Afrique du Sud : Le pays victime de violences xénophobes à outrance

Afriquinfos Editeur 20 Vues
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Le 31 mars dernier, une première poussée de violence dans la province  de Durban avait fait déplacer environ 250 personnes. D’autres situations similaires ont suivi les jours suivants exposant les ressortissants africains en Afrique du Sud aux pillages de leurs marchandises, aux coups et agressions de tous genres.

Sans attendre, le Zimbabwe et le Malawi, deux des principaux pays d’immigration africaine avec le Mozambique et la République démocratique du Congo, ont annoncé le rapatriement de leurs ressortissants qui le désirent.

Des bus ont été affrétés par le Zimbabwe à Durban et le gouvernement du Malawi a annoncé l’arrivée de quatre bus pour ce lundi matin.

Série de réactions

Face à cet état de choses, les réactions se sont multipliées dans le pays . Parmi elles, celle de Winnie Mandela, l’ex-femme de Nelson Mandela qui écrit sur  twitter: « Ce n’est pas la liberté pour laquelle nous nous sommes battus ».

Le ministre de l’Intérieur a , de son côté, tenu à s’adresser « aux pays qui continuent d’investir en Afrique du Sud ». « Nous voulons leur redire que l’Afrique du Sud est une démocratie constitutionnelle régie par l’Etat de droit, les investisseurs sont les bienvenus pour faire des affaires », a-t-il tenté de rassurer.

Vendredi dernier, le Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR) s’est dit « très préoccupé » de la situation.

La veille, le jeudi 16 avril, une grande manifestation avait pourtant  eu lieu à Durban. Des milliers de sud africains sont descendus dans les rues du Durban pour rejeter cette violence contre les étrangers. Manifestation qui a vu la participation de plusieurs ministres.

Le même jour, le président sud-africain Jacob Zuma a lancé un appel au calme et à la fin des violences xénophobes lors d'une allocution solennelle devant le Parlement. « Nous condamnons les violences dans les termes les plus forts. Nous appelons au calme et à l'arrêt des violences », avait-t-il clamé devant les députés. « Aucun niveau de frustration ou de colère ne peut justifier des attaques contre les ressortissants étrangers et le pillage de leur commerces. Notre pays se dresse contre toutes les intolérances: le racisme, la xénophobie, l'homophobie, le sexisme », avait insisté le chef de l’Etat.

Avant lui, c’était son porte parole  Mac Maharaj, qui avait appelé les Sud-Africains à condamner ces violences. « Le président condamne avec fermeté toute violence contre les étrangers, les destructions et les pillages de commerces à Durban. Les étrangers ne vivent pas tous illégalement dans notre pays. De nombreux étrangers ont des papiers en règle et contribuent de façon significative à l'économie et au développement de l'Afrique du Sud, et respectent les lois de ce pays », a-t-il fait savoir.

Des appels qui n’ont pour autant pas réussi à calmer la situation. Samedi ,18avril dernier, de nouvelles violences ont éclaté à Johannesburg faisant un mort. La situation a amené Jacob Zuma à s’impliquer sérieusement. Alors qu’il devait se rendre à un important voyage en  Indonésie pour le 60e anniversaire du sommet des Non-Alignés , le président Zuma a annulé son voyage pour rendre visite aux victimes des violences xénophobes à Alexandra.

« En tant que gouvernement, personne ne vous dit de partir. Ce ne sont pas tous les Sud-Africains qui disent que vous devez partir mais une très petite minorité », a adressé le président sud africain aux 400.000 personnes entassées dans le township d’Alexandra.

Avant d’ajouter : « Même ceux qui veulent rentrer chez eux doivent savoir que quand nous aurons stoppé la violence, ils sont les bienvenus pour revenir », invitant les immigrés à rester sur le sol sud africain.

Un appel que la foule des immigrés a rejeté en bloc : « Trop tard, trop tard !, Rentre chez toi, rentre chez toi ! »,  a-t-elle riposté.

Punir les auteurs des violences

Devant cette critique situation, le gouvernement sud-africain a promis hier dimanche de punir les auteurs des violences.

« Nous envoyons un avertissement sérieux à ceux qui se livrent à des actes de violence publique. Nous vous trouverons et vous aurez à affronter la loi dans toute sa rigueur », a lancé le ministre de l’Intérieur Malusi Gigaba, lors d’une conférence de presse.

Selon un porte-parole de la police provinciale, Lungelo Dlamini, les violences sont désormais surtout l’œuvre  de petits groupes. Selon ce dernier, plus de 30 personnes ont déjà été arrêtées et seront poursuivies pour violences publiques, vol, effractions et destruction volontaire.

En 2008, les violences xénophobes avaient fait 62 morts, dans des affrontements. Depuis, les violences de ce genre sont récurrentes dans ce pays africain , qui recense officiellement environ  deux millions d’émigrants africains sans compter les sans papiers. 

Depuis, la situation s'est sensiblement apaisée, mais des incidents n'ont pas véritablement cessé dans les townships, visant surtout des bangladais, des somaliens et des éthiopiens, dont les magasins sont régulièrement pillés.

Selon les observateurs, ces violences sont la conséquence des frustrations accumulées par la majorité pauvre du pays, à qui Nelson Mandela avait promis « une vie meilleure » à la chute du régime ségrégationniste d’apartheid en 1994,  majorité qui depuis, croupit toujours sous le poids de la misère.

 P. AMAH