ne règle toutefois pas la question de son inéligibilité à la présidentielle du 25 octobre: M. Thiam fait partie des opposants au Président ivoirien Alassane Ouattara qui sont radiés de la liste électorale et ne peuvent pas participer au scrutin. « Le candidat Cheick Tidjane Thiam a obtenu 5.190 voix soit 99,77% », a déclaré Georges Ezaley, vice-président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire à l’issue d’un Congrès extraordinaire pour élire le chef du parti. Le taux de participation à ce scrutin s’est élevé à 92,7%.

« Est donc élu comme président du PDCI M. Cheick Tidjane Thiam », a-t-il ajouté, devant la presse à la maison du Parti, à Abidjan, sous les applaudissements de quelques dizaines de militants. Mercredi soir, M. Thiam, hors du pays depuis près de deux mois, s’est encore adressé aux militants par visioconférence, au siège du parti. « Je suis impatient de vous retrouver », a-t-il dit, après avoir salué leur « détermination ».

Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), lors d’une réunion de mobilisation pour l’élection présidentielle d’octobre 2025, à Yopougon, une commune populaire d’Abidjan, le 15 février 2025.

« Ce qui m’importe, c’est la victoire, c’est de ramener le parti au pouvoir », a-t-il dit. M. Thiam avait annoncé lundi sa démission de la présidence du parti, à laquelle il avait accédé en décembre 2023, se disant victime d’un « harcèlement judiciaire ». Cette démission était purement formelle et visait principalement à anticiper une décision de justice risquant d’invalider son élection de décembre 2023, explique-t-on au sein du PDCI.

Une militante du PDCI conteste en effet cette élection, estimant que M. Thiam n’était pas ivoirien au moment du scrutin. Une audience à ce sujet reste prévue ce 15 mai 2025. La question de sa nationalité – il a été français de 1987 à mars 2025 – empoisonne la campagne de M. Thiam qui est hors du pays depuis près de deux mois.

La justice a mis en avant fin avril 2025 l’article 48 du Code de la nationalité, datant des années 1960, qui indique que l’acquisition volontaire d’une autre citoyenneté entraîne la perte de la nationalité ivoirienne. Elle l’a ainsi radié des listes électorales, estimant qu’il n’était pas ivoirien au moment de son inscription en 2022, l’excluant de facto de la course à la présidentielle.

Des pancartes de soutien à Tidjane Thiam, président du PDCI, principal parti d’opposition, posées sur des chaises vides lors d’une réunion du bureau politique en vue de l’élection présidentielle, le 5 avril 2025 à Yamoussoukro.

Mercredi, 14 mai, Tidjane Thiam a été réélu président du PDCI en étant cette fois « 100% ivoirien », puisqu’en renonçant à la nationalité française en mars, il a retrouvé, selon les autorités, la nationalité ivoirienne qu’il avait perdue.

– « Pas de plan B » –

« Nous sommes venus réitérer notre soutien à Tidjane Thiam, nous avons la conviction qu’il sera candidat, et qu’il sera élu en 2025. Il n’y a pas de plan B », a confié Elisabeth Golli, une militante, au siège du parti dans la commune huppée de Cocody, à Abidjan. Mais il reste radié de la liste électorale, et aucune révision de celle-ci n’est prévue avant la présidentielle du 25 octobre.

« Il nous reste une grosse bataille à mener pour que je puisse être candidat à l’élection présidentielle (…) pour que je puisse être inscrit sur la liste électorale », a affirmé Tidjane Thiam. Trois autres figures de l’opposition ayant annoncé leur intention d’être candidats sont aussi absentes de la liste électorale, en raison de condamnations judiciaires: l’ancien Président (2000-2011) et opposant Laurent Gbagbo, son ancien bras droit Charles Blé Goudé et l’ancien chef rebelle et Premier ministre Guillaume Soro.

Mercredi, 14 mai 2025, Georges Ezaley a estimé que la réélection de M.Thiam était « un signal fort ». « On ne touche pas au PDCI, on ne touche pas à son président », a-t-il ajouté, dénonçant un « système de harcèlement, contre le PDCI et contre son président, avec une instrumentalisation de l’appareil judiciaire ». Les autorités récusent de leur côté de manière permanente toute intervention politique dans le processus électoral, assurant qu’il s’agit de décisions prises par une justice indépendante.

Le Président Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011, ne s’est de son côté pas encore prononcé sur une éventuelle candidature, mais s’est dit « désireux de continuer à servir son pays ». L’ex-ministre du Commerce Jean-Louis Billon, membre dissident du PDCI, s’est également lancé dans la bataille à la présidentielle. Il devrait se présenter en indépendant à ce scrutin.

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