Cette année, cinq pays de la région représentant 80% de la population de l’Afrique de l’Ouest se rendront aux urnes. Des élections auront lieu dans les pays comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Togo, le Burundi. En 2016, ce sera le tour du Niger, Bénin, Djibouti, Tchad, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, RDC, Cap-vert, Gambie, le Ghana, etc.
Si pour chacun de ces pays et pour l’ensemble du continent, ces scrutins en perspective, sont un défi pour le progrès économique et social,le climat sociopolitique, devient de plus en plus tendu dans certains de ces pays à l’approche des échéances électorales.
A la question de la transparence des scrutins qui a depuis toujours suscité des tensions potentielles, viendra s’ajouter celle de la constitution et des mandats qui constitue l’un des grands problèmes des chefs d’Etat africains voulant se pérenniser au pouvoir.
Au Nigeria
A l’origine, c’était le Nigéria qui devait ouvrir le bal dès le 14 février de cette année 2015 avec les élections présidentielles et parlementaires. Mais la commission électorale nigériane a annoncé le 8 février, qu’en raison des attaques de Boko Haram dans le nord-est et des difficultés logistiques, les élections ont été reportées de six semaines, au 28 mars prochain.
Le président nigérian sortant Goodluk Jonathan a accédé a pouvoir en 2010 après le décès de Umaru Yar’Adua alors qu’il était vice président depuis 2007. Il s’est fait élire en 2011 pour un premier mandat de quatre ans. Beaucoup sont ceux qui s’opposent à sa nouvelle candidature évoquant un principe non écrit de rotation entre les candidats désignés par le PDP (Parti démocratique du peuple), au pouvoir depuis 1999. Les défections de personnalités influentes du PDP se sont par conséquent multipliées ces derniers mois et elles continuent, affaiblissant le camp du président.
La fusion en février 2013 de quatre partis importants de l’opposition dans une grande formation, l’APC (All Progressives Congress, Congrès de tous les progressistes) semble par ailleurs avoir renforcé l’opposition qui a de fortes chances d’être élue.
Les tensions sociales, l’insécurité criarde engendrée par les multiples exactions de la secte islamique Boko Haram depuis 5ans, plongent cette première économie africaine dans un climat politique sombre et incertain.
«Cette élection n'aura pas lieu même si nous sommes morts», a menacé le leader du groupe islamiste dans une vidéo diffusée la semaine dernière sur Twitter.
Au Togo
Au premier trimestre de 2015, le président sortant Faure Gnassingbé, élu dans des circonstances controversées et violentes en 2005 après la mort de son père Eyadèma Gnassingbé, devrait briguer un nouveau mandat. Réélu en 2010, le fils Gnassingbé pourra se porter candidat une troisième fois sans avoir à faire modifier la Constitution en vigueur. Sous sa houlette, le pouvoir togolais n’a pas arrêté de jouer avec la disposition de limitation à deux du nombre de mandats présidentiels successifs. En 2002, une révision constitutionnelle avait non seulement supprimé cette disposition mais elle avait également consacré le principe d’une élection présidentielle à un seul tour.
Malgré les recommandations d’un Accord politique global signé en 2006 et les demandes répétées de l’Opposition à effectuer des reformes, le parti au pouvoir ne semble pas prêt à renoncer aux dispositions actuelles de la Constitution et du Code électoral qui restent très favorables à une tranquille pérennité du régime UNIR. Ce viol constitutionnel auquel s’ajoute l’insuffisante coordination des forces politiques de l’opposition ne militent pas en faveur d’une compétition électorale ouverte, et pouvant déboucher sur une alternance politique réelle, alors que le pays n’en a pas connue depuis 1967.
Au Burkina Faso
Le Burkina Faso a déjà franchi le pas d’une période tendue .La volonté de Blaise Compaoré de modifier la constitution, pour se maintenir au pouvoir après 28ans de règne a périclité son départ fin 2014. Les fortes contestations sociopolitiques qui en ont découlé ont ouvert la voie à une transition civile qui s’accorde le devoir d’organiser des élections libres et transparentes. Sauf changement de dernière minute, la compétition électorale devrait être très ouverte.
