Le monde scolaire français ému par l’expulsion mouvementée d’une adolescente burkinabè et de sa maman hors de l’Hexagone

Afriquinfos Editeur
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La devanture d'un collège en France

Paris (© 2025 Afriquinfos)- La communauté scolaire française composée d’enseignants et de syndicats a exprimé son mécontentement face à la méthode employée pour expulser une adolescente de troisième, originaire du Burkina Faso.

La semaine dernière, une adolescente de troisième, originaire du Burkina Faso, a en effet été interpellée par les gendarmes directement dans son établissement scolaire. Accompagnée de sa mère et de son jeune frère, elle a été conduite à la frontière belge. Les forces de l’ordre sont intervenues en pleine matinée, pendant la récréation, ce qui a créé un choc parmi le personnel éducatif. Car selon la loi française, les interventions policières dans les écoles sont strictement encadrées et interdites pour des expulsions. Cette opération a été menée dans un silence total, loin des regards des autres élèves, mais a immédiatement suscité une vive polémique.

Le personnel enseignant du collège s’est dit scandalisé par cette intervention. Nombreux sont ceux qui dénoncent l’absence de transparence dans la gestion de cette situation et rappellent que la loi interdit l’intervention des forces de l’ordre dans les établissements scolaires pour des expulsions ou des arrestations. Les enseignants craignent que de tels événements puissent créer un climat d’insécurité au sein des établissements et nuire au bien-être des élèves. Ces derniers soulignent également le traumatisme potentiel pour l’élève concernée, qui a été séparée brutalement de ses camarades.

Des syndicats et des associations, dans un élan de solidarité, ont organisé un rassemblement pour protester contre l’intervention policière en milieu scolaire, prévoyant une manifestation devant la préfecture de Moselle à Metz, ce jeudi 30 janvier 2025. Ils demandent une révision des protocoles d’expulsion et de reconduite à la frontière, soulignant que ces procédures devraient respecter la dignité humaine et éviter de perturber la scolarité des enfants. Les partisans de cette mobilisation dénoncent une logique de fermeté qui pénalise des enfants, parfois arrivés en France très jeunes, et qui sont en plein apprentissage dans un système éducatif qui devrait les protéger et les accompagner.

’Un acte indigne et honteux’’ !

Armelle Gardien, du Réseau éducation sans frontières, s’inquiète de cette intervention policière à l’intérieur de l’école : « En 2005, Nicolas Sarkozy avait prescrit de ne pas intervenir dans les écoles et aux alentours. Et Manuel Valls, à l’époque ministre de l’Intérieur en 2013, a repris la même préconisation. Là, c’est un retour en arrière absolument inquiétant qui montre que le gouvernement s’assoit sur un certain nombre de dispositions qui ont été prises par les mêmes personnes. »

Le SNES-FSU dénonce pour sa part, un acte indigne et honteux ! Dans la France de 2025, les enfants de parents sans papiers sont donc traqués jusqu’à l’intérieur des établissements scolaires. Mais est-ce une surprise dans le contexte politique actuel ? Dans le sillage d’une extrême droite toujours plus puissante, disposant d’importants relais médiatiques, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’est lancé dans une surenchère nauséabonde autour du droit du sol. Toutes ces déclarations légitiment ce type d’actes et contribuent à faire des immigrés les boucs émissaires de tous les maux, fracturant ainsi toujours davantage notre société. Hasard du calendrier, ou pas, ce même week-end, un des hommes forts de l’administration Trump a confirmé de possibles arrestations d’élèves sans papiers dans les écoles.       

Le SNES-FSU le rappelle avec force : l’honneur de l’École de la République est bien d’accueillir tous les élèves sans distinction. Elle est et doit rester un lieu de transmission des savoirs, d’émancipation individuelle et collective et d’élaboration d’une culture commune ouverte à toutes et à tous. Cela ne peut se faire lorsque des enfants qu’elle accueille dans le cadre de ses missions sont menacés d’être interpellés à tout moment par les forces de l’ordre.       

Le SNES-FSU exige du Premier ministre, François Bayrou, et d’Elisabeth Borne, ministre d’État de l’Éducation nationale des engagements fermes pour la protection des élèves, à commencer par l’application de la circulaire du 19 octobre 2013 « interdisant les interventions des forces de police et de gendarmerie dans l’enceinte des établissements scolaires et aux abords dans le cadre de procédure d’éloignement. »     

Conséquence des tensions actuelles entre Paris et Ouagadougou ?

Depuis 2022, la relation entre la France et le Burkina Faso a connu une rupture significative. Après le coup d’État militaire de septembre 2022, les nouvelles autorités burkinabè ont critiqué la présence militaire française dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

En janvier 2023, les militaires ont demandé le retrait des troupes françaises stationnées dans le pays, ce qui a eu un impact important sur les relations bilatérales. Cette décision fait partie d’une méfiance grandissante à l’égard de la France, qu’ils considèrent comme « une ancienne puissance coloniale » dont l’influence est jugée trop grande. Le Burkina Faso, tout en cherchant à diversifier ses partenariats, notamment avec la Russie, a exprimé son désir de renforcer son indépendance en matière de sécurité.

V. A.