Le rapport de 101 pages intitulé «Pour que la justice compte: Enseignements tirés du travail de la CPI en Côte d'Ivoire», s'appuie sur des entretiens menés auprès d'activistes, de journalistes et de membres du personnel de la CPI à Abidjan et à La Haye, pour conclure qu’il existe des lacunes dans le dossier ivoirien.
HRW relève que les affaires de la CPI ont visé seulement des crimes commis à Abidjan, la capitale économique du pays, alors que certains des pires abus ont été perpétrés dans la partie occidentale du pays !
Selon HRW, la décision du bureau du procureur de la CPI de limiter ses enquêtes initiales aux crimes commis par un seul camp lors de la crise postélectorale de 2010-2011 en Côte d'Ivoire est un grand déficit qui porte atteinte à la crédibilité de l’institution.
De ce fait, HRW fait remarquer que la démarche de la CPI en Côte d'Ivoire diffère en celle du Kenya et de la République centrafricaine, où le Procureur de la CPI a enquêté simultanément sur toutes les parties.
«La priorité donnée jusqu'ici aux exactions des forces pro-Gbagbo a profondément divisé l'opinion sur la CPI en Côte d'Ivoire. De nombreuses victimes estiment que la Cour a ignoré leur souffrance», affirme Elizabeth Evenson, conseillère juridique auprès de la division Justice internationale à Human Rights Watch.
Pour l'organisation, le Procureur doit davantage consulter les victimes afin de s'assurer que le choix des affaires reflète leurs souffrances. «Le champ d'action de la Cour pénale internationale s'étend dans le monde entier; toutefois le cœur de sa mission consiste à rendre justice aux communautés affectées par des atrocités de masse», explique Elisabeth Evenson, qui estime que «les représentants de la CPI devraient veiller à ce que les actions de la Cour aient une résonnance dans ces communautés».
Pour l’organisation, ces défaillances devraient servir à l’avenir des leçons à la CPI. Elle recommande donc au Bureau du procureur de la CPI d'intégrer les enseignements tirés du cas ivoirien dans la politique de sélection et de hiérarchisation des affaires en cours d'élaboration.
Ouvertes depuis 2011, les enquêtes de la CPI sur la Côte d'Ivoire n’ont permis d’inculper que les membres du clan de l’ex président ivoirien Laurent Gbagbo pour les violences qui ont suivi son refus de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara à l’issue de la présidentielle 2010.
Laurent Gbagbo est aujourd’hui détenu à la Haye, aux Pays-Bas. Son procès est prévu pour novembre prochain, alors que l'ancienne Première dame est toujours détenue par la Côte d'Ivoire qui refuse de la transférer à la CPI.
Larissa AGBENOU