En avril dernier,les députés du Conseil national de transition (CNT), avaient voté un nouveau code électoral rendant «inéligibles» les personnes ayant « soutenu un changement inconstitutionnel portant atteinte au principe de l’alternance politique ». Cette disposition faisait ainsi référence à la tentative de révision de l’article 37 de la Constitution d’octobre 2014, visant à maintenir M. Compaoré au pouvoir, tentative qui avait finalement provoqué sa chute suite à un soulèvement populaire.
A la suite de cette nouvelle disposition, sept partis politiques de l’ancienne majorité du régime de Blaise Compaoré avaient déposé un recours auprès de la Cour de justice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), estimant que leurs droits étaient violés. Et ce lundi, la cour leur donne raison.
Selon l’institution panafricaine qui s’appuie sur la législation internationale, le Conseil national de Transition s’était rendu coupable d’une «violation flagrante des droits de l’homme, des libertés d’opinion, y compris politique, notamment la liberté de participer aux élections et d’être élu ».
Dans son arrêt, la Cour dénonce le caractère ambigu des critères de l’exclusion et l’application expéditive et massive qui en est fait. «Interdire de candidature toute organisation ou personne ayant été politiquement proche du régime défait, mais n’ayant commis aucune infraction particulière, revient, pour la Cour, à instituer une sorte de délit d’opinion qui est évidemment inacceptable», informe le texte.
Pour la Cour de la CEDEAO, «il ne fait aucun doute que l’exclusion d’un certain nombre de formations politiques et de citoyens, de la compétition électorale qui se prépare, relève d‘une discrimination difficilement justifiable en droit».
La Cour ordonne donc au Burkina Faso «de lever les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification» pour rétablir dans leurs droits «les formations politiques et les citoyens burkinabè qui ne peuvent se présenter aux élections du fait de la modification de la loi électorale». Une décision qui naturellement réjouit les plaignants à l’exemple de Léonce Koné, deuxième vice-président de l'ex-parti présidentiel (CDP) et candidat aux prochaines législatives. «Nous ne pouvons qu’être satisfaits de voir que le droit est reconnu, au niveau communautaire, en Afrique de l’Ouest, et que les autorités burkinabè, comme nous l’espérons, en tirent toutes les conséquences. Nos partis et leurs militants pourront se présenter aux élections sans aucune exclusion. C’est cela la voix de la réconciliation ; c’est cela la voix du droit, c’est cela le respect de la Constitution», a-t il laissé entendre sur RFI.
Mais l’arrêt reste flou sur un aspect de la question. Dans le texte, la Cour de justice de la CEDEAO note que «la sanction du changement anticonstitutionnel de gouvernement vise des régimes, des Etats, éventuellement leurs dirigeants, mais ne saurait concerner les droits des citoyens ordinaires ». La référence aux« dirigeants » sème néanmoins une confusion sur la qualité des personnes pouvant être empêchées de prendre part aux scrutins.
En attendant, le Burkina ne peut que se soumettre aux décisions de la justice régionale, l’arrêt de la Cour étant définitif et sans appel.
Larissa AGBENOU