Cameroun : Une hausse des prix du carburant envisagée fait des vagues et provoque une spéculation commerciale

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Projetée depuis 2011, la décision du pouvoir de Yaoundé a été confirmée lors de concertations menées le 24 juillet à Yaoundé par le Premier ministre Philemon Yang avec les partenaires sociaux. Aucune indication officielle n'est encore donnée sur les nouveaux tarifs à appliquer, mais des sources gouvernementales annoncent une hausse du prix du litre d'essence super surtout de 569 francs CFA (1,13 USD) à 800 (1,6 USD) voire 850 francs (1,7 USD).

Les prix actuels dont les 569 francs du litre d'essence super principalement dans la capitale Yaoundé et la métropole économique Douala (ils sont un peu plus élevés dans d'autres localités du pays) sont maintenus depuis 2008, année où les pouvoirs publics camerounais avaient été contraints de renoncer à une légère augmentation de 15 francs (0,03 USD) qui avait engendré des émeutes violentes vite baptisées « grève de la faim » dans ces deux principales villes du pays.

Jugée « inéluctable » par le chef du gouvernement, la hausse prévue est aujourd'hui justifiée par « la subvention (qui) devient de plus en plus élevée et de moins en moins tenable sur le plan budgétaire », selon les propos du directeur technique de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH, organisme étatique), Boniface Ze, lors d'une conférence publique en marge de la quatrième édition du Salon international de l'entreprise ( Promote 2011), en décembre 2011 à Yaoundé.

Par le biais du directeur général de la CSPH en personne, Ibrahim Talba Mala, le gouvernement camerounais s'était pourtant fendu d'un communiqué de presse à la suite de cette conférence conjointe avec la Société nationale de raffinage (SONARA), pour tenter de rassurer la population en affirmant qu'« une augmentation des prix du carburant n'est pas à l'ordre du jour ».

« Entre les années 2000 et 2010, les subventions de l'Etat pour les carburants n'ont cessé de croître. Ainsi, au seul titre de l'exercice 2011, le niveau de subventions devrait se situer au- delà de 300 milliards de francs CFA, alors qu'en 2009 ce n'était que 21 milliards. Parce que les prix ont été maintenus à la pompe », avait expliqué Ze.

Alors que le pays n'est plus sous programme avec les deux institutions, le pouvoir camerounais, au motif qu'elles « privilégient avant tout les riches et ne protègent pas efficacement les revenus de ceux qui souffrent le plus des fluctuations des prix ni les revenus des plus pauvres », est pressé par la Banque mondiale et le FMI de supprimer ces subventions établies à 400 milliards de francs CFA en 2012.

Après près de vingt ans d'ajustement structurel, le Cameroun a atteint en 2006 le point d'achèvement de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) à laquelle il avait été admis par la Banque mondiale dans l'optique, comme avantage majeur de cette mesure appliquée au profit d'autres pays africains, de l' allègement de sa dette multilatérale et bilatérale avec ses partenaires au développement.

C'est un producteur modeste de pétrole dont la production est estimée à quelque 80.000 barils par jour, selon les statistiques officielles fin 2011. De type lourd, ce brut est essentiellement exploité à destination du marché de l'exportation, explique-t-on à la SONARA qui, limitée par une raffinerie ne lui permettant pas de traiter un tel produit, s'approvisionne finalement à 90% de sa matière première constituée de brut léger auprès de pays voisins ( Nigeria et Guinée équatoriale).

La consommation locale est déclarée à un million de tonnes par an, des besoins qui pourraient normalement être comblés entièrement par la SONARA dont les capacités de production étaient de 2,1 millions de tonnes par an avant la mise en route d'un programme de modernisation de ses équipements avec en bonne place l'acquisition d'un hydrocraqueur devant permettre de raffiner le brut camerounais.

Selon le calendrier officiel, ce projet devrait être opérationnel depuis juin, mais aucune information n'est communiquée à ce sujet. Il est censé permettre d'accroître les capacités de production de l'entreprise jusqu'à 3,5 millions de tonnes par an, voire 4 millions de tonnes.

Du fait d'une libéralisation du secteur aval opérée en 1998 en réponse à une exigence de la Banque mondiale ayant imposé une ouverture de 20% du marché d'approvisionnement, la SONARA, qui avait au départ pour mission de satisfaire en priorité le marché camerounais, a aujourd'hui l'obligation de fournir ce marché à hauteur de 80% de la consommation nationale.

A en croire son directeur de la communication, Blasius Ngome, en décembre 2011, « la SONARA produit suffisamment de pétrole et tout le reste pour pouvoir satisfaire en totalité les besoins du marché camerounais. Ce sont les excédents qui sont exportés vers les Etats-Unis, la France, la côte ouest-africaine, la zone CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale à laquelle le Cameroun fait partie, ndlr) et j'en passe ».

Depuis l'annonce de la hausse des prix du carburant réaffirmée mercredi par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona, lors d'une rencontre avec les syndicats des travailleurs, une psychose s'est emparée de la population camerounaise, qui dit redouter une répercussion sur le coût de la vie déjà élevé.

Des voix se font entendre pour s'insurger contre cette mesure jugée inopportune dans un pays producteur de pétrole. « Ce serait l'asphyxie des masses laborieuses dont les revenus n'ont pas connu de véritable hausse depuis la double baisse drastique des salaires au Cameroun en 1994 (au lendemain de la dévaluation du franc CFA, ndlr) », a averti Jean-Marc Bikoko, président de la Confédération syndicale su secteur privé.

Une spéculation commerciale a vite fait jour. Dans les marchés, beaucoup de commerçants ont dissimulé leurs stocks de marchandises, en l'occurrence les produits de première nécessité, espérant tirer profit de la mesure attendue en augmentant à leur tour les prix dans leurs secteurs d'activités. Même les opérateurs des transports en commun se préparent par un relèvement des tarifs.