Plusieurs sources concordantes, orales comme écrites, tentent d'expliquer les causes de l'infanticide rituel au Bénin. Mais la cause principale prédominante qu'on retrouve dans toutes les coutumes béninoises, du nord au sud, est incontestablement celle des malformations congénitales, notamment les cas d'imperforation anale, de fistule ano-vaginale, d'hydrocéphalie, de spina bifida, de bec de lièvre avec ou sans palatine, de cécité congénitale, d'absence totale ou partielle d'un membre de l'enfant à la naissance.
Selon le professeur Léon Bio Bigou, enseignant chercheur à l'Université d'Abomey Calavi du Bénin, au-delà de ces causes générales, il existe d'autres causes particulières propres à certains groupes socioculturels.
"En milieu Baatonou et chez d'autres peuples de la région septentrionale du Bénin partageant certains traits culturels communs avec les Baatombu, il existe d'autres critères d'élimination physique des enfants", a-t-il expliqué.
A cet effet, les enfants nés prématurément, surtout autour du huitième mois, tout nouveau né qui présente à sa naissance la face contre la terre, ceux qui ne crient pas à la naissance, tout enfant qui naît avec une queue et ceux qui sortent du sein maternel par les pieds sont considérés comme enfants anormaux, a-t-il poursuivi.
"Même si l'enfant passe normalement ces étapes, il connaîtra le même sort qu'un enfant anormal s'il commence la première dentition par la mâchoire supérieure", a-t-il ajouté.
"Tout enfant présentant l'un de ces signes était d'office qualifié d'enfant sorcier. C'est un signe de mauvais augure. Et pour l'un ou l'autre de ces critères, il était liquidé", a-t-il déploré.
Il a également révélé que "dès que l'enfant naît de manière anormale, la matrone prend ses jambes au cou et s'enfuit ainsi que la mère, toutes les deux laissant le nouveau-né à même le sol jusqu'à l'arrivée du bourreau qui le tuera. Avant de s'enfuir, la matrone prend un tronc d'arbre pour barricader les portes pour empêcher l'enfant sorcier, muni de forces occultes de s'enfuir.
Celle-ci avertit le chef de la collectivité qui va chercher les tueurs. Les bourreaux, une fois sur les lieux, ouvrent la porte et emportent le bébé vers une destination d'où il ne reviendra plus jamais. Là-bas, le corps du petit être inoffensif est fracassé contre un arbre. D'autres l'enterrent. C'est après cet acte que les bourreaux reviennent au village en libérateurs pour recevoir leurs récompenses. Elles varient d'une région à une autre.
Généralement, c'est un pagne noir, une chèvre noire et tout ce qui avait été préparé pour le bébé même le bois de chauffage et une forte somme d'argent.
Pour le ociologue-annthropologue de l'Université d'Abomey-Calavi du Bénin, le professeur Albert Tingbé Azalou, l'infanticide rituel est pratiquée dans un souci de préservation de la paix, de la quiétude fondée sur la superstition.
"Des informations recueillies après des années de recherches auprès d'une centaine de personnes censées reconnues pour cette pratique me répondent que le bébé-sorcier apporte toujours le malheur avec lui. Dès sa naissance, voici que la grand-maman meurt. Ensuite, c'est un oncle qui tombe d'un arbre et se fracture la jambe. Presque le même jour, c'est le père de l'enfant qui se fait piquer par un serpent en revenant du champ. Tous ces accidents sont attribués à celui qui vient de faire son entrée dans la famille. La cause de tant de malheurs ne peut être que le nouveau-né, le bébé sorcier. Ce n'est pas un être normal", a-t-il révélé.
Depuis 1979, un prêtre catholique, le Révérend Père Pierre Bio-Sanou, aumônier de l'hôpital de Tanguiéta (environ 580 kilomètres au nord de Cotonou), lui-même un Baatonou, s'est lancé dans une bataille solidaire contre l'infanticide rituel dans la région septentrionale du Bénin. Il créa l'Association "Espoir de lutte contre l'infanticide" pour porter le débat sur la place publique, à travers les conférences débats média interposés, des séances de sensibilisation dans les écoles, dans les cultes et dans certaines familles .
Ainsi, grâce aux sensibilisations menées par l'Association "Espoir de lutte contre l'infanticide", certaines familles ne tuent plus les enfants mais les abandonnent à la maternité ou les confient à l'infirmière Elisabeth, une nièce du père Sanou, engagée aussi dans la lutte contre l'infanticide.
C'est ainsi que le père Sanou a récupéré de 1979 à nos jours plusieurs centaines d'enfants qu'il a réussi à placer certains dans des familles adoptives en France.
Une responsable du ministère béninois de la Famille a révélé sous le couvert d'anonymat que, bien que l'infanticide soit un acte puni par les lois en vigueur en République du Bénin, les preuves de l'infanticide rituel pratiquée au Bénin sont difficiles à réunir.
"Très souvent, l'infanticide a lieu dans la discrétion. C'est un secret familial et il nous est difficile voire impossible de réunir les preuves, surtout quand l'enfant est étouffé", a-t-elle regretté.