Intervention française en Syrie : Pourquoi tant de précipitation?

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"Toutes les options sont sur la table. La France veut une action proportionnée et ferme", a déclaré le président Hollande dans une interview accordée au quotidien français Le Monde daté de samedi, dans laquelle il a cependant exclu toute intervention avant le départ samedi de Syrie des inspecteurs onusiens, qui enquêtent sur l'utilisation présumée d'armes chimiques dans le pays. Cette attitude de la France constitue un contraste frappant avec celle du Royaume-Uni, dont le parlement a voté jeudi contre la motion du Premier ministre David Cameron appelant à "une réponse humanitaire ferme" qui impliquerait une action militaire.

Pour sa part, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle a déclaré que la participation allemande à l'opération militaire en Syrie n'a été "ni demandée, ni envisagée", ajoutant que la tâche de déterminer une position commune revenait au Conseil de sécurité des Nations Unies. Pour des observateurs internationaux, les propos de M. Hollande semblent irresponsables et dangereux, et risquent d'aggraver une situation déjà tendue en Syrie, ternissant gravement les perspectives de règlement politique de la crise qui perdure, en particulier à un moment où aucun élément probant ne permet de préjuger des responsabilités de chacun ou d'identifier les auteurs des crimes.

Parallèlement, les Etats-Unis semblent se préparer à entreprendre une action militaire contre le pays du Moyen-Orient. Dans un rapport publié vendredi, Washington prétend que 1.429 personnes, dont au moins 426 enfants ont été tués dans une attaque à l'arme chimique perpétrée le 21 août en banlieue de Damas.

Écartant la possibilité que l'opposition ait mené l'attaque, le rapport note que Washington est "très confiant" que le gouvernement syrien a orchestré l'attaque et que le président syrien Bachar al-Assad en a été "le décideur ultime", sans donner plus de détails. Pour les observateurs internationaux, tous les discours sur l'arme chimique laissent une sensation de déjà-vu. Il y a plus d'une décennie, l'Occident a affirmé que Saddam Hussein avait amassé des armes de destruction massive (ADM) en Irak, un prétexte idéal pour justifier l'invasion du pays. Pourtant, des années après la chute de Saddam Hussein, ces fameuses armes de destruction massive n'ont pas encore été trouvées. Plus récemment, en 2011, lors de l'intervention militaire en Libye, les médias occidentaux ont répété les rumeurs selon lesquelles Mouammar Kadhafi avait entreposé des ADM dans sa ville natale de Syrte. Mais en fait, même après la mort de l'ancien leader libyen, aucune ADM n'a fait surface.

Malgré le fait qu'il n'existait aucune preuve de l'utilisation d'ADM dans ces deux cas, l'objectif politique de l'Occident a été atteint : une grande partie de l'opinion publique occidentale a été amenée à croire, du moins pendant un certain temps, que l'intervention militaire était justifiée, et les régimes de l'époque en Irak et en Libye ont ainsi pu être renversés. Dans le cas de Syrie, et plus précisément pour le président Hollande, une éventuelle "action proportionnée et ferme" pourrait montrer que la France demeure une grande puissance qui joue un rôle important dans le monde, estiment des analystes.

La Syrie a un lien historique avec la France : la Syrie a longtemps été placée sous protection française et après l'indépendance de la Syrie en 1946, les deux pays ont maintenu d'étroites relations. La France pourrait ainsi s'imposer comme une grande puissance en intervenant en Syrie. Par ailleurs, de part sa situation géographique, la France est toujours très préoccupée par la situation dans les autres pays méditerranéens et ceux du Proche-Orient, et ne restera jamais les bras croisés face à des bouleversements dans ces pays.

Plus encore, face à une mauvaise situation économique en France, le président Hollande se doit de glaner de "bonnes notes" en diplomatie pour emboîter le pas à son prédécesseur Nicolas Sarkozy qui avait réussi à mener des interventions en Côte d'Ivoire et en Libye. Très touchée par la crise financière mondiale, l'économie française a connu une récession avec un taux de chômage élevé, et la cote de popularité du président Hollande est en chute libre. Une intervention en Syrie pourrait détourner l'attention de l'opinion publique sur les affaires intérieures.