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C’est une levée de blocages qui, confient des sources, concerne deux sujets de discussions cruciaux portés par les négociateurs de l’Afrique centrale : la compensation des pertes de recettes fiscales et le renforcement des capacités de production et d’exportation, en vue d’une atténuation des conséquences liées à l’application de l’APE en discussion sur les faibles économies de cette sous-région africaine.
Commissaire en charge du Marché commun à la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), Pascal Youbi-Lagha souligne que « l’ouverture du marché va se traduire par des pertes de recettes. Le démantèlement (des barrières douanières, NDLR) ne se fait pas en une année ou en deux ans, c’est à long terme. Petit à petit, nous allons perdre des recettes ».
«Pour un Etat qui a l’habitude d’avoir un budget par exemple de 10 milliards (de francs CFA) et qu’à un moment donné il se retrouve avec 9 milliards, ce vide-là il faut pouvoir le compenser. C’est exactement ce que nous appelons l’impact fiscal net qui fait l’objet d’un groupe de négociations que nous avons réclamé pendant longtemps et que jusqu’au 31 décembre 2013 on n’a pas pu avoir, et que nous venons d’avoir », a expliqué le responsable institutionnel dans un entretien à Xinhua.
C’est l’un des points d’achoppement qui empêchaient l’Afrique centrale et son partenaire traditionnel européen d’avancer vers la signature de l’APE, présenté comme une révision du volet commercial de l’Accord de Cotonou sur le libre-échange conclu en juin 2000 par l’UE et les 44 pays membres du Groupe ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
Selon Youbi-Lagha en outre, « la deuxième chose, nous avons dit à l’Union européenne qu’on peut ouvrir le marché, mais si nous n’avons rien à vendre, ça ne sert à rien d’ouvrir le marché. Et pendant longtemps également, l’Union européenne a résisté, après on a fini par tomber d’accord pour qu’il y ait un programme de renforcement des capacités de production et d’exportation pour que nous puissions également placer quelque chose sur le marché européen».
A vue d’œil, la voie apparaît désormais ouverte pour le deux parties pour parvenir à un accord définitif, une éventualité longtemps redoutée par l’opinion publique africaine où une levée de boucliers a été observée à l’égard de ce processus dans lequel quelques pays comme le Cameroun en Afrique centrale et la Côte d’ Ivoire puis le Ghana en Afrique de l’Ouest se sont cependant engagés en signant chacun avec l’UE un APE d’étape ou provisoire.
Contrairement à l’Afrique centrale qui proposait en 2009 pour une ouverture de 60% pour une période initiale de 15 ans avant une ouverture totale, l’Afrique de l’Ouest s’est notamment accordée il y a peu pour une ouverture à 75% de son marché avec l’UE, contre une compensation de la perte de recettes fiscales et le renforcement des capacités de production et d’exportation. Une réunion des ministres des Finances de la CEEAC prévue le 28 mars à Kinshasa en République démocratique du Congo (RDC) permettra sans doute d’examiner les dernières évolutions et d’établir un nouveau calendrier de discussions avec l’Union européenne qui a donné jusqu’à fin octobre aux pays signataires d’un APE d’étape pour sa mise en vigueur, au risque d’un retrait des privilèges douaniers accordés par l’ouverture totale de son marché, à savoir l’exemption de taxes et de quotas.
« La politique commerciale de l’Union européenne vis-à-vis de nous dont nous bénéficions dans le cadre de préférences non réciproques, est remise en cause par les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Nous sommes membres de l’OMC et l’Union européenne est membre de l’OMC, ses Etats membres sont également membres de l’OMC. Il n’était pas normal que nous continuions à discriminer les autres membres de l’OMC», expose Pascal Youbi-Lagha.
«Donc, nous sommes tous d’accord pour dire que l’Accord de Cotonou contient un volet commercial qui est discriminatoire vis-à- vis des autres membres de l’OMC. Ce qui est contre les principes de l’OMC. Nous devons négocier d’autres accords qui soient compatibles avec les règles de l’OMC », a ajouté le commissaire de la CEMAC en charge du Marché commun lors d’une conférence sous-régionale sur l’intégration économique tenue les 27 et 28 février à Yaoundé.
Pour ce réajustement, l’Afrique centrale avait dû obtenir une dérogation auprès de l’OMC. « La période que l’OMC nous a accordée, on l’a dépassée, simplement parce que comme toute négociation, c’est des négociations difficiles, on n’arrivait pas à trouver l’accord. Entre-temps, le Cameroun qui avait un volet important de produits à placer sur le marché européen, qui sont des produits plus ou moins transformés, se sentait le plus lésé dans la région», informe le commissaire. « Ce qui n’était pas le cas, poursuit-il, pour les autres pays qui envoyaient le bois brut, le pétrole brut et le manganèse brut. Le Cameroun a cru nécessaire de se protéger en prenant un accord provisoire, mais en même temps en négociant avec la région pour qu’une fois on arrive à un accord régional, l’accord d’étape tombe. »
Pour justifier leur décision prise en 2007, les autorités de Yaoundé avaient notamment mis en exergue la protection des filières économiques stratégiques nationales, à savoir les filières bananes, aluminium, cacao transformé, fruits frais et contreplaqué s.
Or, la réalité du commerce des pays ACP avec l’Europe est celle-ci : en dépit des préférences tarifaires à eux accordés, la position concurrentielle de ces pays «sur le marché européen s’est profondément réduite et leur part de marché a décliné de 7% à 3%», résumait en 2011 à Yaoundé Sandra Gallina, en charge d’unité APE à la direction générale du commerce de la Commission à Bruxelles en Belgique. « De plus, enchaînait la négociatrice européenne, la diversification des exportations ne s’est pas développée au même rythme que chez les pays concurrents. Ainsi, 85% des exportations des ACP vers l’Europe se concentrent sur des produits bruts ou peu transformés».