Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du terrorisme au Sahel, ce journaliste béninois, dont l’identité à la ville est Serge Gbogbohoundada, a enquêté deux ans dans les provinces septentrionales du Mali, mais aussi au Niger, en Mauritanie, en Algérie, au Sénégal et en Gambie. Dans certains de ces pays, il a recueilli des témoignages de première main et des confidences exclusives auprès d’intermédiaires officiels et officieux, de terroristes repentis, de diplomates, de policiers et d’hommes de l’ombre engagés dans une traque implacable contre Aqmi.
Il a consulté, à n’en pas douter, des documents classés « confidentiel » ainsi que des procès-verbaux d’audition de terroristes arrêtés, sans doute en Mauritanie et, surtout, au Mali où Serge Daniel est, depuis une quinzaine d’années, le correspondant de l’Agence France Presse (AFP), de Radio France Internationale (RFI) et de la télévision d’information continue France 24.
Au fil des pages, l’ouvrage raconte à la manière d’un polar, les prises d’otages, les tractations secrètes en vue d’obtenir leur libération grâce à des intermédiaires, pour certains, sulfureux et attirés par l’appât du gain. Il lève un coin de voile sur le contenu de certaines conversations téléphoniques et échanges épistolaires pourtant censés être cryptés, donc protégés, entre chefs d’Etat autour du délicat dossier des otages occidentaux, dont les six Français, retenus, selon la formule désormais consacrée, « quelque part, dans le désert, aux confins de la frontière entre le Mali et l’Algérie. »
L’auteur dresse par ailleurs le portrait des principaux dirigeants d’Aqmi, restituant leur itinéraire, avant de démontrer que si l’organisation se nourrit bien d’une idéologie islamiste radicale, elle s’est, petit à petit, transformée en une entreprise criminelle ayant porté l’enlèvement contre rançon à un stade industriel.
Truffé de confidences inédites et de révélations, notamment sur la collusion entre Aqmi et les trafiquants de drogue, ainsi que sur les relations avec les Touaregs, le livre, en vente dans les bonnes librairies depuis ce 15 février 2012, est la première enquête de fond sur ce groupe terroristo-mafieux qui déstabilise l’Algérie, le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Tchad, voire le Nigeria, où Aqmi a récemment noué des relations stratégiques avec la secte islamiste Boko Haram. A lire, donc, et à faire lire…
(*) Aqmi. L’Industrie de l’enlèvement, éd. Fayard, Paris, 300 pages, 19 €.