Le 18 janvier, Mme He a publié un article intitulé "Il faut se méfier de la légitimation du nouvel interventionnisme en Afrique" dans le quotidien chinois Global Times, dans lequel elle met en lumière des risques liés à l'intervention française, dont le principal porte sur la légitimation de l'ingérence extérieure en Afrique.
L'intervention française a été déclenchée après que des groupes islamistes armés eurent pris le contrôle de la ville de Konna, verrou stratégique entre le nord et le sud du Mali. L'appui de l'armée française a fait rapidement évoluer la situation militaire en faveur de l'armée malienne, qui a repris successivement les villes de Konna et de Diabali. Selon des reportages, à Bamako et à Konna, la population malienne s'est ruée sur l'achat de drapeaux français et s'est félicitée de la victoire de l'armée en brandissant des drapeaux tricolores.
Malgré un soutien unanime de la communauté internationale, l'intervention de la France, ancien "gendarme de l'Afrique", ne manque pas de susciter des interrogations. "L'intervention française pourrait-elle ouvrir la porte à la légitimation d'un nouvel interventionnisme en Afrique ?", s'interroge Mme He dans son article.
Bénéficiant de l'approbation de l'ONU, l'intervention de la France à la demande du président malien semble justifiée, d'autant plus que le président Hollande a martelé que l'intervention française n'avait "pas d'autre but que la lutte contre le terrorisme".
Cependant, il est essentiel de déterminer le statut des groupes rebelles actifs dans le Nord du Mali. "Pour le moment, il n'est pas juste de qualifier les groupes armés de purement terroristes", et compte tenu de la légitimité insuffisante du gouvernement malien actuel, qui est issu d'un coup d'Etat, "en ce qui concerne la crise au Mali, il s'agit plutôt d'un conflit entre différents groupes politiques que d'une lutte contre le terrorisme", analyse la spécialiste.
Mme He a également examiné la situation d'un point de vue historique. Sur le continent africain, au lieu de tracer des frontières naturelles, la plupart des pays ont hérité de frontières délimitées par leurs anciens colonisateurs, qui avaient divisé le continent en fonction de leurs intérêts et leurs rapports de forces. "Résultat, au sein des populations africaines, la reconnaissance de l'ethnie et de la religion compte plus que celle de la souveraineté ou de la nation. Ce qui peut amener le continent à entrouvrir une porte à l'ingérence extérieure".
En ce qui concerne sa diplomatie en Afrique, la France, ancienne puissance coloniale sur le continent, accorde la priorité au maintien de ses intérêts dans les pays africains francophones. C'est dans cette optique que M. Hollande, qui n'avait pas montré jusque-là un intérêt marqué pour l'Afrique, a changé de cap et décidé de déployer des forces armées au Mali.
"Nous ne défendons qu'une cause, l'intégrité du Mali, et nous n'avons qu'un adversaire, le terrorisme", a répété le président français. Néanmoins, face à la demande du président centrafricain, lui aussi confronté à l'attaque de rebelles, le gouvernement français a choisi de garder ses distances. "Ce qui alimente les rumeurs selon lesquelles la France, le gendarme, pratique le deux poids deux mesures dans les affaires africaines", a fait observer Mme He.
Par ailleurs, le déploiement des forces armées au Mali aura pour effet d'alourdir les dépenses de l'Etat et pèsera sur une économie française affaiblie. "C'est pour cela que des médias à travers le monde ont signalé que le Mali risque de devenir un Afghanistan pour la France", a indiqué Mme He, avant de faire part d'une autre inquiétude : l'intervention française permettra-t-elle d'apporter une stabilité à long terme au Mali ? Une question à laquelle il est pour l'instant impossible de répondre.