Ethiopie: 2 ans après environ 600 mille morts au Tigré via un conflit fratricide, reconstruction acharnée en cours…

Afriquinfos Editeur
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Des travailleurs du bâtiment font une pause dans une rue de Mekele, capitale de la région du Tigré, le 24 mai 2024, un an et demi après l'accord de paix signé entre les autorités éthiopiennes et les rebelles.

Les cafés et échoppes des marchés sont de nouveau animés à Mekele, capitale de la région septentrionale éthiopienne du Tigré, près de 19 mois après la signature d’un accord de paix qui a mis fin à l’un des conflits les plus meurtriers au monde.

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Stockshot de Mekele, la capitale du Tigré.

La plupart des usines, à l’arrêt durant la guerre entre novembre 2020 et novembre 2022, ont également repris leurs activités. « Les gens trouvent enfin un certain soulagement après de nombreuses épreuves », affirme Hailemikael Kidane, ouvrier du bâtiment. La guerre au Tigré entre les Forces fédérales éthiopiennes, appuyées notamment par l’Érythrée voisine, et les rebelles tigréens a fait environ 600.000 morts et contraint plusieurs millions de personnes à quitter leurs foyers. Les armes se sont tues en novembre 2022 après la signature d’un accord de paix à Pretoria (Afrique du Sud).

Travaux de reconstruction de la chaussée à Mekele, capitale de la région du Tigré, le 24 mai 2024, un an et demi après l’accord de paix signé entre les autorités éthiopiennes et les rebelles.

Depuis, l’accès aux services essentiels, notamment les banques, l’électricité et internet, coupé par les autorités fédérales, a repris dans certaines parties du Tigré. Et à Mekele, la vie semble reprendre son cours au milieu des chantiers. Dans l’atelier de couture d’Hermon Gebremariam, les ouvriers s’activent sur des machines à coudre pour confectionner vestes et autres vêtements pour hommes. Le jeune homme de 26 ans estime que les progrès d’après-guerre à Mekele sont « très encourageants ». « Les routes sont reconstruites, des bâtiments sont construits et les écoles et les usines détruites par la guerre sont désormais opérationnelles », constate-t-il.

Reconstruction

Mais malgré les avancées, une grave crise humanitaire persiste dans la région. L’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique avec environ 120 millions d’habitants, est confrontée à de nombreux conflits internes, ainsi qu’à des chocs climatiques et à une grave crise alimentaire. Rien que dans le nord du pays, au Tigré et dans la région voisine de l’Amhara, quelque huit millions de personnes souffrent de la faim et ont besoin d’aide alimentaire, selon une évaluation gouvernementale citée par l’ONU en avril 2024.

En plus des pertes humaines, de nombreuses écoles et maisons ont été détruites durant ce conflit. Plus de 800.000 personnes sont aujourd’hui encore déplacées internes au Tigré, région d’environ 6 millions d’habitants, selon l’OIM (Organisation internationale pour les migrations). Les autorités éthiopiennes, exsangues financièrement après ce conflit, ont estimé le coût de la reconstruction au Tigré à 20 milliards de dollars. Les habitants de Mekele interrogés n’ont pas souhaité s’exprimer sur la guerre, préférant évoquer les réalisations depuis la fin du conflit, et ce qu’il reste à accomplir.

Dans toute la ville, des engins de terrassement aplatissent d’énormes monticules de terre pour faire place à de nouvelles routes. Les anciens combattants rebelles du Front populaire de libération du Tigré (TPLF), qui doivent rendre les armes selon les termes de l’accord de Pretoria, ont été appelés à se joindre à l’effort de reconstruction. « Après avoir reçu une formation, ils construisent les routes et génèrent simultanément des revenus », affirme l’administrateur de la ville de Mekele, Weres Gebretsadkan.

-Maigres moyens-

A la fin de la guerre, les autorités municipales se sont entretenues avec les habitants pour connaître les priorités les plus urgentes, souligne Weres Gebretsadkan. « Dans certaines régions, les routes ont été démolies, et dans d’autres, le réseau électrique marchait mal, ou le système de drainage ne fonctionnait pas », explique-t-il. Mais le projet de reconstruction s’est rapidement heurté à un obstacle: le manque de moyens. « Lorsque nous avons approuvé le plan, nous n’avions pas de budget. Les salaires de nos employés n’étaient pas payés, nous manquions de véhicules et nous n’avions rien pour acheter du carburant pour les véhicules », relate-t-il. Les autorités locales ont obtenu des prêts auprès de certaines entreprises de construction et d’universités, souligne M. Gebretsadkan, sans donner plus de détails.

Employés de travaux de reconstruction de la chaussée à Mekele, capitale de la région du Tigré, le 24 mai 2024, un an et demi après l’accord de paix signé entre les autorités éthiopiennes et les rebelles.

Douze routes et deux hôpitaux sont actuellement en construction, dit-il, tout en reconnaissant l’ampleur de la tâche. « Globalement, nous n’avançons pas comme prévu (…) Nous devons encore à nos employés 17 mois de salaire impayé », ajoute-t-il. Et nombreux sont les défis de taille qu’il reste à relever.

Selon un rapport de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) publié en octobre 2023, plus de 90% des établissements de santé au Tigré ont été partiellement endommagés ou totalement détruits durant la guerre. « Malgré les graves conséquences de la guerre sur notre ville et notre région et le déplacement de nombreuses personnes qui ne sont pas encore rentrées chez elles, nous continuons d’avancer », conclut M. Gebretsadkan.

Hermon Gebremariam, 26 ans, dans son atelier textile à Mekele, capitale de la région du Tigré, le 24 mai 2024, un an et demi après l’accord de paix signé entre les autorités éthiopiennes et les rebelles.

© Afriquinfos & Agence France-Presse

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