Côte d’Ivoire: crainte de tensions après l’incarcération de Laurent Gbagbo à la CPI

Afriquinfos Editeur
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Mercredi, c’est le quotidien pro-Gbagbo « Notre Voie » qui donnait le ton en proclamant à sa Une « Adieu la réconciliation ! », prônée par le président Alassane Ouattara depuis sa prise de pouvoir à la mi-avril après une violente crise post-électorale soldée par une guerre de dix jours dans Abidjan.

Coïncidence ou simple coup du sort, trois journalistes du quotidien  Notre Voie (proche du Front populaire ivoirien, FPI, de Laurent Gbagbo) dont le directeur général César Etou, en garde-à-vue depuis jeudi dernier, ont également été inculpés mardi par la justice ivoirienne et ont passé leur première nuit à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca).

Ils devraient être jugés cette semaine à Abidjan pour « incitation au vol, pillage et destruction de biens par voie de presse », après la publication de deux articles, dont l’un portait sur une rumeur d’une nouvelle dévaluation du Franc CFA qui a circulé et inquiété, la semaine passée, bon nombre d’anciennes colonies françaises.

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« La lutte continue », poursuivait cependant le journal, publiant une image d’archive de Laurent Gbagbo en costume gris, cravate bleue avec le point droit levé, qui illustre parfaitement le sentiment général des partisans de l’ex-chef d’Etat, soupçonné notamment de crime de guerre, crime contre l’Humanité peu après son arrivée, ce mercredi matin, à La Haye.

Ce sentiment de frustration et de possible radicalisation des supporters de M. Gbagbo a été marqué aussitôt mardi soir par le retrait de la course aux législatives – boycottées par son parti – de trois petites formations alliées au FPI de l’ex-chef d’Etat au sein d’une coalition.

Son ancien porte-parole, Gervais Coulibaly, et deux anciens ministres, Théodore Mel Eg et Aimé Kabran Appiah, tous deux fraîchement rentrés de leur exil au Ghana voisin, ont ainsi annoncé dans un communiqué conjoint leur « retrait pur et simple » des législatives, dénonçant l’inculpation et le transfèrement de l’ancien président aux Pays-Bas.

Pour Justin Katinan Koné, ex-ministre du Budget dans le dernier gouvernement et actuel porte-parole de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara « a rompu le processus de réconciliation et de paix » et, faire juger son ancien rival à la présidentielle controversée de 2008, « est la seule façon de le prouver ».

Mercredi en fin de matinée, la situation semblait pourtant normale à Abidjan, où aucun dispositif visible de forces de sécurité n’était déployé dans les principaux points de la ville, qui a même renoué avec ses embouteillages des jours ouvrables.

Les commentaires allaient cependant bon train dans la capitale économique ivoirienne, certains habitants interrogés par Afriquinfos, craignant une poussée de tensions dans les semaines à venir, prévoyaient déjà de faire des provisions en cas d’éventuelles troubles avant ou après les législatives.

« Si Gbagbo n’est plus là, ses gars ont maintenant la voie libre pour tenter quelque chose », commentait un cadre d’assurance, corroborant ainsi la crainte ducoordinateur pour l’Afrique de l’ONG « Coalition pour la CPI » Francis Dako, de voir « une situation explosive sur le terrain ».