Membres de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) composée de 6 pays et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) constituée pour sa part de 10 Etats, ces deux pays voisins sont sur le point de remédier à leur état d'enclavement, qui empêchait leurs populations d'entretenir des relations d'affaires plus convenablement.
Pour l'instant, c'est le Cameroun qui, plus avancé dans la région dans la valorisation de son potentiel agricole même si par ailleurs il reste lui-même aussi tributaire des importations des denrées alimentaires, principalement d'Asie, exporte ses produits vers le Congo, également zone de transit par rapport à la République démocratique du Congo (RDC), un autre débouché de ces exportations.
Ancien cadre du ministère congolais du Commerce, Jean-Jacques Samba s'est intéressé à ces transactions sur ce qu'il appelle le corridor Dschang (Ouest du Cameroun) – Brazzaville, favorisées « par l'ouverture de la route qui va de Ouesso à Brazzaville, soit 950 km de la frontière camerounaise à la capitale congolaise, route bitumée à près de 80%, parcourue par des camions depuis quelques mois".
Avant le bitumage de la route congolaise, c'est à Ouesso, au Nord du Congo à la lisière de la frontière, que s'arrêtaient les produits camerounais commercés chez le voisin qui offre à ces exportations un marché se différenciant par un décalage des saisons de production avec le Cameroun.
Entre Dschang et Brazzaville, la distance évaluée est 1600 km, soit 650 à 700 km entre la ville camerounaise et la frontière congolaise, puis plus de 950 km pour la suite du trajet. Particulièrement prisés, les oignons violets camerounais représentent l'un des produits phares des échanges, car, le Congo et sa sœur presque jumelle la RDC cultivent plutôt les oignons blancs et rouges.
Autres produits concernés, selon le secrétaire général d'Unicongo : les pommes de terre, le haricot, l'arachide, et des produits manufacturés tels que les contreplaqués, les peintures et des produits chimiques. En dehors de Brazzaville, ces produits manufacturés et chimiques sont également vendus à Pointe-Noire, la métropole économique congolaise, informe Samba.
Le transport des marchandises fait intervenir des camions de 40 tonnes, pour un voyage en moyenne de trois jours et parfois le double en cas de pluie, à cause des barrières. Mis à part des Camerounais, des commerçants tchadiens et maliens se découvrent également dans la filière. Mais « presque pas de Congolais", remarque Jean-Jacques Samba.
Selon lui, le camion est loué au Cameroun pour près de 4 millions de francs CFA (8.000 USD) pour un voyage aller-retour de 6 jours plus deux jours de récupération à Brazzaville. "Le transport du sac de 100 kg jusqu'à Brazzaville revient à près de 12.000 francs (24 USD)", a-t-il expliqué en marge de la Journée de l'intégration de la CEEAC lors du 4e Salon international de l'entreprise de Yaoundé (Promote 2011), du 3 au 11 décembre.
Malgré ces chiffres, le Congo serait pour les exportations camerounaises un filon en or et les flux importants n'eussent été les péripéties liées aux tracasseries de la police, de la gendarmerie et des services douaniers sur les deux territoires qui rendent finalement les échanges pénibles, au risque de décourager les commerçants.
"Au regard des coûts et frais normaux d'une part, et des divers frais illégaux perçus au Congo par la douane, la police, la gendarmerie et l'émigration auxquels s'ajoutent les avaries, le rapport des prix entre le Cameroun et le Brazzaville est égale à 1/3 voire 1/4", note Samba.
Sur le territoire congolais notamment, révèle l'enquête du responsable patronal, le camion de marchandises venant du Cameroun est soumis au paiement d'une kyrielle de frais auprès de divers services le long de son itinéraire. Au total, ce sont 7 points de contrôle dénombrés : Maboko, Ouesso, Obouya, Ollombo, Oyo, Gamboma et Djiri à l'entrée de Brazzaville.
A Maboko déjà, le transporteur doit s'acquitter du versement d'une somme de 65.000 francs pour le droit d'entrée au Congo, 80.000 francs pour la traversée du bac, 40.000 francs de taxe douanière, 15.000 francs de taxe phytosanitaire prélevée par le ministère de l'Agriculture, 2.500 francs par personne à bord du camion pour le carnet de vaccination.
Arrivé à Ouesso, c'est une autre opération qui est imposée, plus onéreuse. 400 francs sont prélevés par la douane par sac de marchandise, un impôt de 5% sur la valeur forfaitaire. Pour le camion lui-même, les charges à payer n'en finissent pas : 35.000 francs encore une fois pour la douane, 25.000 francs pour l'émigration, 25.000 à 35.000 pour la gendarmerie et la police respectivement, 15.000 à 300.000 francs pour les services du commerce, 50.000 francs pour le service des enquêtes.
A la sortie de la ville, une fois de plus 5.000 à 10.000 francs seront versés respectivement à la police et la gendarmerie. A Obouya, le visa de la douane coûte 25.000 francs, tandis que la police et la gendarmerie sont aussi au rebond pour prélever 35.000 francs de frais illégaux. A Ollombo, le commerçant se fait délester de 20.000 francs par la police, à Oyo 10.000 francs, à Gamboma cette somme atteint parfois jusqu'à 50.000 francs.
Au poste de contrôle de Djiri maintenant, une nouvelle taxe de 100.000 francs est imposée par la douane, contre 15.000 à 20.000 de frais de police.
Face à ces tracasseries, Samba s'inquiète du "risque d'inhibition de l'impact de la route sur le commerce entre le Cameroun et le Congo". Déjà que les exportations camerounaises souffrent à Brazzaville d'une perte de compétitivité et d'une faible rentabilité face aux produits importés hors CEMAC.
Ces deux facteurs s'expliquent par le fait que "les prix de l'oignon et de la pomme de terre provenant du Cameroun sont pratiquement alignés sur ceux de l'oignon et de la pomme de terre d'Afrique du Sud et de Hollande", de même que "l'ail du Cameroun est invendable face à l'ail de Chine".