Comprendre la portée de l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles sur le dédommagement de cinq métisses Belgo-congolaises

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Les Cinq métisses dédommagées par la justice Belge (DR-Le Soir)

Bruxelles  (© 2024 Afriquinfos)- L’État belge a été condamné lundi à verser des réparations (50 000 euros chacune), à cinq femmes métisses qui ont été éloignées de force de leur famille. L’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles, une première, est « historique« , a salué l’avocat des cinq plaignantes, aujourd’hui septuagénaires. Ces dernières avaient été placées dans un orphelinat il y a 70 ans selon une pratique qui, selon les juges belges, constituait un « crime contre l’humanité » conformément au droit international applicable en 1946, après la Seconde Guerre mondiale.

La cour d’appel a relevé que les cinq femmes avaient été « enlevées à leurs mères respectives, sans l’accord de celles-ci, avant l’âge de sept ans, par l’État belge en exécution d’un plan de recherche et d’enlèvement systématique » ciblant les enfants métis « uniquement en raison de leurs origines« .

« Leur enlèvement est un acte inhumain et de persécution constitutif d’un crime contre l’humanité en vertu des principes de droit international reconnus par le Statut du Tribunal de Nuremberg, intégrés dans le droit international », est-il souligné. L’arrêt cite une résolution de l’ONU confirmant ces principes de droit adoptée en décembre 1946.

L’ancien pouvoir colonial au Congo (l’actuelle RDC) a été reconnu coupable d’enlèvement à leurs mères et le placement forcé de cinq fillettes métisses avant l’indépendance de 1960.Pendant la période coloniale, des milliers d’enfants nés d’un père belge et d’une mère congolaise ont été arrachés à leurs familles. Cinq d’entre eux ont assigné l’État belge en justice. La cour d’appel de Bruxelles vient de leur donner raison : ces enlèvements, qui relèvent d’une politique raciste, constituent un “crime contre l’humanité”.

Les cinq femmes nées entre 1946 et 1950, de père belge et de mère congolaise sont auditionnées dans le cadre de la plainte qu’elles avaient déposée contre l’État belge pour enlèvement et placement forcé, à Bruxelles, le 14 octobre 2021.

« On a gagné, c’est une victoire totale« , a réagi auprès de l’AFP Michèle Hirsch, l’avocate de ces cinq femmes désormais septuagénaires.

« C’est la première fois qu’un État colonial, la Belgique en l’occurrence, est condamné pour un crime commis durant la colonisation qualifié de crime contre l’humanité et dès lors non prescrit« , a expliqué l’avocate.

Ce procès a été le premier en Belgique à mettre en lumière le sort réservé aux métis nés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi). La plupart d’entre eux n’étaient pas reconnus par leur père, et ne devaient se mêler ni aux Blancs, ni aux Africains.

Les cinq plaignantes : Simone Ngalula, Monique Bitu Bingi, Léa Tavares Mujinga, Noëlle Verbeken et Marie-José Loshi  ont été retirées de force à leurs familles  maternelles à l’âge de deux, trois ou quatre ans, pour être placées dans des institutions généralement gérées par l’Église catholique, où elles disent avoir été victimes de mauvais traitements.

L’une des plaignantes, Simone Ngalula, conduite à l’âge de deux ans avec sa fratrie dans un couvent, parce que sa mère, veuve, avait été jugée incapable de s’en occuper, a estimé que cet arrêt lui rendait enfin sa « dignité ».

Une victoire après un long combat

« Parce qu’à nos âges, va-t-on revenir à l’enfance pour recommencer la vie ? Non », a expliqué à l’AFP cette Belge de 74 ans. Sa « sœur » d’infortune, Léa Tavares Mujinga, 78 ans, placée dans la même institution qu’elle au Congo, s’est dite heureuse d’être « arrivée au bout d’un long combat« .

Selon leur défense, la pratique du placement forcé relevait de « la politique de ségrégation raciale et de rapts instaurée par l’État colonial » belge, et a privé ces enfants de leur identité. « Leur quête d’identité est encore à ce jour empêchée« , avait affirmé à l’audience en septembre Me Hirsch.

En 2019, le gouvernement belge avait reconnu la « ségrégation ciblée » subie par ces métis des ex-colonies, et déploré des « pertes d’identité » avec la séparation des fratries, y compris au moment des rapatriements en Belgique après l’indépendance du Congo.

Pour les plaignantes, ces excuses n’étaient pas suffisantes et devaient être suivies d’indemnisations. Dans leur requête, elles déploraient que « la loi de réparation tant attendue par les victimes n’ait jamais vu le jour ».

L’État belge a été le pouvoir colonial au Congo pendant un demi-siècle (1908-1960), après une première période d’occupation (1885-1908) durant laquelle le roi Léopold II avait fait de cet immense pays d’Afrique centrale sa propriété personnelle.

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