Sports : A 60 ans, le " vieux Lion" camerounais Roger Milla se retire définitivement des stades

ecapital
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Pour la circonstance, le "vieux Lion", comme l'appellent ses nombreux fans de par le monde, organise un match de gala vendredi à Yaoundé avec d'autres anciennes gloires du football camerounaises et africaines, qu'il présente comme des "anciens que beaucoup de Camerounais ne connaissent pas, qui ont joué dans années 77, 80, 85 ans, etc." Parmi eux, "les Omar Dieng et Moussa Saïb".

"C'est un principe des footballeurs d'organiser toujours leurs 60 ans, parce qu'à 60 ans on ne peut plus courir sur le terrain. C'est ce que j'ai essayé de faire, comme l'a fait Pelé, comme l'a fait Beckenbauer, comme beaucoup d'autres l'ont fait", a-t-il déclaré dans un entretien à Xinhua mercredi soir à Yaoundé, dans sa résidence de fonction d'ambassadeur itinérant à la présidence camerounaise.

Avec la faconde qui l'a toujours caractérisé, Roger Milla qualifie ce moment d'important, "parce que ce n'est pas tout le monde qui a 60 ans (dans un pays où l'espérance de vie est établie en dessous de cet âge, ndlr). Il y a des amis des footballeurs qui sont décédés très tôt", à l'exemple de l'international camerounais de Manchester United Marc Vivien Foé, tombé tel un soldat au champ de bataille lors de la Coupe des confédérations en 2003 à Lyon en France.

"D'ailleurs, je déplore que le 26 juin est passé, on n'a même pas pu faire une petite chose pour Marc Vivien Foé. Je trouve cela vraiment désastreux, lamentable. Ce n'est pas parce qu'aujourd' hui Marc Vivien ne vit plus qu'on doit penser qu'il n'est plus dans nos cœurs. Il le restera toujours", s'est indigné l'ancien numéro 9, sans se départir de son franc-parler qui ne lui vaut pas uniquement des amitiés.

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Selon lui, Marc Vivien Foé est un joueur qui a "non seulement (…) a laissé une belle image sportive dans notre équipe nationale, mais les étrangers aujourd'hui quand ils parlent de l'équipe nationale du Cameroun, si ce n'est pas de Roger Milla et d'Eto'o qu'ils parlent, ils parlent du décès de Marc Vivien Foé. Je pense qu' on aurait dû organiser quelque chose. Malheureusement, rien n'a été organisé".

Dès lors, tel le vieux renard qu'il fut dans les surfaces de réparation, Roger Milla tacle sans ménagement pour leur manque d'efficacité, les dirigeants du football camerounais. "Pour eux, les footballeurs, c'est des déchets, des gens qui ne valent rien. Malheureusement, ceux-là ils mangent dans l'assiette des footballeurs. Ce qu'ils n'oublieront jamais".

Au Panthéon des immortels depuis fort longtemps, il revendique non sans modestie "une petite pierre dans l'édifice" de la construction nationale. "J'ai fait ce que j'avais à faire. Je pense maintenant que le reste, c'est le Cameroun tout entier qui doit faire que notre football retrouve son rang, parce que quand vous vous rendez compte que le chef de l'Etat me demande le rang qu'on occupe, c'est malheureux. Alors qu'il a mis les moyens pour qu'on soit toujours au sommet".

Une petite confidence est faite au passage sur la colère du président camerounais Paul Biya sur cette mauvaise santé actuelle du football national, dont les Lions indomptables ont, après 10 ans de contreperformances jamais vécues dans l'histoire du Cameroun, reculé dans le palmarès des meilleures nations de football où ils dominaient le classement africain.

C'est le leader camerounais même en personne qui, avant de lui consacrer un hommage national le 1er janvier 2000, un privilège exceptionnel, avait décidé le rappel de Roger Milla au sein de la sélection nationale à l'occasion de la phase finale de la Coupe du monde de 1990 en Italie, où à 38 ans le "vieux Lion" avait frappé les esprits par des exploits de buts extraordinaires.

Grâce à lui, le Cameroun devint la première nation africaine à atteindre les quarts de finale du Mondial, ce qui amena la Fédération internationale de football association (FIFA) à octroyer une troisième place à l'Afrique pour sa participation à ce grand rendez-vous sportif. Le vieil attaquant venait pourtant de mettre un terme par un jubilé à sa carrière internationale deux ans auparavant.

De nouveau sollicité pour l'édition de 1994 aux Etats-Unis, il réalise le record du premier Africain à disputer trois phases finales du Mondial, puis celui du plus vieux joueur de champ doublé avec un autre relatif au plus vieux buteur de l'histoire de cette compétition. Du coup, à l'occasion de ses 60 ans d'âge, il fait savoir que l'évaluation n'est pas d'actualité.

"Certes, on ne peut pas empêcher qu'il y a ait des jaloux, des égoïstes et autres qui ne veulent pas comprendre et accepter la valeur de quelqu'un d'autre. C'est dommage, mais ça n'empêche pas ceux qui ont fait en sorte que ce pays soit ce qu'il est aujourd'hui continuent à être honorés à l'étranger. Ceux qui ne veulent pas le reconnaître, c'est leur problème. C'est des gens qui pour moi ne méritent pas de vivre dans ce pays", lâche-t-il toutefois.

Le 3 juillet, le double Ballon d'or africain (1976 et 1990), aussi, entre autres, meilleur joueur africain des 50 ans dernières années par la Confédération africaine de football (CAF, en 2007) et footballeur africain du siècle par le magazine sportif français L'Equipe (en 2001) se rendra dans son village natal à Japoma, près de Douala, la métropole économique du Cameroun, pour la pose de la première pierre d'un grand complexe sportif en son honneur.

Conçu par un cabinet d'études canadien, ce projet qui entend se déployer sur une dizaine d'hectares pour un investissement non dévoilé mais qui, à l'observation, se chiffrera en milliards de francs CFA, comporte des terrains de football, de basketball, de tennis, de golf, un gymnase, un hôtel, un restaurant, un bâtiment administratif, etc.

"Je serai content le jour où je vais voir ce projet-là debout. Là, je dirai : oui, il y a quelque chose qui a été fait à Japoma pour Roger Milla. Et c'est le canton Bakoko qui sera ravi. Pour l'instant, c'est dans les analyses", souligne-t-il. Pour son dernier match vendredi, il promet une belle fête.