Bien que faisant l'unanimité auprès de ses partenaires occidentaux et africains, l'intervention de la France, l'ancienne puissance coloniale du Mali, ne manque pas de susciter des interrogations.
LA FRANCE, SUPER GENDARME DE L'AFRIQUE?
Pour un éditorialiste, "la tournure prise par les évènements signe une des défaites les plus accablantes du panafricanisme".
"Qui pourra encore continuer à défendre l'idée selon laquelle l'Afrique doit et peut résoudre elle-même ses problèmes politiques et tout ce qui touche aux enjeux de sécurité collective ?", s'interroge-t-il dénonçant "l'incompétence notoire" de l'Union africaine (UA).
Un politologue béninois n'hésite pas à qualifier la France de "super gendarme de l'Afrique". "Il est à regretter que plus de 50 ans après nos indépendances, les solutions aux problèmes du continent continuent d'être décidées ailleurs qu'en Afrique", déplore-t-il.
Au-delà de ses sons discordants, l'intervention militaire française a été approuvée par les pays africains et leur opinion publique, dans leur grande majorité.
En Côte d'Ivoire, le Front populaire ivoirien (FPI, de l'ex président Laurent Gbagbo) a salué les frappes aériennes sur les positions des islamistes.
"On peut saluer l'intervention salvatrice de la France. Pour une fois, on ne peut raisonnablement pas se plaindre de l'action de Paris sur le continent", relève un journal burkinabé.
Il explique l'intervention française par les "sempiternelles négociations" conduites par le président médiateur burkinabé, Blaise Compaoré, sans compter les réunions à n'en point finir de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui a en main le dossier malien depuis plus d'un suite à la partition du pays et la prise des villes du nord par les djihadistes avec son lot d'exactions et de graves violations des droits de l'homme.
"Il est vrai qu'à force de se préparer, discuter, tarder à formuler officiellement les demandes, à mettre en place les institutions, à réunir les financements, à disposer des moyens techniques, on se retrouvait avec un plan d'action qui n'aurait pas permis l'intervention des forces ouest-africaines avant au mieux septembre 2013", croit savoir également le journal français "Le Monde diplomatique".
LA FRANCE EN "GUERRE CONTRE LE TERRORISME"
"Il n'y a aucun intérêt français au Mali sauf nos ressortissants", soutient le président français François Hollande.
Le Mali est l'un des plus pauvres pays du monde mais dispose, en théorie, de ressources minières et pétrolières.
Elle occupe toutefois une position géopolitique stratégique, en Afrique de l'Ouest, dans la lutte contre les miliciens d'Al Qaida au Maghreb et dans le Sahel.
Mardi aux Emirats arabes unis, le président français a affirmé que l'intervention française qui s'effectue dans le cadre de la "légalité internationale" vise uniquement à "arrêter l'agression terroriste", "sécuriser Bamako" ou vivent plusieurs milliers de ressortissants français et à permettre au Mali de "recouvrer son intégrité territoriale".
"Nous ne défendons qu'une cause, l'intégrité du Mali, et nous n'avons qu'un adversaire, le terrorisme", a-t-il martelé.
Il a annoncé que le déploiement français, au sol et dans les airs, avec près de 800 hommes va augmenter et atteindre à terme 2 500 hommes.
Selon M. Hollande, "le plus rapidement possible", les Français "laisseront la place aux Africains".
La force en attente de la CEDEAO de 3.300 soldats sous commandement du général nigérian, Shehu Abdulkadir est toujours en constitution.
Le Nigeria a promis 900 hommes, le Niger, le Burkina Faso, le Togo et le Sénégal ont annoncé l'envoi chacun d'environ 500 hommes, le Bénin 300, la Guinée et le Ghana environ 120 chacun.
"Ce sera à eux de conduire jusqu'au bout la reconquête du Nord", soutient le président français.
Du côté des occidentaux, l'Allemagne, la Belgique, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et d'autres partenaires occidentaux ont annoncé des soutiens logistiques et humanitaires à la France mais pas de troupes au front.
CRAINTE D'UN ENLISEMENT
"La France n'a pas vocation à rester au Mali" et ne peut intervenir que dans "une période exceptionnelle" et dans "un temps limité", insiste son président.
Selon lui, les forces françaises partiront "une fois que le Mali sera en sécurité, qu'il y aura des autorités légitimes et un processus électoral".
"Mais le temps ne joue pas forcément en faveur de celui qui intervient et qui peut se retrouver enlisé avec une image d'occupant comme cela a été le cas en Afghanistan", craint un analyste politique français.
Si le déploiement des troupes ouest africaines n'est pas fait "de manière prompte, grand sera le risque d'enlisement", renchérit un journal burkinabé.
Pour la presse algérienne, "c'est une guerre hasardeuse qui ne peut qu'accroître la déstabilisation de la région et y susciter un afflux de vocations djihadistes".
Elle prédit un "drame humanitaire" dans le Sahel avec un déplacement de populations "sans commune mesure" et prévient que l'action de la France va "fédérer les groupes terroristes puisque les djihadistes du monde entier vont affluer vers le Mali pour donner un coup de main à leurs frères d'armes".
"C'est dire que les terroristes ont des ressources dont ils sont prêts à se servir, ils n'entendent manifestement pas se servir que du chantage via les otages français qui sont entre leurs mains", prévient également un journal burkinabé.