Santé : un parasite du paludisme  »résistant à l’artémisinine » selon des chercheurs rwandais

Afriquinfos Editeur
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Kigali (© 2020 Afriquinfos)- La résistance à l’artémisinine, constituant principal des récents traitements antipaludiques recommandés par l’OMS, est certes répandue en Asie du Sud-Est mais n’avait pas été décrite en Afrique jusqu’ici.

Impliqués dans un projet, soutenu par l’OMS, de surveillance moléculaire de la résistance en Afrique, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont récemment identifié en Afrique les premiers signes d’émergence de parasites mutants K13 résistants à l’artémisinine. Ces résultats décrivent la présence en proportions significatives de parasites porteurs de la mutation R561H, dans deux localités distantes de 100 km (prévalence de 7,4% à Masaka et de 0,7% à Rukara).

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec le Programme de Lutte contre le Paludisme au Rwanda (Rwanda Biomedical Centre), l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Hôpital Cochin et la Columbia University (New York, USA) ont détecté pour la première fois au Rwanda, l’émergence et la diffusion de parasites du paludisme capables de résister aux dérivés de l’artémisinine. Les résultats de ces travaux ont été publiés le 3 août 2020 dans la revue scientifique « Nature Medicine ».

Le paludisme, problème majeur de santé publique en Afrique

Le paludisme, dû aux parasites du genre Plasmodium, représente un problème majeur de santé publique.

Depuis plus de 15 ans, le traitement des accès palustres (cycles typiques de la maladie alternant fièvre, tremblements avec sueurs froides et transpiration intense) à Plasmodium falciparum repose sur l’utilisation d’une combinaison thérapeutique (appelée ACT pour Artemisinin-based Combined Therapy) associant un dérivé de l’artémisinine à action très rapide et une molécule partenaire à demi-vie longue.

En particulier, la crainte majeure est de voir diffuser ces parasites résistants en Afrique subsaharienne, continent le plus touché par le paludisme (plus de 90% des cas), comme cela fut le cas avec les précédentes générations d’antipaludiques (chloroquine et antifoliques/antifoliniques). Dans les années 80, la perte d’efficacité de la chloroquine est soupçonnée d’avoir contribué à la survenue de plusieurs millions de décès supplémentaires dus au paludisme chez les jeunes enfants africains.

Depuis 2014, la surveillance de la distribution géographique de la résistance à l’artémisinine repose sur la détection, chez les parasites, de mutations au sein du gène K13. Ces mutations sont en particulier soupçonnées de réduire la fonction de la protéine K13, protéine participant possiblement à la dégradation de l’hémoglobine dans le globule rouge infecté.

En Afrique, où les ACT restent très efficaces, la détection de parasites mutants K13 est rare. A titre d’exemple, l’étude KARMA, première cartographie mondiale de la résistance à l’artémisinine, a permis d’observer que moins de 5% des échantillons africains présentaient des mutations et que plus de 50% des mutants détectés n’étaient observés qu’une fois. De plus, les chercheurs avaient démontré que la mutation la plus fréquemment observée en Afrique (A578S) ne conférait pas au parasite la capacité de résister à l’artémisinine.

Le paludisme sévit dans 89 pays où près de 3,2 milliards d’individus (soit près de la moitié de la population mondiale) sont exposés au risque d’infection, pour laquelle il n’existe toujours pas de vaccin.

V. A.