Au Burundi
Le président Pierre N’kurunziza, tente depuis peu de modifier la Constitution du pays pour briguer un troisième mandat. La révision constitutionnelle avait échoué au parlement faute de majorité. Mais, à la lecture de la constitution actuelle, le président peut toujours se présenter bien que la question divise encore les juristes. La constitution limite les mandats à deux et dans la suite elle institue le suffrage direct. Cependant, le Burundi contrairement aux autres nations a une constitution issue d’un long consensus après plus d’une décennie de guerre civile entre les hutus et les tutsis et s’inspire largement d’un texte consensuel appelé «Accords d’Arusha».
Côte d’Ivoire
Le peuple ivoirien devrait également au cours du dernier trimestre 2015 choisir celui qui devrait le diriger pour les cinq prochaines années. Arrivé au pouvoir à l’issue d’une élection qui a dégénéré en conflit avec Laurent Gbagbo le président sortant, Alassane Ouattara a pu être élu grâce au soutien franc et massif du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI). Mais pour la prochaine bataille électorale, le soutien de cet allié qui a été très décisif pour la victoire précédente d’Alassane Ouattara n’est pas nécessairement acquis.
Cependant, la faiblesse du Front populaire ivoirien (FPI) secoué récemment par des tensions internes et la détention de son ex-président Laurent Gbagbo à la prison de la Cour pénale internationale pourrait favoriser Alassane Outtara qui a indiqué qu’il serait bien candidat à un second et ultime mandat. Le bilan du président ivoirien en termes de relance de l’économie ivoirienne et des mesures récentes allant dans le sens de l’apaisement et de la réconciliation nationale pourrait également jouer en sa faveur. Mais la récente démission du président du conseil constitutionnel, un juriste jugé très tatillon, en remplacement d’un proche de Ouattara relance le débat dans un pays où les électeurs ont encore à l’esprit le traumatisme postélectoral de 2010-2011.
En Guinée
Arrivé au pouvoir en décembre 2010, Alpha Condé devrait être candidat en 2015 pour un second et dernier mandat. Le président guinéen n’est confronté pour l’heure à aucun obstacle légal mais ses cinq années de règne pourraient être ébranlées face à des rivaux politiques organisés et déterminés.
Congo-Brazzaville
Après deux mandats consécutifs de 7 ans, Denis Sassou N’Guesso âgé de 71 ans ne peut briguer un nouveau mandat en 2015 selon la Constitution du 20 janvier 2002, qui limite à deux le mandat du chef de l’Etat et impose une limite d’âge à 70 ans.
Bénin
C’est en 2016 que les électeurs béninois devraient se rendre aux urnes. Mais l’atmosphère politique est déjà marquée par de fortes tensions à un an des échéances électorales. Après un premier passage en catimini à l’Assemblée Nationale et le tollé général qui s’en est suivi, le projet de révision constitutionnelle est, actuellement, de nouveau, soumis à l’étude des députés.
En RDC
Le président Kabila arrive au terme de son deuxième mandat en 2016. Son gouvernement a adopté en mai dernier un projet de loi pour réviser la Constitution et permettre l’organisation des élections à venir. Une mesure qui a suscité des tensions au sein de la société. Mais pour le gouvernement, cette modification technique est destinée à faire des économies sur l’organisation des scrutins. Le Secrétaire d’Etat John Kerry, lors de son passage en RDC le 4 mai 2014 a été direct. « Je crois que le président Kabila a clairement en tête le fait que les États-Unis sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté », avait-il précisé.
Face aux potentielles menaces liées aux processus électoraux dans certains pays africains. Des analystes politiques et chercheurs se sont réunis le 28 Novembre à Dakarpour discuter des défis spécifiques à la région et évaluer les moyens d’assurer la stabilité et la paix pendant ces moments.
«L’acceptation du verdict des urnes sera un véritable problème dans les différentes élections à venir.
Ainsi, il est crucial que nous réfléchissions dès à présent, et de manière proactive, sur les moyens d’une application ferme des dispositions de la Charte africaine sur les élections, la démocratie et la gouvernance qui demande aux États membres de l’Union africaine (UA), à veiller à ce qu’il y ait un Code de conduite régissant les actions de toutes les parties prenantes du processus politique légalement reconnues, le gouvernement et les autres acteurs politiques, avant, pendant et après les élections. Le Code doit inclure un engagement de la part des acteurs politiques à accepter les résultats des élections ou à ne les contester que par voies légales», a annoncé Mathias HOUNKPE, responsable du programme de gouvernance politique à l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA).
Larissa AGBENOU