Bujumbura (© Afriquinfos 2018)- Depuis le 12 décembre 2017, lorsque le président Pierre Nkurunziza a annoncé l’organisation du référendum, des agents de l’État et des membres des Imbonerakure – « ceux qui voient de loin » en kirundi, la langue prédominante au Burundi – ont eu recours à des tactiques d’intimidation et à la répression pour s’assurer que le résultat du vote soit favorable à Nkurunziza. Le référendum permettrait à ce dernier, qui effectue déjà un troisième mandat controversé à la tête du pays, de se maintenir au pouvoir jusqu’à 2034.
« Il n’y a guère de doute que le référendum qui s’annonce sera accompagné de nouveaux abus », a déclaré Ida Sawyer, directrice pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Des responsables burundais et les Imbonerakure commettent des violences avec une impunité quasi totale afin de permettre à Nkurunziza de renforcer son emprise sur le pouvoir. »
Human Rights Watch a confirmé 19 cas d’abus commis depuis le 12 décembre, visant tous apparemment à faire pression sur les Burundais pour qu’ils votent ‘oui’ au référendum. Parmi ces abus, figurent le passage à tabac ayant entraîné la mort d’un homme qui n’avait pas pu produire un récépissé attestant qu’il s’était fait inscrire en vue du vote, le passage à tabac d’une autre personne en détention qui aurait entraîné sa mort, ainsi que les arrestations, les passages à tabac et mauvais traitements de beaucoup d’autres. La plupart de ces personnes étaient membres du parti politique d’opposition, les Forces nationales de libération (FNL).
L’ampleur véritable de cette vague d’abus est très probablement beaucoup plus grande. Plusieurs sources dignes de foi ont affirmé à Human Rights Watch que les abus de ce genre étaient monnaie courante dans tout le pays. Des médias ont fait état de tendances similaires. Le 18 janvier, une coalition politique connue sous le nom d’Amizero y’Abarundi (« l’Espoir des Burundais»), composée pour une large part de membres des FNL, a annoncé que 42 de ses membres avaient été arrêtés arbitrairement depuis le 12 décembre.
Mais il est devenu plus difficile de confirmer les détails des abus commis dans le climat de peur qui s’est emparé du pays. Depuis 2015, lorsque la crise actuelle a éclaté à la suite de l’annonce par le président Nkurunziza de son intention de briguer un troisième mandat controversé, les médias indépendants et les organisations non gouvernementales du Burundi, traditionnellement dynamiques, ont été décimés, et plus de 397 000 personnes ont fui le pays.
Les nouveaux constats dressés par Human Rights Watch sont basés sur des entretiens effectués en février et mars avec plus de 30 victimes, témoins et autres, qui ont décrit toute une gamme d’abus commis dans sept des 18 provinces du Burundi.
Selon le code électoral burundais, la campagne en vue du référendum commence 16 jours avant la date du vote. Le gouvernement a clairement indiqué qu’il repèrerait et punirait quiconque serait perçu comme faisant campagne contre le référendum. Dans un discours prononcé le 12 décembre, Nkurunziza a averti que les individus qui oseraient « saboter » le projet de révision de la constitution « par la parole ou par l’action » seraient considérés comme ayant franchi une « ligne rouge. »
Le 13 février, le porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Pierre Nkurikiye, a déclaré publiquement, faisant référence aux individus arrêtés pour avoir prétendument encouragé d’autres personnes à ne pas se faire inscrire en vue du vote: « C’est un avertissement, une mise en garde contre toute personne qui par son action ou son verbe est en train d’entraver ce processus… il sera immédiatement appréhendé par la police et traduit devant la justice. »