Avec une population estimée à 20 millions d'habitants, le Cameroun affiche des indicateurs de santé en stagnation ou en régression depuis 1990, à quelques exceptions près dont la vaccination par exemple, d'après les analyses selon lesquelles la malaria, endémique, constitue la première cause de morbidité dans ce pays d'Afrique centrale, alors que les taux de séropositivité au VIH sont relativement élevés, avec une moyenne nationale de 4,8% en 2012.
Une étude de la Banque mondiale a identifié trois aspects de la gouvernance qui font obstacle à de bonnes performances, comprenant des paiements officieux ou les dessous de table qui font peser une charge disproportionnée sur les patients pauvres, puis des pratiques de passation des marchés irrégulières, la vente de médicaments illicite, la surfacturation qui se traduit par des prix plus élevés pour les patients.
S'y ajoute, une focalisation excessive sur les contrôles et le manque de transparence dans la gestion des ressources humaines combinée à des salaires extrêmement bas.
Or, d'après les responsables de la Banque mondiale, le pays consacre près de 60 USD par an et par habitant dans les dépenses publiques et privées pour la santé, contre 10 USD en moyenne des pays africains. Ce qui, d'après ceux-ci, démontre qu'il ne tire pas le meilleur de ses investissements dans le domaine.
Lancé en 2011 dans la région du Littoral dont Douala, la métropole économique camerounaise est le chef-lieu, puis étendu cette année dans les régions du Sud-ouest, du Nord-Ouest et de l'Est, le projet de financement basé sur les résultats dans le secteur de la santé vise à "fournir des soins en quantité et en qualité aux populations".
De l'avis du président du comité de pilotage du projet, Emmanuel Maina Djouldé, chef de la division de la coopération au ministère camerounais de la Santé publique, cette stratégie de promotion et d'accélération de la performance constitue "une approche qui est susceptible de modifier subtilement mais très efficacement notre mode d'organisation, de gestion et surtout notre attachement aux résultats produits plutôt qu'au processus de production de ces résultats".
Car, a-t-il admis à Xinhua en marge d'un forum dédié à ce projet jeudi à Yaoundé, "ce processus est souvent très coûteux et vain dans la mesure où dans beaucoup de cas il n'aboutit pas à des résultats concrets". Il n'est pas, en effet, rare de voir un patient se heurter à la difficulté d'avoir accès un médecin spécialiste et à des soins sans monnayage y compris dans les formations sanitaires dites de référence de Yaoundé, la capitale camerounaise.
Comme dans d'autres secteurs de l'administration nationale, le racket a fait son lit dans ce secteur vital, au grand dam des populations qui, déjà, croulent sous le poids de la vie chère. Dans son allocution à l'ouverture du forum, le secrétaire d'Etat à la Santé publique chargé de la lutte contre les endémies, Alim Hayatou, a reconnu un environnement de corruption qui entraîne une inadéquation entre les moyens mis et les résultats.
Sur une superficie de 474.440 km2, le Cameroun compte environ 2. 500 formations sanitaires publiques comprenant des hôpitaux de référence, des districts de santé et des centres médicaux d'arrondissement. Parmi ces structures, 78 sont concernées par la phase pilote du projet de financement basé sur les résultats dans le Littoral, 70 dans le Sud-ouest, 54 dans le Nord-ouest et 99 dans l'Est.
A en croire Gaston Sorgho, responsable du secteur du développement humain pour l'Afrique centrale de la Banque mondiale, "après un an, nous faisons le constat que l'accès aux services de santé s'est agrandi, les centres qui sont sous contrat du financement basé sur les résultats ont une fréquentation qui est presque le double de ce qu'ils connaissaient il y a un an".
En outre, poursuit-il, "la qualité du service s'est considérablement améliorée, alors qu'au début la plupart des centres de santé avaient une qualité de moins de 35% par rapport aux critères et aux normes établis. Aujourd'hui, la plupart sont au-delà que 50%. Les clients attestent qu'effectivement ils sont beaucoup plus à l'aise dans les conditions de travail, dans la manière dont ils sont traités".
Flatté par les résultats obtenus, Maina Djouldé renchérit : "En effet, dans les formations sanitaires éligibles nous avons constaté qu'il y a une effective implication de tout le personnel à la gestion, une définition claire des tâches, une planification très lisible des résultats auxquels on veut parvenir et il y a une gestion participative en incluant même d'abord la communauté".
Au plan spécifique, il est fait état d'un "changement très visible et très concret" dans la prise en charge de la santé de la mère et de l'enfant, concernant notamment la vaccination, le suivi de la grossesse, l'accouchement, l'allaitement maternel et le suivi de l'ensemble des maladies de l'enfant. Même constat au sujet des maladies infectieuses et des grandes endémies telles le VIH/SIDA.
Selon Sorgho, l'objectif est d'étendre l'expérience dans l'ensemble du territoire camerounais et de "créer une nouvelle culture de travailler dans le secteur de la santé, qui va effectivement réduire considérablement les déviations que nous connaissons en matière de gouvernance, en matière de traitement des patients et en matière d'hygiène et de salubrité dans les services de santé".
C'est un projet mis en oeuvre dans une douzaine de pays africains. "Il y en a, a-t-il expliqué, qui sont déjà passés à l'échelle nationale. C'est le cas du Rwanda, du Burundi. Bien d' autres pays ont des expériences relativement avancées comme la RDC. Le Cameroun fait des progrès réels qui sont de plus en plus étudiés par d'autres pays qui sont venus voir notre expérience".
Le déblocage du financement de 25 millions USD matérialisé par un accord conclu entre le Cameroun et la Banque mondiale en 2008 puis révisé en 2011 s'étale sur les quatre ans de la durée du projet.