Violences post-électorales au Kénya: la CPI confirme les charges contre quatre des six Kényans (SYNTHESE)

Afriquinfos Editeur
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La juge pré-procès de la CPI, Ekaterina Trendafilova, a déclaré qu'il y avait assez de preuves pour juger le ministre des Finances, Uhuru Kenyatta, le directeur des Services civils, Francis Muthaura, l'ancien ministre de l'Education supérieur, William Ruto, et le journaliste Joshua Sang.

"La chambre 2 de pré-procès a confirmé les charges contre Ruto comme co-auteur indirect avec d'autres, selon l'article 25(3)(a) du Statut de Rome, alors que Sang a contribué à la commission des crimes dits contre l'humanité, suivant l'article (25)(d)(i)", a déclaré la juge.

Mme Trendafilova a cependant refusé de confirmer les charges pesant sur l'ancien chef de la police, Mohammed Hussein Ali, et le ministre de l'Industrialisation, Henry Kosgey, citant des preuves insuffisantes.

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"Concernant MM. Kosgey et Ali, la Chambre souhaite clarifier qu'ils ne sont plus considérés comme des suspects par la cour. Cependant, la Chambre rappelle l'article 61(8) du Statut de Rome, selon lequel le procureur pourrait présenter des preuves supplémentaires demandant la confirmation des charges contre MM. Kosgey et Ali", a-t-elle déclaré.

Elle a expliqué que la Chambre avait estimé que des crimes contre l'humanité avaient été commis et dirigés contre des groupes particuliers, notamment les Kikuyus, les Kambas et les Kisiis.

"Pour en venir à nos décisions, nous avons réexaminé toutes les preuves individuellement et collectivement, sans prendre en considération leurs sources, fermement guidés par les articles des documents statutaires de la Cour", selon Mme Trendafilova.

"Dans l'accomplissement de notre mandat judiciaire, nous avons observé d'un regard impartial et indépendant, afin d'évaluer si le seuil requis par l'article 61 du Statut, pour confirmation des charges, avait été atteint". Mme Trendafilova a déclaré que la liberté des accusés dépendait de leur non-implication dans des discours de haine et d'incitation à la violence qui aurait pu avoir des impacts négatifs sur les campagnes électorales.

M. Ali, 55 ans, Somalien, était chef de la police kényane au moment des violences. Les procureurs de la CPI ont indiqué que l'ancien général connaissait avant tout le monde les plans visant à mobiliser les Mungikis pour attaquer les partisans du parti ODM. Les procureurs ont déclaré que M. Muthaura avait demandé à M. Ali d'instruire la police kényane de ne pas interférer dans les crimes commis par les Mungikis dans leurs attaques contre le leader de l'opposition, Raila Odinga.

"Concernant la responsabilité criminelle de MM. Methaura et Kenyatta, la Chambre est satisfaite que les preuves ont également établi des preuves importantes pour penser qu'ils sont criminellement responsables des crimes supposés, en tant que co- auteurs indirects, suivant le Statut de Rome, car ils avaient pris le contrôle sur les Mungikis pour leur demander de commettre les crimes", selon la juge. Plus de 1.200 personnes ont été tuées pendant plusieurs semaines d'agitation après le scrutin de 2007. Quelque 600.000 personnes ont été forcées à fuir leurs maisons. La violence a commencé lors des affrontements entre les partisans des deux candidats rivaux à la présidentielle – Raila Odinga et Mwai Kibaki- mais elle a vite conduit à un tour sanglant de règlements de compte et violences intercommunautaires.

La cour basée à La Haye a lancé un appel aux Kenyans de rester calmes et d'éviter toute forme de perturbations suite à l'annonce de la décision. "C'est notre plus grand désir que les décisions rendues par cette Chambre aujourd'hui, apportent la paix au peuple de la République du Kenya et préviennent toute sorte d'hostilité", a déclaré le juge.

M. Trendafilova a déclaré que les décisions sont le résultat d' un travail judiciaire intensif et engagé de la Chambre, et mené de façon impartiale, indépendante et consciencieuse.

Le procureur de la CPI Moreno Ocampo a lancé des poursuites contre six haut responsables présumés, accusés de crimes contre l'humanité. Les procès ont progressé malgré une série de manuvres politiques et juridiques par les autorités kenyanes pour tenter de différer ou d'empêcher les poursuites.

M. Kenyatta est accusé d'avoir organisé une campagne de violence, y compris des cas d'assassinats et de viols contre des partisans d'Odinga. Selon les procureurs, il a rencontré les membres d'une organisation secrète criminelle connue sous le nom de Mungiki dans un centre commercial à Nairobi avant l'élection en 2007 pour organiser certaines de ces attaques. Il a nié l'accusation lors d'une audience préliminaire à la cour basée à La Haye en septembre 2011.

M. Kenyatta, 50 ans et Muthaura, 65 ans, sont accusés de garder le parti au pouvoir au Kenya à l'époque "par tous les moyens nécessaires".

M. Ruto, 45 ans et le présentateur de radio Joshua Arap Sang, 36 ans, font face à trois chefs d'accusations : assassinat, transfert forcé et persécution. Ils sont accusés d'avoir " soigneusement orchestré" les attaques contre les partisans du Party of National Unity (PNU) après les accusations de M. Odinga contre M. Kibaki pour avoir truqué sa réélection.

M. Ruto, sans doute, le politicien le plus influent dans la région peuplée du Rift Valley, la zone la plus touchée par les violences postélectorales, est accusé d'avoir été un des principaux planificateurs de la violence.

M. Kosgey, 64 ans, le président du parti du Mouvement démocratique orange (ODM), est accusé d'avoir planifié les violences postélectorales tandis que Sang est accusé d'avoir planifié des attaques, avec Kosgey et Ruto, ainsi que d'avoir propagé la haine ethnique sur les ondes.

Les analystes disent que l'appel pour la création d'un tribunal spécial au Kenya " a été émis en premier par la Commission Waki, mise en place pour enquêter sur la violence postélectorale en octobre 2008, soulignant que "cela reste pertinent et urgent.