Le Centre qui inocule des rêves.

Afriquinfos Editeur
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Rendez-vous au pont Ntahangwa, du nom de la rivière qui sépare Bujumbura en deux : le nord de la capitale, et le reste. Le nord, c’est six communes, dont Kamenge, qui abrite le Centre Jeunes éponyme, le CJK (Centre des Jeunes Kamenge), créé en septembre 1993. Tapis au milieu de centaines de visiteurs, le père Claudio. Claudio Marano, pour être précis. L'âme vivante des lieux. L'initiateur. Chevelure et barbe blanches, carrure puissante, ce Xavérien italien explique : « Les jeunes ne sont ni des enfants, ni des adultes. Les jeunes, ce sont ces gens qui viennent de faire sauter la baraque en Afrique du Nord ! Les jeunes sont imprévisibles ! » Il rit.

C'est le rire de celui qui en a tellement vu. Qui a accueilli d’anciens combattants rentrés du maquis, fatigués de « verser le sang » des passants. Un rire au milieu des obus, des attaques, des vols, des tournois, des matchs et des concerts. Le regard placide, le père Claudio montre le bureau qu'il occupe avec trois ou quatre responsables, remplis de fiches. Il y a là des imprimantes, de la paperasse, des tiroirs, des tasses remplies de stylos et autres marqueurs et des ordinateurs. Soudain, il soupire : « On arrive à le faire parce que nous avons une histoire derrière nous ! »

Et quelle histoire ! Le petit centre ouvert en catimini en 1993 a radicalement changé. Les chiffres se passent de commentaires : 38 000 inscrits (accès automatique à une bibliothèque de 19 000 volumes), un incroyable réseau de 110 écoles et lycées agréés, 34 communautés religieuses, 460 associations avec lesquels le CJK  travaille depuis bientôt vingt ans.  

Le Centre occupe une place exceptionnelle dans la vie des milliers de jeunes. Dans un pays où 60% de la population a moins de 20 ans, le CJK est devenu une véritable institution. Parce qu'on peut y venir pour apprendre l'anglais, le français, l'italien, et même l'arabe et l'espagnol. On peut, à sa guise, lire des magazines, des romans, voir des films, prendre des cours d’informatique, de guitare, d'harmonica, de piano, de batterie, voir une pièce de théâtre, des acrobates, pratiquer du basketball, du foot, de la musculation. Et intégrer un club de lutte contre le Sida ou pour la défense de l'environnement…

Quelque 2000 jeunes passent chaque jour au Centre. Certains viennent juste s'asseoir là. Parce que le lieu, dédié « au partage », est apprécié. « Le Centre est un lieu de rencontre, où l’on apprend à se faire des amis et à créer ses propres rêves », souligne le père Claudio, désigné parmi les 50 personnalités qui font avancer le Burundi par le journal Iwacu en 2010.

Et cela marche. Très fort. Florilège : Kidum, meilleur chanteur d'Afrique de l'Est en 2010 ; Steven Sogo, premier Burundais invité (à deux reprises) au World of Music, Arts and Dance ; Kaka Boney, l'une des meilleures voix du Burundi ; Francis Muhire, réalisateur et directeur, à 25 ans, duFestival International de Cinéma et de l'Audiovisuel du Burundi; Thierry Manirambona, Prix Michel Kayoya 2010, un espoir de la littérature burundaise ; ou encore Adolphe Biheranisenge, DJ, journaliste à ses heures perdues, et docteur en droit international. Tous des anciens du CJK,  devenus des modèles pour des milliers d'autres…