Tchad: le crâne de Toumaï suscite passion et fierté

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"En ce moment de grande émotion où Toumaï rentre au bercail, après un long voyage pendant lequel il a subi avec succès, de nombreuses épreuves scientifiques qui ne laissent plus aucun doute sur son authenticité, je ne peux qu'exprimer la joie de tout un peuple désormais assuré que notre pays est bel et bien le berceau de l'humanité", a déclaré le président Déby Itno en ouvrant le premier Colloque International sur la Paléoanthropologie, tenu à N'Djaména au retour de Toumaï.

Si 1994 a marqué le début d'une nouvelle ère dans l'histoire de la paléoanthropologie de leur pays, les Tchadiens connaissaient déjà, plus proches d'eux, leurs ancêtre les "Sao" et, avant eux, le "Tchadanthrope", un hominien découvert également dans le désert du Tchad.

Avec la mise sur pied de la Mission paléoanthropologique franco-tchadienne, placée sous la direction du Professeur Michel Brunet, un saut qualitatif déterminant dans la compréhension des origines de l'homme a été réalisé. "Je suis heureux que mon pays ait offert à l'humanité cette opportunité exceptionnelle", s'est réjouit le chef de l'Etat tchadien.

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En 1995, alors que l'équipe du Pr Brunet débutait des fouilles dans le Désert du Djourab (à 800 kilomètres de la capitale tchadienne), le premier australopithèque apparu, surnommé "Abel" et vieux de plus de 3 millions d'années. Cette découverte fut une véritable révolution dans la paléontologie humaine car, pour la première fois, une découverte a été faite à l'Ouest du grand rift africain, contredisant ainsi la théorie de la Vallée du Rift.

Plus tard, le 19 juillet 2001, l'épopée s'est poursuivie avec la découverte d'un nouvel hominidé, le "Sahelanthropus Tchadensis", vieux de plus de 7 millions d'années, que le président tchadien surnomma "Toumaï", qui veut dire "Espoir de vie" (en Gorane, la langue de la région de découverte). Cette nouvelle découverte inattendue, après celle d'Abel, est venue remettre en cause l'hypothèse d'une origine australe ou orientale de l'être humain, défendue par Yves Coppens.

Hormis Toumaï, le Tchad possède 17.000 fossiles d'hominidés, des peintures rupestres et des merveilles telles que les gorges d'Archei, jalousement gardées par la nature où se trouvent aujourd'hui, en plein désert du Sahara, des crocodiles descendants de ceux du Nil et une forêt équatoriale verdoyante. Autant d'atouts qui peuvent attirer des scientifiques du monde et susciter des vocations parmi la jeunesse estudiantine et au-delà, une créer une véritable activité touristique.

"Le Tchad était parti de rien en 1994. Mais dix sept ans après, il a joué un rôle crucial dans l'histoire de l'émergence des hominidés anciens. Désormais, Toumaï fait partie du patrimoine national, mais aussi mondial", a rappelé le Pr Michel Brunet.

"Sur Toumaï, les études ne sont pas terminées. Il y a encore beaucoup à faire. On doit mettre en place une certaine technologie de très haut niveau, donc il faut laisser le temps au temps", a-t-il ajouté.

Selon le recteur de l'Université de N'Djaména, la recherche paléontologique a permis au Tchad de se projeter au plus haut niveau de la recherche scientifique sur la scène internationale et constitue un des principaux vecteurs de marque de son image de marque.

"Avec la découverte d'Abel et de Toumaï, le Tchad occupe, à l'heure actuelle, une place privilégiée, celle du berceau de l'humanité", a affirmé Malloum Soultan qui a présidé le comité d'organisation du colloque de N'Djaména.

A la découverte de Toumaï, le Tchad ne disposait d'aucun paléontologue. Grâce à la coopération française, trois paléontologues ont été formés, ainsi qu'un muséologue et des techniciens. L'Université de N'Djaména, la plus grande et la plus ancienne du pays, dispose même d'un département de paléontologie.

"Le Tchad mettra les moyens conséquents dans la recherche scientifique. Le département de la paléoanthropologie de la faculté des sciences exactes et appliquées de l'Université de N'Djaména sera le fer de lance de la recherche à coté du Centre national d'appui à la recherche", a promis le président Déby Itno.

L'original du crâne de Toumaï, remis par la Mission paléontologique franco-tchadienne au président Déby Itno, est aujourd'hui gardé, avec Abel, "en lieu sûr". Deux copies sont exposées au Musée national, à N'Djaména. "Aujourd'hui, Toumaï est mieux connu à l'étranger que dans son propre pays", déplore Pr Mackaye Taïsso. L'ancêtre de l'humanité a notamment été l'invité d'honneur de l'exposition de Nagoya, organisé par le gouvernement japonais, et y a reçu la visite de 23 millions de personnes.

"Tous les Tchadiens doivent venir au Musée national pour faire la connaissance de notre ancêtre commun", a ajouté Pr Mackaye Taïsso.