Algérie/législatives : Fin de la campagne électorale sur fond de l’émergence des islamistes

Afriquinfos Editeur
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Cette campagne s'est essentiellement déroulée sur fond de crise interne ayant affecté certaines "grandes" formations politiques, dont le Front de libération nationale (FLN), actuel parti majoritaire au parlement. Parallèlement à la crise qui a secoué le doyen des partis en Algérie, il y a lieu de retenir l'ascension des partis islamistes qui aspirent triompher lors des prochaines élections, à l’image de leurs "frères" en Tunisie, au Maroc et en Egypte.

                                                                        EMERGENCE DES ISLAMISTES

Le FLN a mené campagne dans un climat de crise interne où les détracteurs de l'actuel secrétaire général du parti, Abdelaziz Belkhadem, ont réclamé son départ. Ils l'ont accusé d’avoir "marginalisé" des membres du parti de se porter candidats à la législature.

Se défendant par rapport à de telles accusations, M. Belkhadem renie l'existence d'une crise au sein de son parti. "Le parti ne traverse pas de crise. Un groupe de cadres qui n'ont pas pu se porter candidats ont exprimé leur mécontent", a-t-il déclaré à Xinhua.

  Se disant "confiant" quant aux résultats que son parti obtiendra lors des prochaines élections, M. Belkhadem a déclaré qu'il démissionnerait de son poste de SG du FLN au cas où le parti perd sa première place dans le futur parlement". Pourtant, cette crise laisse présager un impact, même mineur, sur la performance du FLN lors des élections législatives du 10 mai en Algérie.

 "Le FLN restera le parti dominant dans le futur parlement, mais pourrait fort probablement ne pas garder la majorité des sièges", prédit l'analyste politique Hamid Ghomrassa, dans une interview à Xinhua, ajoutant que "les pronostics disent que la coalition des trois partis islamistes, appelé l'Alliance de l'Algérie verte, occupera la seconde place au parlement". En fait, les partis islamistes sont considérés comme une force émergente en mesure de tirer profit de la crise ayant frappé le FLN pour obtenir davantage de sièges dans le futur parlement. Dans cette perspective, trois partis de mouvance islamiste, à savoir le Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), Ennahda et El Islah, ont décidé de former l'Alliance de l'Algérie verte, et entrer en campagne avec des listes communes et ce dans l’espoir d’augmenter leurs chances de rafler le maximum des sièges. Un autre parti islamiste, à savoir le Front pour la Justice et le Développement (FJD), doit être pris au sérieux, étant donné la popularité dont jouit son chef Abdellah Djaballah, un leader qui s'inscrit dans l'opposition islamiste depuis les années 1970.

                                              CONTROVERSE SUR L'ASSEMBLEE CONSTITUANTE

Les partis d'opposition les plus importants, dont les gauchistes et les islamistes, ont réitéré, au cours de la campagne électorale, leur appel à la mise en place d'une assemblée constituante, qui aura pour mission l'élaboration de la Constitution comme prélude à la naissance de la deuxième République. Une façon, selon eux, de marquer une "rupture" avec la situation de "stagnation" et faire un pas en direction d'un Etat pleinement démocratique. Qualifiant la prochaine assemblée populaire nationale de "constituante",  la première responsable du Parti des Travailleurs (PT, trotskiste), Louisa Hanoune, a souligné que cette assemblée permettra l’avènement de la "deuxième République" et marquera "la rupture définitive avec le système du parti unique".

 La même position est partagée par le Front des Forces socialistes (FFS), le plus ancien parti d'opposition en Algérie. Le premier secrétaire national du parti Ali Laskri a déploré lundi à Médéa (80 km au sud-ouest d'Alger) qu'on revienne à "relancer, cinquante ans après", l'idée d'une assemblée constituante, alors qu’il a suffit d’une année aux Tunisiens pour matérialiser cet objectif. Pour sa part, le parti islamiste du FJD a également appelé à la mise en place d'une assemblée constituante, mais insiste sur le fait que la nouvelle Constitution devrait être inspirée de la charia (loi coranique) plutôt que des lois occidentales.

 Un "projet" qui ne manquera pas de donner matière à débattre dans le prochain parlement, sachant que les partis au pouvoir, dont le FLN et le RND (Rassemblement national démocratique, 2e parti du parlement) ont tous deux exprimé leur rejet à l'adoption d'une Assemblée constituante. "Nous ne sommes pas pour une assemblée constituante. Nous en avons eu une en 1963 (au lendemain de l'indépendance de l'Algérie) et elle a produit la Constitution de 1963", a fait remarquer à Xinhua le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem.

                                       UNE CAMPAGNE SOUS LE SIGNE DE L'INDIFFERENCE POPULAIRE

 Tout au long des trois semaines de campagne, les responsables des 44 partis en lice ont sillonné les 48 wilayas (départements) que compte l'Algérie. Cependant, selon les comptes rendus de la presse locale, nombre de partis n'ont pas pu attirer les foules lors de leurs meetings populaires. Selon le politologue et officier supérieur de l'Armée nationale populaire (ANP) à la retraite, Mohamed Chafik Mesbah, les raisons du désintéressement de la population par rapport à la politique est "le fossé immense qui sépare la société algérienne du pouvoir en place".

 Dans une interview exclusive accordée à Xinhua, le politologue a expliqué que les élections législatives à venir "ne sont qu'un point dans le dispositif des réformes annoncées (par le président algérien Abdelaziz Bouteflika)", lesquelles "ont été dénaturées et dévoyées de l'objectif initial déclaré". Pour cela, estime Mesbah, "il faut s'attendre à un taux d'abstention électorale (…) situé à hauteur de 80%". Interrogé dans la rue par Xinhua, Djamel, un plombier d'une quarantaine d'années a révélé qu'il n'irait pas voter le jour du scrutin, arguant que "par les précédentes élections où il était allé voter, rien n'a pu changer dans son quotidien par la suite".

 Pour lui, toutes les élections sont les mêmes, à partir des élections locales aux élections législatives et présidentielles. Il a raconté qu'en se rendant à la mairie avec un couple de ses voisins pour se plaindre de l'état de détérioration de la route de leur quartier, le président de la localité leur a dit "je ne peux rien faire pour vous (…) vous n'avez pas été forcés de voter sur moi, de toute façon!"

 Cependant, des experts ont fait état d'un phénomène que le désintéressement vis-à-vis de la campagne semble concerner plutôt les jeunes que les personnes âgées. Ammi Abdellah, un citoyen retraité de 75 ans, en est un exemple. "Je suis spécialement venu de Sétif (300 km à l'est d'Alger) où je passe ma retraite, pour venir voter à Alger où je me suis inscrit sur la liste électorale", a raconté M. Abdellah que Xinhua a rencontré dans une place publique à Alger. Il a affirmé n'avoir jamais raté une échéance électorale sans voter.