Belgacem, Saddam & Khaled, trois des six fils du maréchal Haftar en pole position pour maintenir la mainmise sur l’Est libyen

Afriquinfos Editeur
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Belkacem Haftar, le fils de l'homme fort de l'est de la Libye, Khalifa Haftar, lors d'une réunion avec un envoyé de l'ONU pour discuter des projets de reconstruction et de développement, le 6 juin 2024 à Benghazi.

L’homme fort de l’Est de la Libye, Khalifa Haftar, a récemment propulsé son cadet à la tête de ses forces terrestres, dernière en date d’une série de promotions de ses fils renforçant l’emprise du clan sur la Cyrénaïque, au risque de perpétuer la division du pays.

Khaled Haftar (c), fils de l’homme fort de l’est de la Libye, Khalifa Haftar, dans la ville de Derna, dévastée par des inondations soudaines et meurtrières le 18 septembre 2023.

Le général Saddam Haftar, 33 ans, a pris début juin 2024 ses fonctions de chef d’état-major de l’Armée de terre au sein des Forces armées arabes libyennes (LAAF) commandées par son père. Cette nomination, après celles de deux de ses frères à des postes-clefs, traduit selon des experts une volonté du maréchal Haftar, 81 ans, de consolider le pouvoir de son clan dans l’Est et préparer la relève. Minée par les divisions depuis le renversement par l’Occident du régime de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011, la Libye qui dispose d’abondantes réserves pétrolières, est gouvernée par deux exécutifs rivaux, l’un à Tripoli (ouest) reconnu par l’ONU, et l’autre dans l’Est autour du camp Haftar.

Des élections censées unifier le pays étaient prévues en décembre 2021 avant d’être reportées sine die. L’organisation de l’élection présidentielle bute depuis notamment sur le refus du camp de l’Ouest d’autoriser un militaire et un binational à se présenter, en l’occurrence le maréchal Haftar, citoyen libyen et américain. Avant Saddam Haftar, son frère Khaled avait été nommé en juillet 2023 chef d’état-major des « unités de sécurité » au sein des LAAF et promu au rang de général de division.

Et en février 2024, un autre des six fils de Haftar, Belgacem, avait pris les rênes du « Fonds de développement et de reconstruction de Libye » nouvellement créé, avec d’importants moyens à sa disposition.

– « Armée privée »-

L’ascension des fils du maréchal Haftar « s’inscrit dans la continuité de ce qui a, dès le début, été une armée privée (…) et familiale au fur et à mesure que Haftar consolidait son pouvoir », décrypte Wolfram Lacher, chercheur à l’institut allemand SWP. « Le cercle restreint (…) qui contrôle les unités-clés et les ressources de cet empire privé, ce sont ses fils mais aussi ses cousins, ses neveux, ses gendres », ajoute-t-il. D’avril 2019 à l’été 2020, le maréchal Haftar avait tenté de conquérir la capitale avec l’appui des Emirats arabes unis, de l’Egypte et de la Russie, mais ses forces avaient été mises en déroute.

Après ce revers cinglant, « on a assisté à une ascension rapide des fils (…) à travers les grades militaires, en dépassant en un rien de temps ce qui prenait des décennies à d’autres officiers, ce qui leur a attiré des moqueries », souligne M. Lacher. « Mais depuis, à force de les voir dans les réseaux sociaux tous les jours, l’opinion publique libyenne a commencé à s’y habituer », ajoute-t-il. Selon lui, Saddam Haftar, le fils le plus en vue du maréchal, détient « le pouvoir militaire » mais contrôle aussi « la répression, la gestion des trafics, des détournements de fonds publics et la négociation des transactions louches avec les rivaux politiques à Tripoli ».

Le chef militaire de l’est de la Libye, Khalifa Haftar, à Benghazi, le 24 décembre 2022.

Pour Khaled al-Montasser, professeur en relations internationales à l’université de Tripoli, Haftar, victime d’un AVC en 2018, « accélère la cadence » pour préparer la relève. Selon lui, ses alliés étrangers le jugent « inapte à diriger la Libye », d’où la nécessité d’injecter du « sang neuf », abonde l’analyste politique libyen Imad Jalloul.

– « Domaine privé »-

C’est « clairement un signe de préparation pour le jour où Haftar disparaîtrait, et où toute sa structure de pouvoir pourrait donc se trouver en danger », opine Wolfram Lacher. Tout en verrouillant le pouvoir, le clan Haftar s’efforce d’écarter, au prix d’une répression brutale, toute opposition dans l’Est et le Sud où des personnalités politiques, tribales et de la Société civile sont arrêtées, disparaissent ou sont tuées, explique M. Jalloul.

Dernier exemple en date, la mort en avril 2024 du militant Siraj Doghman, lors de sa détention sur une base militaire de Haftar. En décembre 2023, le colonel al-Mahdi al-Barghathi, ancien ministre de la Défense, et plusieurs de ses proches, accusés par le camp Haftar de faire partie d’une « cellule de saboteurs, avaient été arrêtés puis tués ». « Ce qui est affligeant à voir ces derniers mois, c’est que les diplomates occidentaux et onusiens ont commencé à légitimer cette structure de pouvoir familiale qui considère les deux-tiers du pays et des richesses de son sous-sol comme son domaine privé, en rencontrant publiquement les fils de Haftar« , note M. Lacher.

Photo postée sur la page FaceBook du bureau des médias du chef militaire de l’est de la Libye, Khalifa Haftar, montrant son fils Saddam Haftar lors d’un défilé militaire à Benghazi.

© Afriquinfos & Agence France-Presse

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