Covid-19 : un vaccin testé uniquement sur des populations blanches ou latino pourrait être moins efficace en Afrique !

Afriquinfos Editeur
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Paris (© 2020 Afriquinfos)- Des tests menés dans un pays ou seulement sur un continent risquent de ne pas être suffisants pour prouver l’efficacité d’un vaccin contre la Covid-19. Des populations peuvent parfois avoir des réactions immunitaires très différentes, en fonction de leur profil génétique. L’Afrique est actuellement la grande oubliée des essais cliniques.

C’est un enjeu de santé publique majeure. Pourtant, il est très peu discuté. Nous ne sommes pas tous égaux devant la maladie. Les premières remontées d’observation attestent qu’en Europe comme aux États-Unis, les populations afro-caribéennes auraient tendance à développer des formes plus graves de la Covid-19. Les facteurs socio-économiques (précarité, surexposition au virus) ne suffisent pas à expliquer la surmortalité enregistrée dans les communautés noires. Des facteurs génétiques, encore mal cernés, sont également à l’œuvre. Dans ces conditions, il est indispensable que les vaccins actuellement en cours de développement (et les futurs traitements) soient correctement étalonnés, et soient testés sur des populations aux profils génétiques aussi diversifiés que possibles. Or, c’est loin d’être le cas aujourd’hui.

Une poignée de laboratoires et de centres de reù

cherches font aujourd’hui la course en tête et ont bon espoir d’arriver à un vaccin d’ici octobre à décembre. Trois firmes chinoises, une firme américaine (Moderna), les Anglais de l’Université d’Oxford alliés au laboratoire AstraZeneca, ainsi que les Russes de l’Institut Gamaleya, qui ont développé un candidat vaccin dans le plus grand secret et qui promettent sa mise sur le marché d’ici à octobre.

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Tests cliniques « de phase 3 » seront conduits simultanément en Russie et à Abou Dhabi.

Le cas du vaccin russe est un peu particulier. L’Institut moscovite, qui veut produire 200 millions de doses, dont 30 millions à l’usage de la population russe la plus exposée (soignants, enseignants, militaires, personnes âgées), a noué un partenariat avec les Émirats Arabes Unis. Les tests «de phase 3» seront conduits simultanément en Russie et à Abou Dhabi, la Russie et les pays du Golfe étant des régions de forte prévalence du nouveau coronavirus. Les Émirats, où plus de 85% de la population est formée de travailleurs étrangers, offrent un champ d’expérimentation particulièrement intéressant, car la diversité génétique y est très forte. Pour les autorités d’Abou Dhabi, l’opération est fructueuse : ils seront les premiers servis si le vaccin s’avère efficace, car il sera en partie produit sur place.

Le chef du Département de la santé d’Abou Dhabi, Sheikh Abdallah Ben Mohmaed Al Hamed, n’a d’ailleurs pas hésité à se faire lui-même injecter une dose, convaincu de son innocuité. Plusieurs pays africains ont manifesté leur intérêt pour le sérum russe, à l’instar de l’Algérie, qui a également sollicité les firmes chinoises.

L’Afrique risque d’être la grande oubliée de la campagne d’essais cliniques de phase 3 qui commence actuellement. D’une part parce que la prévalence du Covid-19 y est relativement faible, comparée à celle que l’on observe au Brésil par exemple, théâtre de nombreux essais thérapeutiques. Mais aussi parce que les structures hospitalières et le réseau de surveillance épidémiologique ne permettent pas toujours un suivi rigoureux des cohortes de «patients-cobayes».

Les Britanniques de l’Université d’Oxford (avec AstraZeneca) sont pour l’instant les seuls à mener des essais à grande échelle en Afrique du Sud. 2000 personnes ont été incluses dans les essais de phase 2 supervisés par l’Université Wits de Johannesburg, qui ont débuté fin juin. Plusieurs milliers d’autres le seront lors des essais de phase 3, ultime étape avant l’homologation du ChAdOx1 nCov-19.

Tests cliniques sur la Covid-19 : un quota de 19% d’Afro-américains et de Latinos-américains imposé ?

A l’inverse, les populations blanches représentaient 89% des « sujets-cobayes » testés pour les premières phases des essais du vaccin américain Moderna. Ce manque d’inclusivité a d’ailleurs poussé Anthony Fauci, le coordonnateur de la riposte anti-Covid aux États-Unis, à demander aux laboratoires US d’inclure des quotas de 19% d’Afro-américains et de 19% de Latinos-américains dans leurs essais cliniques. Il y a urgence !

 

K.A.N.