Kenya: Tour de vis envers les critiques anti-Ruto à travers l’affaire David Mokaya

Afriquinfos Editeur
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Violences politiques au Kenya en décembre 2024.

Un étudiant kényan a comparu ce 29 mai 2025 devant un tribunal de Nairobi pour avoir diffusé sur X la photo d’une procession funèbre qu’il a décrite comme étant celle du Président William S. Ruto, dans un contexte de répression des voix critiques au Kenya.

La publication est survenue quelques mois après les manifestations de juin et juillet 2024 contre les hausses d’impôts et la corruption. Les Forces de sécurité sont accusées par des groupes de défense des droits humains d’avoir tué au moins 60 personnes, pour la plupart de jeunes adultes, à cette occasion et d’en avoir enlevé des dizaines d’autres. David Mokaya, 24 ans, avait, lui, publié le 13 novembre 2024 sur X une photo d’un cortège funèbre avec la légende: « Le corps du Président William Ruto quitte les pompes funèbres de Lee » – une entreprise de Nairobi.

L’étudiant David Mokaya devant le Tribunal de Milimani à Nairobi, le 29 mai 2025 au Kenya.

Lors de la dernière audience, ce 29 mai, l’affaire a été rapidement repoussée au 31 juillet. L’avocat de M. Mokaya a déclaré à l’AFP que les poursuites constituent « une atteinte à la liberté d’expression ». « On usurpe le droit à notre client (…) en tant que citoyen kényan d’exprimer ses opinions politiques, de formuler des satires politiques (…) et de critiquer le Chef de l’État », a-t-il étayé.

En décembre 2024, au moins deux personnes ont disparu après avoir partagé des photos générées par l’intelligence artificielle de William Ruto allongé dans un cercueil. Un autre, le dessinateur Gideon Kibet – alias Kibet Bull – avait publié des caricatures du Président, mais après avoir été enlevé puis libéré, il a déclaré qu’il cesserait. Les groupes de défense des droits humains imputent ces enlèvements à une unité secrète issue des Services de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Le Gouvernement et la Police ont démenti toute responsabilité.

D’autres affaires de répression des voix critiques ont scandalisé le Kenya ces derniers mois. En avril 2025, la Police a tiré des gaz lacrymogènes près d’étudiantes à un festival de théâtre. La pièce qu’elles devaient jouer – qui pouvait passer pour une satyre de l’exécutif après les violences de juin et juillet 2024- avait été interdite par le Gouvernement, une décision suspendue par la justice. Fin avril 2025, les autorités ont exercé « des pressions » pour empêcher la projection dans un cinéma de Nairobi d’un reportage de BBC identifiant des agents des Forces de sécurité kényanes ayant tiré sur la foule en juin et juillet 2024.

Quatre cinéastes indépendants, qui selon la BBC n’étaient pas impliqués dans le reportage, ont ensuite été arrêtés début mai 2025 pour « fausses informations ».

© Afriquinfos & Agence France-Presse