Le FESTICAB est à sa 5ème édition. Quel est votre constant sur l’évolution du cinéma au Burundi ?
Nous constatons un engouement certain des jeunes au 7ème art. Sur le plan quantitatif, les productions croissent d’année en année et sur le plan qualitatif les jeunes talents s’améliorent grâce aux différents ateliers de formation que nous organisons chaque année sur l’écriture, la réalisation, les techniques de prises de vues et de son, etc. Et les sujets traités sont très variés. Il nous apparaît évident que les problèmes nationaux actuels préoccupent aussi les jeunes créateurs : la bonne gouvernance, les droits de la personne humaine, les droits des enfants, la promotion du genre, la protection de l’environnement, le SIDA, etc .
Vous dites que le cinéma est un art. Est-ce que les Burundais ont-ils déjà compris que cela peut faire vivre ? Quels sont les principaux problèmes rencontrés par les cinéastes au Burundi ? Est-ce que les pouvoirs publics ou la loi favorise-t-elle la promotion du cinéma ?
Pour la plupart des Burundais, le cinéma n’est pas une tradition de chez nous. De manière générale, les Burundais ne croient pas que l’art peut faire vivre. Pour certains même, l’artiste est traité de manière péjorative comme quelqu’un qui a embrassé une carrière sans issus. Et pour preuve, le domaine artistique le plus vu au Burundi est le celui de la musique. La plupart des musiciens mènent une vie difficile et survivent tant bien que mal.
Quant aux problèmes rencontrés dans notre métier, les principaux sont liés au manque de formations adéquates, de fonds d’encouragement et de production, d’expérience des comédiens (acteurs), d’une loi claire sur la régulation du cinéma, de coopération de la part de certains administratifs quant il faut tourner ou projeter des films dans certains endroits et la fermeture des salles de projections qui limite la diffusion de nos œuvres.
Est-ce que la nouvelle loi sur la presse favorise la promotion cinématographique au Burundi ?
Le FESTICAB et le COPRODAC (Collectif des producteurs pour le développement de l’audiovisuel et du cinéma au Burundi) avions introduit, il y a quelques mois, un plaidoyer auprès des instances compétentes en la matière. Notre plaidoyer n’a pas été considéré dans la nouvelle loi sur la presse. Il y a encore confusion dans la répartition des responsabilités entre le niveau de la création-production qui devrait relever de l’institution ayant la culture dans ses attributions et celui de la diffusion-distribution relevant de l’institution ayant la régulation de la diffusion auprès des radiodiffusions et des publics.
Toutefois, nous sommes heureux de constater qu’une commission spéciale a organisé un atelier sur 3 jours du 21 au 23 mai pour se pencher sur la Politique Nationale et une loi concernant l’Audiovisuel et le Cinéma. Nous osons espérer que les nouveaux textes réglementaires pourront répondre aux attentes des cinéastes burundais.
Qu’en est-il du droit d’auteur au Burundi ?
Il y a bientôt trois ans, l’Office Burundais des Droits d’auteur et des droits voisins (OBDA) a été mis en place avec des bureaux et un personnel. Toutefois, selon les textes créant cet office, ce dernier devrait être doté d’un Conseil d’Administration et d’un budget conséquent pour un fonctionnement efficace. Malheureusement, jusqu’à ce jour, cela n’est pas le cas. D’où les artistes sont encore inquiets de la fonctionnalité de l’OBDA.
Vous avez noué des relations avec la FESPACO (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou). Qu’espérez-vous y trouver comme avantages ?
Les avantages conséquents à la signature de la Convention de jumelage entre le FESPACO et le FESTICAB sont multiples. C’est entre autres la visibilité du FESTICAB aux différentes éditions du FESPACO, en tant que partenaire, invitation des hommes et femmes de la culture et d’un représentant du FESTICAB aux éditions du FESPACO et la prise en compte des œuvres cinématographiques du Burundi et invitation des jeunes sélectionnés en compétition. C’est aussi le renforcement des capacités soit au Burundi soit au Burkina Faso avec des professionnels sélectionnés par le FESPACO et inclusion du FESTICAB dans le réseau des professionnels partenaires du FESPACO.
Que faire pour développer le secteur cinématographique au Burundi ?
Dans la perspective de la migration numérique de la radiodiffusion télévisuelle, le Gouvernement du Burundi devrait mettre en place une loi et une réglementation du cinéma privilégiant la créativité et la productivité des contenus authentiquement burundais. Bientôt grâce à la fibre optique en effet, le Burundi devra imposer un quota de programmes et de contenus burundais par rapport aux programmes et contenus étrangers.
Bien sûr, le cinéma burundais est certes embryonnaire, mais sa capacité à se développer rapidement est évidente au vu de l’engouement des jeunes aux différents métiers qu’il englobe. Le développement du cinéma crée de nouveaux emplois et lutte contre la pauvreté.
Le cinéma est reconnu mondialement comme un secteur industriel culturel porteur et déterminant pour l’accroissement économique et touristique des pays qui ont compris la nécessité de s’y investir. A cet effet, le Burundi a intérêt à être proactif en mettant en place un Fonds de soutien au cinéma.