Horacio Beno Freitas : « Notre sous-développement économique, moral et culturel bloque l’éclosion de grands sportifs togolais»

Afriquinfos Editeur
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Le Togo ne s’est pas qualifié pour la CAN 2012. Bientôt débutent les éliminatoires de la CAN 2013 et du Mondial 2014. Les Eperviers comptent y rééditer leur exploit de 2006 (une double qualification). Au regard de leur forme actuelle, que leur suggérez-vous pour décrocher la qualification ?

En tant que Togolais, je ne peux que souhaiter la qualification de mon pays à la CAN 2013 et et au Mondial 2014. Le sportif de haut niveau que je fus n’est pas optimiste pour nos Eperviers ! Lorsqu’on analyse la situation catastrophique du football togolais depuis le Mondial 2006, on ne peut pas se relever de ces difficultés par un coup de baguette magique.

Avec toutes ces crises que notre football a traversées, le retrait momentané puis le retour d’Adebayor, la valse des entraîneurs-sélectionneurs, l’ambiance délétère entre les joueurs, la déception des supporters qui n’y croient plus beaucoup, la mésentente et la suspicion entre les premiers dirigeants de notre football, ce serait un vrai miracle du nouveau sélectionneur Didier Six. J’ai personnellement approuvé le choix qui s’est porté sur lui parce que je l’ai connu grand joueur en France et j’ai confiance en lui.

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En tant qu’ancien ministre des Sports et observateur du football africain, quelle lecture faites-vous du niveau de la dernière CAN ?

Le niveau technique de la dernière CAN n’avait rien à envier aux compétitions continentales passées. Nous avons eu droit à des matchs de très bonne facture avec des exploits individuels comme les buts marqués par le jeune Gabonais Aubameyang ou celui de l’Ivoirien Gervinho en demi-finale.

Le football africain a beaucoup progressé ; on ne dégage plus le ballon loin devant soi pour s’en débarrasser, mais on construit et on joue très collectif; même les relances des gardiens à la main sont calculées et permettent de remonter le ballon vers le camp adverse en toute sécurité. J’ai trouvé les arbitres excellents, l’organisation matérielle presque parfaite dans les deux pays hôtes. La présence de personnalités comme le Roi Pelé, Michel Platini, Joseph Blatter et surtout, lors de la finale, de Chefs d’Etat africains dont les pays n’étaient même pas qualifiés a été l’un des moments forts de cette dernière CAN.

On a vu émerger plusieurs équipes méconnues jusque-là à la CAN 2012. Le niveau du football africain est-il en train de se niveler ou bien ce sont plutôt les cadors de cette discipline qui ne tiennent plus la route en Afrique ?

C’est vrai qu’il manquait le Cameroun, l’Afrique du Sud, le Nigeria et, surtout, l’Egypte quia gagné trois fois de suite la CAN ! Au lieu de penser au nivellement du football africain avec le vieillissement des grandes vedettes, je crois que c’est plutôt l’émergence ou la renaissance des pays comme la Zambie qui a toujours été un grand pays du ballon rond et qui s’est réveillé, avec l’appui spirituel des « revenants » du crash aérien du 27 avril 1993 auquel seul le capitaine-entraîneur de l’époque, Kalusha Bwalya a échappé. Aujourd’hui, ce dernier est comblé car, c’est sous son ère de président de la Fédération zambienne de football que ses jeunes compatriotes ont gagné la CAN 2012 !

Dorénavant, la CAN se tiendra les années impaires. Quel principal souvenir garderez-vous de la CAN sous le mode biennal ?

Ce changement (qui a été décidé par rapport au Mondial qui se tient les années paires) donnera la chance à certains pays qui étaient absents de la dernière CAN de se qualifier pour l’édition de 2013.

Entre le Mondial 2010, les éliminatoires et la phase finale de la CAN 2012, avez-vous découvert une sélection africaine à même de disputer les demi-finales d’un Mondial ?

Oui, sans hésiter, je citerais la Côte d’Ivoire, malgré son échec en finale devant la Zambie. Ensuite, je verrais bien l’Egypte qui est en méforme, à cause peut-être de la révolution politique égyptienne. Mais les Pharaons pratiquent un football « solide ». Le Mali aussi m’a semblé pouvoir aller loin en Coupe du Monde parce que les Aigles m’ont fait une bonne impression avec leur jeu collectif et leur puissance physique.

Brillantes sur le continent noir, les sélections championnes d’Afrique éprouvent beaucoup de difficultés à damer le pion aux équipes européennes ou latino-américaines. A quand la fin de ce cycle ?

Dès que le football africain deviendra professionnel, il deviendra irrésistible. Même si beaucoup de joueurs des équipes nationales du continent noir évoluent en tant que professionnels, ils jouent tous à l’étranger, surtout en Europe. Heureusement que la FIFA œuvre activement pour la professionnalisation du football sous tous les cieux ; d’ici quelques années, vous verrez le résultat.

Le sport togolais peine à réaliser de bonnes performances à l’échelle internationale. Quel est le grain de sable qui bloque la machine ?

C’est notre sous-développement économique, moral et culturel qui bloque l’éclosion et l’émergence des sportifs togolais de talent.

De plus, la politique politicienne ne met pas les femmes ou les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. On fait plaisir aux amis, aux camarades en les plaçant ici ou là à des postes de décision ; ça ne peut pas marcher ! « The right man at the right place » et tout ira mieux ! Une loi portant « Charte de la pratique sportive au Togo » vient d’être votée à l’Assemblée nationale sur proposition du ministre des Sports. Gageons que d’ici quelques années, le sport togolais sortira définitivement la tête de l’eau.

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