An 20 du drame du Joola: Qu’est-ce qui retarde le renflouement de l’épave?

Afriquinfos Editeur
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Casamance (© 2022 Afriquinfos) – 20 ans après le naufrage du Joola, une des plus grandes et graves catastrophes de l’histoire de la marine civile,  les associations de victimes sont toujours dans l’attente du renflouement de l’épave, qui repose à une vingtaine de mètres de profondeur.

Le 26 septembre 2002 vers 23 heures, Le Joola, ferry battant pavillon sénégalais, se retournait au large des côtes gambiennes, emportant avec lui près de 2.000 hommes, femmes et enfants, pour la plupart piégés à l’intérieur de sa coque. Deux décennies plus tard, les associations de victimes poursuivent leur combat contre l’oubli. Elles demandent le renflouement de l’épave, qui repose à une vingtaine de mètres de profondeur, avec de nombreux corps emprisonnés dans ses entrailles.

Leur autre combat, c’est l’érection d’un mémorial. À Ziguinchor, capitale de la Casamance d’où venaient la majorité des victimes, le monument devait être prêt ce lundi, pour le 20ème anniversaire, mais le chantier est loin d’être achevé.

Une mauvaise volonté des autorités sénégalaises? 

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Si Macky sall a rendu hommage aux familles des victimes pour ce 20ème  anniversaire du drame de «Joola», pour plus d’un, il n’en demeure pas moins que le président sénégalais ne veut, visiblement pas, du renflouement du Joola, comme l’exige le Collectif des victimes.

«Je renouvelle la solidarité de la Nation aux familles des victimes. Le temps qui passe n’effacera jamais le souvenir de nos mémoires. Souvenir que nous gardons à jamais!», a écrit Macky Sall dans un tweet, ce  26 septembre 2022,

Le président sénégalais ne veut probablement pas du renflouement du Joola, comme l’exige le Collectif des victimes. Peut-être que l’épave «emprisonne» dans son creux, beaucoup de secrets compromettants, mettant en cause la mauvaise gestion du dossier par les pouvoirs publics et l’armée, d’après certains analystes.

En 2012, le Président Macky Sall «enterrait» le bateau «Le Joola», en donnant, à l’occasion du dixième anniversaire de son naufrage, des instructions au chef du gouvernement d’alors (Abdoul Mbaye), lors de la réunion de Conseil des ministres, «de tout mettre en œuvre pour instituer, tous les ans, l’observation d’une minute de silence et une cérémonie de dépôt de gerbes aux monuments aux morts et à la place du Souvenir».

Aucun mot, à l’époque, sur les exigences du Collectif des familles des victimes du naufrage qui demandait le renflouement du bateau, la publication de la liste officielle des victimes, la prise en charge des orphelins et assistance psychologique des rescapés du Joola, la réouverture du dossier judiciaire et la construction d’un mémorial-musée Le Joola.

Mais en 2018, en pleine période électorale pour un second mandat à la tête du pays, le président Sall exige une attention particulière aux préoccupations des populations. La résonnance du communiqué du Conseil des ministres du mercredi 19 septembre 2018, fait croire que Macky Sall et son gouvernance, veulent donner beaucoup de couleurs à cet anniversaire, pour renvoyer l’image d’un Etat soucieux du sort des victimes du Joola.

D’aucuns estiment que le président semble résumer cette douleur à quelques chèques, puisqu’il parle de «soutien social», de finalisation du projet du Mémorial, de la consolidation du développement économique et social durable, et du désenclavement de la région sud.

Le drame, l’un des plus meurtriers de l’histoire maritime civile, a laissé exsangue la Casamance, dont étaient originaires la majorité des victimes, tout le Sénégal, ainsi que tout un continent.

Malgré la ténacité des survivants, aucune procédure ne permit d’identifier les responsables du naufrage, résultat d’une accumulation d’erreurs humaines et techniques.

Un mémorial à Dakar

Boubacar Ba, président de l’association nationale des familles de victimes et des rescapés, insiste aussi pour qu’un mémorial et lieu de recueillement soit érigé à Dakar, la capitale : «Il le faut pour tout le monde, pour les étrangers qui arrivent à Dakar, qu’ils puissent disposer de quelque chose pour montrer que ce 26 septembre 2002, il y a eu un événement terrible et inoubliable pour l’humanité. Venir jusqu’à Dakar et n’avoir aucun monument qui représente le drame, c’est déshonorer les familles et le pays, l’image du pays».

Sur la place du souvenir de Dakar, une gerbe de fleurs sera déposée dans la journée pour commémorer les 20 ans de ce drame.

Aujourd’hui coincé entre une rue bruyante et le paisible fleuve Casamance, Le Joola repose par une quinzaine de mètres de profondeur, selon les marées. Haïdar El Ali, qui a plongé plusieurs fois sur l’épave, indique que la superstructure du navire s’est disloquée sous le poids et repose désormais sur du sable: «Sous l’effet de la houle et des courants, des monticules se forment de chaque côté de la coque, comme si elle creusait sa propre tombe. Dans plusieurs dizaines d’années, ces deux collines de sable et de vase recouvriront Le Joola».

Vignikpo Akpéné