Yaoundé (© Afriquinfos 2017) – Des organisations non-gouvernementales locales accusent le Gouvernement, l’armée et la justice d’être responsables de plusieurs cas de violations des droits de l’Homme.
«Quand un ministre dit qu’on a coupé la connexion internet sciemment dans les régions anglophones du Cameroun parce qu’on ne veut pas laisser les gens communiquer, mais ce n’est clair que, ce ministre est en train de violer le droit à la liberté d’expression de ces Camerounais», dénonce Cyrille Rolande Bechon, Directrice exécutive de l’ONG «Nouveaux droits de l’Homme» (NDH).
C’était au cours d’une rencontre avec la presse à Yaoundé, la capitale camerounaise. Elle a ajouté que: «Quand on décide de relâcher une vingtaine de personnes interpellées dans les régions anglophones, ça veut dire qu’on admet qu’on a arrêté massivement des gens. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas montré le registre des interpellés pour comparer avec le nombre des personnes remises en liberté? Dans un État de droit, dans un pays sérieux, les choses ne se passent pas comme ça»!
D’autres ONG déplorent que la lutte contre le terrorisme fait prospérer des exactions au sein de l’armée. «Si je me retrouve en train de faire des communications du genre avec les militaires, c’est parce que le malaise est profond. Dans l’extrême nord du Cameroun, il y a tous les jours des exactions dans les villages, lors des ratissages menés par les éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir), une unité d’élite qui combat la secte Boko Haram», a expliqué Maximilienne Ngo Mbe, Directrice exécutive du réseau des défenseurs des droits de l’homme en Afrique centrale (REDHAC). «C’est le REDHAC qui avait dénoncé les ratissages des villages comme Doublé et il y avait eu 130 morts.
Le gouvernement avait reconnu 25 morts. Les noms n’ont jamais été publiés, donc l’impunité reste. Il faut cependant reconnaître que depuis que nous avons essayé de documenter ces cas-là, l’armée a fait plus attention», a-t-elle indiqué. Ces accusations sont étayées par le cas (un cas parmi tant d’autres) de jeunes élèves de la ville de Limbe.
Afuh Nivelle Nfor Azah Levis Gob (21 ans) et Fumosoh Ivo Fumosoh (27 ans) – ont été condamnés en novembre 2016 à 10 ans de prison pour avoir partagé un SMS de plaisanterie en rapport avec la secte Boko Haram. « Boko Haram recrute des jeunes de 14 ans et plus. Conditions de recrutement: avoir validé 4 matières et la religion au baccalauréat». Alors que «Boko Haram » est un jargon utilisé par les élèves pour signifier un effort au travail pour décrocher un bon emploi.
Violations en crescendo et en toute impunité
Face à ces dénonciations, le Gouvernement se défend et rejette toutes les accusations. Mais la discordance est totale entre les autorités et les ONG sur le respect des droits de l’Homme et la lutte contre le terrorisme.
Cette situation ne pourrait que rendre difficiles les rapports parfois (déjà tendus) entre les pouvoirs publics et ces associations. «C’est une activité de haut risque au Cameroun. Ce n’est pas facile d’aborder le travail de défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun, dans un contexte de terrorisme. J’ajouterai dans un contexte d’État de non droit. Tous les États luttent contre le terrorisme et protègent d’abord leurs populations. Au Cameroun malheureusement, les défenseurs des droits de l’Homme sont considérés comme des opposants, des vendus», met en relief Alice Nkom, avocate et très active dans la défense des droits de l’Homme.
ANANI GALLEY & INNOCENTE NICE