Côte d’Ivoire : Synergies d’actions contre les mutilations génitales

Afriquinfos Editeur
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 Pour ceux-ci, il n'est pas question de reculer dans cette bataille de longue haleine contre le fléau.

"En dépit des actions des gouvernements, de la communauté internationale et de la société civile pour accélérer l'atteinte de la tolérance zéro aux Mutilations génitales féminines (MGF), nous déplorons toujours, dans notre pays, un taux de prévalence encore trop élevé de cette pratique nocive", a regretté la ministre ivoirienne en charge de la Solidarité, de la Femme et de l'Enfant Anne Désirée Ouloto.

 LE MAL PERDURE

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  Celle-ci a déploré le fait que le mal perdure, bien que de nombreux efforts soient fournis.

 "Des campagnes de sensibilisation sont menées, des cérémonies de dépôt de couteaux sont organisées, des programmes de reconversion sont initiés à travers la mise en place d'Activités Génératrices de Revenus (AGR) au bénéfice des exciseuses. Hélas, ces dernières ont vite fait de reprendre le couteau et de continuer à semer la désolation dans les vies des femmes", a-t- elle noté.

 "Même les programmes de prévention par l'explication de la loi portant répression de certaines formes de violences à l'égard des femmes dont les MGF, n'ont pu atteindre les objectifs escomptés", a-t-elle ajouté.

  La ministre a ainsi plaidé pour des solutions novatrices par rapport à la situation.

  Pour celle-ci, l'intensification des efforts mondiaux pour l'élimination des mutilations génitales doit inspirer les uns et les autres.

 "Il est nécessaire d'entreprendre des actions intégrées et multisectorielles, qui visent non seulement les personnes directement impliquées : pratiquants et victimes des MGF, mais aussi toutes les forces vives de la nation : gouvernants, élus, leaders communautaires, guides religieux, organisations de la société civile, corps habillés, corps médical, femmes et hommes des mé dias, praticiens du droit", a-t-elle souligné.

     DES CHIFFRES ALARMANTS

 Selon une étude du ministère de la Santé ivoirien, réalisée en 2011 et 2012, 38% des femmes en Côte d'Ivoire ont subi des violences physiques ou sexuelles.  

Des statistiques officielles indiquent également que la pratique de l'excision touche plus de 70% des femmes dans les régions du nord et du nord-ouest du pays.

 "38% des femmes âgées de 15 à 45 ans ont été excisées avec un taux supérieur à 70% dans le Nord et le Nord-Ouest, 57% à l'Ouest, 50% au Centre-Nord, 21% au Nord-Est, 20% au Centre-Est et 13% au Centre", a précisé la ministre ivoirienne de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant Anne Ouloto, citant l'Enquête démographique et de Santé à indicateurs multiples de 2011-2012. La ministre a relevé que cette pratique occasionne de graves conséquences sur le bien-être de la femme et de la fille.

 Pour Anne Ouloto, de nombreuses femmes souffrent en silence à cause de cette pratique "sans fondement qui constitue une violation grave des droits fondamentaux de la Femme".

     DES CONSÉQUENCES GRAVES

 A plusieurs occasions, la ministre Anne Ouloto a mis en garde sur les graves conséquences sur le bien être de la femme et de la fille, qu’occasionne cette pratique.

 "Il s'agit entre autres de l'ulcération et les infections des organes génitaux, des infections sexuellement transmissibles avec un risque accru de contracter le VIH Sida, des complications liées à l'accouchement et la mise en péril du nouveau-né, des problèmes menstruels et urinaires dont les fistules, de l'infertilité et de la mort", a-t-elle prévenu.

 Les mutilations génitales féminines tournent parfois au drame, dans des localités du pays où persiste cette pratique.

 Une fillette de trois ans est morte fin 2011 des suites de ses blessures liées à cette "pratique néfaste" à Dabakala (nord).

 Pour Anne Ouloto, de nombreuses femmes souffrent en silence à cause de cette pratique "sans fondement qui constitue une violation grave des droits fondamentaux de la Femme".

     OFFENSIVE CONTRE LE FLÉAU

  Plusieurs organisations nationales et internationales ont entrepris des tournées à travers le pays pour tenter de porter un coup de frein à la pratique.

  A Bouaké (centre) et Man (ouest), des ateliers de sensibilisation ont réuni des femmes de ces régions et plusieurs acteurs du domaine de la lutte contre ces types de violence.

 "Il importait pour nous de procéder à un échange d'idées et à un partage d'expériences en matière de lutte contre les violences faites aux femmes", avait expliqué la représentante d'une Institution partenaire.

 Pour plusieurs experts, il s'agit d'une offensive légitime et d'un combat noble visant à "rendre la dignité aux femmes".

A Bouna au nord-est du pays, la situation des femmes est plus alarmante au regard des violences répétées et multiformes perpétré es sur la gent féminine.

 "Chez nous, les femmes sont séquestrées, violées quand elles vont au champ. Malheureusement, en raison de la tradition,  elles n'ont pas droit à la parole pour dénoncer ces faits dont elles sont victimes", a confié François Hien, ressortissant de Doropo (d épartement de Bouna).

 "Dans nos traditions, il y a également les mariages forcés des jeunes et petites filles que l'on pourrait classer dans le registre des violences faites aux femmes et qui donc condamnables", a-t-il ajouté.

Les violences faites aux femmes se présentent sous diverses formes en Côte d'Ivoire dont notamment la bastonnade des femmes dans les foyers par les époux, et les mutilations génitales et les violences psychologiques subies par nombre de femmes.

     ALLIER SENSIBILISATION ET RÉPRESSION

De l'avis des autorités et des experts, la lutte contre mutilations génitales féminines est aujourd'hui une question d'honneur pour la République et il urge de mener des actions concrètes afin de réduire de façon drastique ces " pratiques néfastes". Pour ceux-ci, l'offensive devra allier sensibilisation et ré pression.

Les autorités judiciaires pour leur part se sont dites déterminées à mener la guerre aux mutilations génitales féminines qui se poursuivent dans le pays en dépit des campagnes de sensibilisations corsées.

Au moins 10 femmes et deux hommes ont été déjà condamnés par la justice à Katiola (nord) et à Danané (ouest) à plusieurs mois de prison pour l'excision d'une trentaine de fillettes. Plusieurs organisations dont l'Opération des Nations-Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et l'association des femmes juristes de Côte d'Ivoire (AFJCI) s'étaient réjouies de ces condamnations qui, selon elles, vont permettre de réduire le phénomène. Selon des statistiques officielles, l'excision touche entre 100 et 140 millions de femmes et de filles dans le monde. La lutte engagée depuis quelques années se poursuit afin d'enrayer le fléau ou tout au moins l'amener à des proportions raisonnables.